L'Autoroute de la pluie

Initiative de réappropriation climatique

La photosynthèse à 5 pattes

Dans la publication précédente, nous avons vu qu’il existe trois modes de photosynthèses, C3, C4 et CAM, chacun adapté à un contexte et notamment à un optimum de température. La C4 pour les herbes tropicales, la CAM pour les plantes grasses, la C3 pour le reste. Aujourd’hui nous allons nous attacher à nuancer ce propos.

Image paulownia – Image peuplier : (projet déployé par l’Association française d’agroforesterie) – Image bambou – Image miscanthus

D’abord, sur l’optimum de température, les travaux récents de Mulet François sur la conduite de certaines plantes en conditions tropicale, laissent à penser que la question est plus complexe que ce que l’on pourrait le croire de prime abord, puisqu’il fait pousser des courges à 45°C et 100 % d’humidité. Pourtant, elles sont censées avoir un optimum à 25°C. La disponibilité en eau et l’humidité de l’atmosphère ainsi que l’espèce sont susceptibles de modifier ce paramètre.

Beaucoup de plantes ont en outre un mode de photosynthèse non conventionnel :

🌳le paulownia, dont on a longtemps cru que c’était un arbre C4, est en fait capable d’être un C3 et un CAM (voir cette étude et celle-ci).

🎍le bambou est un C3 atypique qui sait utiliser le CO2 issu de la photorespiration (voir ce lien)

🌿le miscanthus est certes une plante C4, mais capable de fonctionner à partir de 15°C (voir l’étude : « Long SP, Spence AK. 2013. Toward cool C4 crops. Annual Review of Plant Biology » 64, 701–722).

On remarque au passage que beaucoup de champions de la biomasse sont des plantes atypiques.

Dans la biomasse, on considère qu’il y a toujours à peu près 58% de carbone. Ce qui compte donc, ce n’est pas la nature de la biomasse, mais la quantité produite (exprimée en matière sèche).

Pour une quantité d’eau donnée, toutes les plantes ne produisent donc pas la même biomasse. Et cela ne dépend pas seulement du processus de photosynthèse. Les plantes ont d’autres stratégies, comme la mise en réserve de sucres dans les parties souterraines, l’alliance avec certains champignons ou la capacité à capturer la rosée qui les aident à croître. Est-ce pour autant qu’on peut dire qu’elles captent plus de CO2 ?

Ce qui compte avant tout pour produire de la biomasse, c’est que la plante soit adaptée à ses conditions de culture : son sol, son climat, mais aussi à la méthode de plantation et de conduite des cultures.

#co2 #plantes #photosynthèse

Les sources de l’image du post sont accessibles ici [7]. Nous avons ajouté le peuplier pour illustrer un végétal à croissance rapide des milieux tempérés.

Les photosynthèses

‼️ 🌵 🌾 Il y a, derrière un discours marketé sur certaines plantes qui capteraient plus de CO2, un point qu’il faut éclaircir.

Il y a, derrière un discours marketé sur certaines plantes qui capteraient plus de CO2, un point qu’il faut éclaircir. 

La photosynthèse est une réaction chimique qui utilise la lumière et un “donneur d’électrons” pour transformer du CO2 en autre chose. Le donneur d’électrons peut être du fer, des nitrites, de l’hydroxyde de soufre ou d’arsenic. C’est généralement de l’eau. On la retrouve chez les algues, les plantes et certaines bactéries (les cyanobactéries). La photosynthèse à base d’eau, celle des plantes, est dite “photosynthèse oxygénique”. Elle décompose l’eau et le CO2 pour produire du sucre, de l’eau et de l’oxygène. 

6CO2 + 24H2O C6H12O8 + 12O2 + 12H20

Schéma issu de l’étude source de cet article

Pour la majorité des plantes (celles qu’on appelle C3), cette réaction est associée à une activité coûteuse en énergie et en eau qu’on appelle photorespiration. Cette stratégie ne permet qu’une production de biomasse moyenne, mais elle est très adaptée à des conditions climatiques variables. On considère généralement qu’il existe un optimum thermique de 25°C. Ce type de photosynthèse permet de capter 1 gramme de carbone pour 400 g d’eau.

