Sans la forêt du Congo, quelles agricultures en Afrique ?

L’étude “African rainforest moisture contribution to continental agricultural water consumption”, parue en 2024, souligne l’impact des forêts dans l’agriculture africaine. Elle utilise des modèles de suivi de l’humidité des forêts tropicales pour analyser leur contribution aux précipitations agricoles (période 2008-2017). Les zones sources et émettrices d’eau sont identifiées à une résolution de 50 km², l’étude appelant d’ailleurs à la production d’analyses plus fines.

Les auteurs sont issus du Potsdam Institute for Climate Impact Research (pas présents sur LinkedIn), de l’université d’Oxford pour Maganizo Kruger Nyasulu et du Stockholm Resilience Centre pour Ingo Fetzer, Lan Wang-Erlandsson, Fabian Stenzeln et Johan Rockström. Ce dernier a grandement contribué à médiatiser le concept de limites planétaires, qui s’applique ici à l’eau verte.

Le lien entre végétation et précipitation est amplement documenté. Pour autant, cette étude apporte un éclairage fin sur les interdépendances entre espaces agricoles et forestiers, alors que la déforestation du bassin du Congo est galopante. En Afrique, l’agriculture est pluviale à 80%. Or, les pluies sont alimentées par l’évapotranspiration forestière, avec des variations géographiques assez marquées.

Ainsi, l’Est de l’Afrique reçoit surtout des précipitations de la mer Rouge, quand plusieurs pays enclavés d’Afrique centrale sont très dépendants de l’humidité issue de la forêt du Congo:  “bien que la majeure partie de la superficie de la forêt tropicale se trouve en RDC, de nombreux pays voisins dépendent largement de l’humidité de la forêt tropicale pour leur agriculture pluviale (…), l’humidité de la forêt tropicale représente environ 10 à 20 % de l’utilisation de l’eau agricole.” Le Gabon et les autres pays limitrophes de cette forêt sont particulièrement tributaires de cette source d’humidité.

L’étude insiste sur l’urgence de disposer d’une gouvernance solide pour conserver et gérer la forêt tropicale du Congo. Sans cette source d’humidité, les précipitations diminueront dans une large partie de l’Afrique subsaharienne :  “l’humidité des forêts tropicales étant souvent recyclée plusieurs fois, chaque maillon brisé de cette chaîne entraînera une réduction de l’apport d’humidité sous le vent.” L’intégration du recyclage de l’humidité dans les politiques mondiales de l’eau et de l’agriculture devient vitale.

En outre, le “changement d’affectation des terres affecte la quantité d’humidité disponible pour l’agriculture et peut entraîner une réduction de 7 à 17 % des rendements des cultures dans les principaux paniers alimentaires, comme la région du Sahel”. Loin d’être anecdotique, l’état des forêts conditionne la sécurité alimentaire de tout un continent.

Ne faut-il pas développer l’agroforesterie massivement pour, notamment, diminuer la pression sur les forêts, en Europe comme en Afrique ?