Une autre stratégie (C4) permet d’éviter la photorespiration. Le processus de photosynthèse est effectué dans deux cellules distinctes. L’optimum thermique passe à 35° C et la plante utilise seulement 250 g d’eau pour fixer 1 g de carbone. C’est la stratégie des plantes tropicales comme le maïs, le sorgho, la canne à sucre et le mil.

Mais C3 et C4 ont une faiblesse : la plante doit pouvoir evapotranspirer en même temps qu’elle fait de la photosynthèse. S’il fait trop chaud, la plante peut donc soit fermer ses stomates pour préserver son eau et cesser toute activité métabolique, soit continuer la photosynthèse, quitte à tomber en stress hydrique.

Seules les plantes CAM, c’est à dire essentiellement les plantes grasses, les cactus, savent gérer cette situation. Comme les C4, ces plantes effectuent leur photosynthèse en deux temps. La nuit, elles effectuent les échanges gazeux, puis le matin, après s’être gorgées de rosée, elles ferment leur stomates et finissent de métaboliser le CO2 absorbé durant la nuit sans perdre une goutte d’eau. Leur optimum est de 35°C le jour et de 15°C la nuit, car l’échange gazeux ne peut se faire qu’avec une certaine chaleur. Mais c’est seulement 50 g d’eau qui leur faut pour capter 1 g de CO2.

Il n’y a pas donc des plantes qui captent plus de CO2, il y a des plantes qui à volume d’eau constant vont faire plus de biomasse et des plantes qui sont davantage capables que d’autres de fonctionner quand il fait chaud.

#co2 #plantes #photosynthèse

Les moutons de mer (ou moutons à fleur) volent les chloroplastes des algues qu’ils consomment pour faire eux mêmes de la photosynthèse. Image accessible ici.

Voir l’étude « Exploring natural variation of photosynthesis in a site-specific manner: evolution, progress, and prospects » pour la source bibliographique.

Désertification de la France

🐓 🏜️La France rejoint officiellement le cercle (pas si fermé) des pays touchés par la désertification, mais ce n’est pas une fatalité.🌳💦

 L’image montre les effets d’une sécheresse prolongée sur les Pyrénées Orientales. Sans confondre météo (sécheresse) et climat (désertification), ces images démontrent que la situation peut vite basculer.

Cette image est issue de Copernicus ECMWF et provient de Actu.fr

La COP 16 sur la lutte contre la désertification a lieu (2-13 décembre 2024) en Arabie Saoudite. Dans ce cadre, la France a officiellement admis être touchée par la désertification. C’est le dernier pays du pourtour méditerranéen a formellement rejoindre le club.

Désormais, tous les 4 ans la France devra rendre compte des territoires affectés et présenter les effets des mesures d’atténuation et d’adaptation mises en place. Actuellement, 1% du territoire métropolitain est concerné, dont le pourtour méditerranéen et la Corse-du-Sud.

Reporterre cite Frédérique Montfort, spécialiste de la dégradation et de la restauration des paysages forestiers chez Nitidae: “La désertification ne se résume pas à l’avancée des déserts, cela se traduit surtout par la dégradation des terres des zones climatiques arides, semi-arides et sub-humides sèches”. 


Plusieurs départements français ont connu des niveaux de pluviométrie dignes de zones semi-arides, notamment en 2022-2023. Cette tendance est la même de l’autre côté de la frontière. Ainsi, la Catalogne envisage de couper massivement des arbres pour diminuer (ponctuellement) la demande en eau [2] et 75% du territoire espagnol serait en cours de désertification. C’est une conséquence du réchauffement climatique, mais probablement aussi d’une urbanisation galopante des côtes (voir notre article sur le mystère de la disparition des tempêtes estivales en Méditerranée).

Une étude de 2022 s’intéresse d’ailleurs aux dynamiques d’expansion de l’aridité :

Les sécheresses des zones arides sont particulièrement sujettes à l’autopropagation, car l’évaporation a tendance à réagir fortement à un stress hydrique accru du sol. […] Les précipitations peuvent diminuer de plus de 15 % en raison d’une sécheresse sous le vent au cours d’un seul événement, et jusqu’à 30 % au cours de certains mois.

Il nous semble essentiel d’enrayer cette spirale. A l’inverse du phénomène d’autopropagation, l’humidité des sols renforce les probabilités de précipitations. Vu le niveau de dégradation des sols, un recours généralisé à l’hydrologie régénérative et à l’agroforesterie ne s’impose-t-il pas ?

Nous avons récemment montré des exemples de réalisations au Sahel, mais d’autres ouvrages modestes gagneraient à être déployés. Les Pyrénées Orientales, notamment, nécessitent la mise en œuvre rapide de mesures pour limiter la contagion.

De la même manière, le déploiement d’un “Autoroute de la Pluie” dans le Lauragais permettrait de capter l’humidité des deux façades maritimes et de disposer d’un corridor agroforestier robuste. Il constituerait une “base arrière” pour soutenir le front de lutte contre la désertification de l’Aude et des Pyrénées Orientales.

Nous vous présenterons des propositions détaillées dans de prochains posts. Si ce n’est pas déjà fait, abonnez-vous à la page😉

#france #désert #aridification #eau

A propos de la perte de la mangrove en Guyane

Faire avec la géographie.

En 1948, Boris Choubert, géologue à l’Office de la Recherche Scientifique Outre-Mer, remarque dans son étude intitulée “sur des phénomènes actuels de sédimentation le long des côtes guyanaises” le caractère extrêmement mouvant de la côte guyanaise.

En effet, la forme du littoral Guyanais dépend essentiellement d’un banc de vase déposé par les eaux de l’Amazone. Comme l’explique cet article d’Antoine GARDEL du Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences, les 1500 km de côte entre les embouchures de l’Amazone et de l’Orénoque constituent la plus grande côte vasière du monde, en recevant tous les ans entre 150 et 200 million de tonnes de sédiments.

Ces sédiments forment des bancs de vase d’une vingtaine de kilomètres qui se déplacent selon la direction de la houle, c’est-à-dire essentiellement celle des alizés, à une vitesse allant de 0,5 à 5 km/h. En touchant la côte, ils forment des vasières de plusieurs kilomètres. Sur ces vasières pousse alors de la mangrove.

Ainsi en 1964, lorsque l’Etat décide de construire une cité spatiale pour remplacer le précédent centre situé en Algérie, des criques sont bouchées et des zones humides sont asséchées et comblées. La mangrove est bordée de quelques rangs de cocotiers et d’une route, puis des maisons sont construites (voir cette étude). Tout ça, sous le regard médusé des créoles.

Source de l’image

Évidemment, ce qui devait arriver, arriva. Le banc de vase a disparu et les maisons en bord de route sont désormais en bord de mer. Pour les gens qui vivent là, la situation est dramatique. Même s’il est probable que la vase finisse par se réinstaller (cf cet article), le trait de côte a irrémédiablement bougé et les habitations, désormais exposées aux tempêtes, sont condamnées. La mer, qui était pourtant à plusieurs kilomètres, est désormais à leurs portes. Les sacs de sable posés par la commune ne sont pas grand chose face aux éléments.

Par ailleurs, on constate que si certains peuples autochtones ont l’habitude de s’installer sur le littoral, c’est parce qu’ils sont capables de partir rapidement pour changer de lieu d’habitation. Il y a donc d’un côté une force de la nature capable d’arracher en peu de temps des kilomètres de forêt littorale et de l’autre une stratégie de souplesse et d’adaptation qui a l’air de mieux fonctionner que les tentatives de domination des éléments.

C’est aussi le message de l’Autoroute de la Pluie : faire avec plutôt que contre.

https://svtlyceedevienne.com/wp-content/uploads/2022/05/img-8-small580.jpg

#mangrove #climateaction #océan

La mare, l’oubliée de la simplification des paysages

🏞️Nous entendons à juste titre beaucoup parler de la perte des haies et du bocage. Toutefois, réalise-t-on l’importance du déclin des mares qui ont longtemps maillé nos territoires agricoles ? 🐸

Car c’est un fait : les mares sont en voie de disparition. Ainsi, “de nombreux pays industrialisés ont perdu de 50 à 90 % de leurs mares, directement en relation avec l’aménagement du territoire”. En France, “entre 30 et 40 % des mares ont disparu depuis 1950 en France et leur effectif est dix fois moins élevé qu’au début du siècle dernier. De plus, l’immense majorité des mares restantes est abandonnée” [étude de 2013]. En outre, “on estime qu’il y aurait sur Terre 3 milliards de mares de 100 à 1000 m², soit une surface de 0.8 milliards de km² ou 20 mares par km² […]. Les mares agricoles, à elles seules, représenteraient 77.000 km² à l’échelle mondiale” (selon cette étude).

Peu de sources récentes sont aisément accessibles pour évaluer la tendance depuis 2013. Et ce sujet est oublié des rares médias qui accordent encore une place aux questions de climat, de biodiversité et d’agroécologie.

Pourtant, les bénéfices des mares et milieux apparentés sont énormes :

🟢 Ce milieu présente les meilleures capacités de stockage de CO2. En volume, les zones humides stockent plus de CO2 que les sédiments océaniques pour une surface bien plus restreinte. Et les petites zones humides stockent davantage que les grandes par unité de surface [2].

🟢Ce milieu facilite grandement la gestion du trop plein et du manque d’eau

▶️une mare retient l’eau et recharge les aquifères

▶️ elle constitue également une réserve pour le bétail, les maraîchers, voir les céréaliers

🟢Une mare filtre l’eau grâce aux plantes qu’elle abrite

🟢Une mare a un rôle pivot pour la biodiversité, et renforce les corridors existants

🟢L’importance économique des mares n’est pas quantifiée à notre connaissance, mais elle est énorme tant ces services écosystémiques sont essentiels.

Le sujet de la mare, entendu comme un système de stockage des excès de pluie en période hivernale, se pose avec une acuité grandissante. Selon les projections climatiques, en France les périodes de sécheresses seront plus fréquentes et plus longues. Il sera alors opportun de disposer de stockages. Stocker l’eau ne doit pas être un tabou, à condition de ne pas multiplier des méga bassines privatisant la ressource.

En plus de réhabiliter les mares abandonnées, une voie médiane et réaliste serait donc de favoriser l’implantation d’un maillage important de noues et keylines et de fermer certains fossés.

En outre, toujours selon les projections, le Nord de la France sera particulièrement arrosé. Il faudra alors faire face à des cumuls de précipitations très importants, la période octobre 2023-octobre 2024 étant un avant-goût.

Avant de restaurer toutes les zones humides drainées frénétiquement, la réinstallation de mares apparaît comme un horizon atteignable à moyen terme.

#CO2 #biodiversité #zoneshumides

Zaï et lutte contre la désertification au Niger

⚒️🏜️Suite sur la lutte contre la désertification au Sahel – Comment le zaï permet la régénération massive d’écosystèmes dégradés au Niger ? 🌱🌴

Ces images sont issue de la vidéo d’Andrew Millison

Une vidéo d’Andrew Millison, publiée en novembre 2024, est particulièrement motivante. Cet enseignant en permaculture est un vidéaste populaire sur Youtube avec plus de 500.000 abonnés. Cela lui permet de diffuser massivement les bonnes nouvelles de la planète, car il y en a encore !

La vidéo au cœur de ce post concerne la restauration de 300.000 hectares au Niger, en dix ans. Les résultats sont parlants, comme en témoigne l’illustration du post, issue de la vidéo. Pour restaurer ces terres arides et désolées, une myriade de demie-unes ont été creusées par les paysans nigériens. Le déploiement de ces mesures de conservation des sols et des eaux [voir post sur le Burkina Faso, 2] a permis à la végétation de pousser et aux arbres de s’épanouir.

Selon les gestionnaires du projet, la restauration d’un hectare profite au total à 3 hectares, grâce notamment à la protection contre les effets des vents venus du désert. Ils estiment donc que 900.000 hectares en bénéficient. Les bénéficiaires de ce projet font état d’une température de 5 à 9 degrés inférieure dans les zones restaurées par rapport aux terres arides avoisinantes. L’agroforesterie est décidément une mesure de remédiation climatique très efficace.

La vidéo se concentre sur une zone de 800 hectares de ce projet nigérien. Le déploiement de ces méthodes traditionnelles de gestion de l’eau aurait déjà permis aux aquifères, jusque-là menacés d’épuisement, de recommencer à se remplir. Enfin, sur l’ensemble du projet au Niger, 500.000 personnes auraient été “mises en sécurité alimentaire” grâce à la régénération de ces terres agricoles.

Ce projet s’insère dans la démarche plus large, et titanesque, de Grande Muraille Verte en Afrique subsaharienne, qui vise à freiner voire à inverser la désertification de 11 pays du Sahel. Cette muraille doit relier Dakar (Sénégal) à Djibouti et porte sur 117.000 km 2 (11,7 millions d’hectares).

Nous explorerons plus en détail les impacts déjà constatés de la Grande Muraille Verte dans de futurs posts.

Si Andrew Millison est parfois un peu trop enthousiaste, sa capacité à rayonner sur les réseaux en fait définitivement un porte-parole du mouvement de promotion de l’agroécologie. Ses vidéos sont réalisées avec soin, ce qui permet au message de rayonner au-delà du cercle des convaincus.

Car pour déployer d’ambitieux projets basés sur l’intensification agroécologique, toutes les forces vives seront nécessaires. C’est ce à quoi s’attelle notre collectif !

Agroforesterie d’urgence et désert

🌴🚨 Déployer une agroforesterie d’urgence pour faire pleuvoir dans le désert, c’est possible ? 🏜️🌧️

L’image provient de l’étude à la base de l’article – https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1904754116

En 2019, deux chercheurs de l’Institute of Physics and Meteorology (Université d’Hohenheim, Allemagne), se sont penchés sur cette question, via une approche agroforestière jouant à la fois sur le stockage du carbone dans les sols et sur l‘amélioration délibérée des précipitations dans un territoire.

L’étude “Deliberate enhancement of rainfall using desert plantations” évalue où, dans le monde, implanter de larges plantations capables d’améliorer localement les pluies. Les deux zones témoins sont Oman et Israël et la méthode envisagée, très spécifique, ne fonctionne que pour Oman, certains critères devant être rassemblés.

Les chercheurs définissent leur proposition comme de la “biogéoingénierie”. Nous préférons le “génie écologique” et le  “biomimétisme”, comme le promeut Pierre Gilbert, tant le premier terme rappelle les errements des techno-solutionnistes.

Ce travail se base sur des modèles à haute résolution, dotés de représentations sophistiquées de la surface terrestre (Weather Research and Forecasting couplé au modèle terrestre Noah), pour appréhender la chaîne de processus complexes conduisant aux modifications du climat régional et potentiellement global. A partir de cette compréhension affinée et d’une analyse statistique, les chercheurs proposent un “indice de rétroaction global (GFI)” pour prédire les impacts des plantations sur le climat régional.

Concrètement, l’étude envisage les paramètres suivants : 

☑️Plantation d’arbre sur 100 km2

☑️Utilisation d’arbres sombres (jojoba), donc à albédo faible, plantés sur une surface claire

☑️La zone dispose d’une humidité conséquente

☑️ Le vent y est faible, voir inexistant

Pour faire tomber la pluie, les auteurs introduisent les variations suivantes:

🚿 Arrêt de l’irrigation

🌴Les arbres ferment alors leurs stomates, mais continuent la photosynthèse

🌞L’albédo faible fait chauffer la zone

↗️Cela fait monter l’air, qui emporte de l’humidité

☁️La colonne d’air chargée d’humidité arrive dans la zone où le gradient thermique permet de condenser

🍄 Les arbres émettent également des bioaérosols qui favorise aussi la condensation

🌧️Grâce à l’absence de vent dans la zone, la pluie y tombe

On peut retirer de cette étude un paradoxP
Un merci tout particulier à Ali Bin Shahid, du Pakistan, pour la référence de cette étude. La description du profil d’Ali parle d’elle-même “Quantifying Nature’s Rhythms for Climate Solutions | Rainman”.

Cultures bioénergétiques et recyclage de l’eau dans l’atmosphère

Les plantes pérennes cultivées à des fins de bioénergie peuvent rapporter autant d’eau qu’elles en consomment !

Une étude menée par des chercheurs français et chinois, parmi lesquels Philippe Ciais, et publiée en 2023 dans la revue Nature, met en lumière l’existence d’un phénomène de rétroaction climatique en lien avec certaines cultures bioénergétiques.

Promue notamment par le GIEC, la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS) remplit en théorie une double fonction d’élimination du CO2 et d’approvisionnement en bioénergie. Sans porter de jugement sur cette technologie, ce qui nous intéresse ici est qu’elle repose sur la culture de plantes pérennes, arbres ou herbacées, et pas sur des plantes annuelles.

Si leur irrigation implique une certaine consommation d’eau, ces plantes pérennes la redistribuent abondamment, en la drainant dans le sol par les racines et en l“évapotranspirant dans l’atmosphère. La plantation massive de ce type de végétaux pourrait donc avoir un impact direct sur le cycle global de l’eau. L’étude aborde frontalement cette problématique en proposant un modèle pour prédire les effets que pourrait générer le déploiement à grande échelle de la technologie BECCS.

En l’occurrence, les chercheurs ont tenté d’obtenir des « représentations explicites » des impacts sur le cycle de l’eau de deux types distincts de monocultures bioénergétiques : d’une part des plantes ligneuses à forte transpiration (eucalyptus) et d’autre part des plantes herbacées à plus faible transpiration (panic raide ou switchgrass).

Dans les deux cas, les résultats obtenus indiquent un effet positif sur le recyclage de l’eau dans l’atmosphère. Les simulations réalisées dans le cadre de cette étude montrent en effet que « les précipitations terrestres mondiales augmentent dans les scénarios BECCS, en raison de l’évapotranspiration accrue et de l’advection (déplacement horizontal) d’humidité intérieure ».

Les auteurs concluent que « l’augmentation des précipitations terrestres à l’échelle mondiale, due aux rétroactions atmosphériques des cultures bioénergétiques à grande échelle, pourrait compenser partiellement la consommation d’eau de ces cultures bioénergétiques pluviales à l’échelle mondiale » et recommandent « une évaluation plus complète, incluant les effets biophysiques de la culture de la bioénergie ».

Cette étude illustre en tout cas de manière éclatante le rôle crucial joué par les espèces végétales dans le cycle de l’eau. Loin d’être négligeable, ce dernier est tout simplement moteur dans le recyclage des ressources hydriques à l’échelle de la planète. Ce constat est un argument de plus en faveur des projets d’intensification végétale, comme celui que nous promouvons entre les Pyrénées et le Massif Central. 

Un grand merci à Philippe Ciais pour nous avoir orienté vers ces travaux !

Les méthodes agricoles en milieu semi-désertique

🌱Comment cultiver en territoire semi-désertique 🏜️ et sensiblement diminuer le risque d’inondations en cas d’épisodes pluvieux extrêmes ? ☔

L’étude Exploring the Potential of Soil and Water Conservation Measures for Climate Resilience in Burkina Faso, qui analyse la situation en milieu Sahélien, revient sur des principes qui devraient être adoptés dès maintenant dans un pourtour méditerranéen en cours d’aridification.

Parue en 2024, cette étude est le fruit d’une collaboration entre scientifiques burkinabés et japonais, dont Carine Naba. Ils ont utilisé des données nationales, la télédétection et des outils SIG pour évaluer l’adoption des mesures de conservation des sols et des eaux (“Soil and water conservation measures (SWCMs)” dans l’étude) et leur potentiel de résilience climatique.

Les techniques étudiées sont traditionnelles au Sahel : demi-lunes, cordons pierreux, zaïs, diguettes filtrantes, bandes enherbées et boulis.

Les résultats de l’étude sont notamment :

  • Une augmentation notable de la végétation dans les provinces à forte prévalence de pratiques de conservation des sols et des eaux. Cet essor interpelle alors que la désertification menace les pays du Sahel. Il est possible de lutter efficacement contre ce risque.
  • Le déploiement de ces techniques entraîne une réduction considérable du ruissellement. Ainsi, les références bibliographiques de l’étude font état de réduction du volume de ruissellement de l’ordre de “70% au niveau du champ et de 8% au niveau du bassin en cas d’événements pluvieux extrêmes”.
  • Plus les terres sont dégradées, plus les agriculteurs sont susceptibles d’adopter ces pratiques (seuil évalué à partir de 60% de dégradation des terres). Cela pose la question de l’adoption des pratiques agroécologiques, qui dépend encore malheureusement de l’état de dégradation des terres. L’adage “mieux vaut prévenir que guérir” prend tout son sens, tant en Afrique qu’en Europe.

On le voit, des ajustements agronomiques relativement mineurs peuvent permettre une atténuation sensible d’aléas climatiques de plus en plus extrêmes. Nous pensons qu’il ne faut pas attendre que la situation se dégrade pour réagir. C’est pourquoi nous prônons un déploiement rapide de ces techniques en contexte méditerranéen. Les tragiques inondations d’octobre 2024 en Espagne ne peuvent qu’accréditer cette thèse.

Il est temps d’adapter nos territoires et les exploitations agricoles qui les maillent. Ces mesures de conservation des sols et des eaux s’apparentent à l’approche de l’hydrologie régénérative en plein essor en France, que complète efficacement l’agroforesterie. L’agriculture de conservation des sols, l’agriculture biologique de conservation des sols et l’agriculture régénérative sont d’autres méthodes à déployer massivement pour renforcer notre robustesse, concept stratégique que diffuse Olivier Hamant.

Les bioaérosols et la pluie

🦠🍄🌧️ Connaissez-vous les bactéries déclencheuses de pluie ? 🌧️🍄🦠

L’image provient d’une « rencontre avec Pierre Amato« 

Les interactions entre les composés organiques volatiles émis par les plantes et les arbres et l’ennuagement et le déclenchement des pluies sont de mieux en mieux documentées.

Les nuages se forment lorsque des gouttelettes d’eau se condensent autour de minuscules particules, les noyaux de condensation. Les arbres et végétaux émettent dans l’air des sesquiterpènes et des spores qui agissent comme noyaux de condensation. Ils permettent donc aux gouttelettes d’eau de se former et grossir, avant de précipiter.

Les bioaérosols sont importants pour la formation des nuages. En effet, les émissions de soufre et d’autres substances polluantes diminuent, ce qui est positif.Toutefois, elles sont un vecteur d’ennuagement. Une meilleure compréhension du rôle des agents organiques d’ensemencement est donc essentielle pour affiner les modèles climatiques et soutenir le régime des pluies. A contrario, les fragments de certains pollens (ambroisie et ivraie) conduisent à la formation d’un type de nuage ne produisant pas de pluies.

Parmi les promoteurs de l’agroécologie et des solutions fondées sur la nature, le lien entre végétation, composés organiques volatiles et pluie est notamment connu grâce aux travaux de Cindy Morris, directrice de Recherche à l’INRAE [1], [2], autour de la bactérie pseudomonas syringae. Ce “chancre bactérien” infecte arbres et plantes. En étudiant ses effets pathogènes, la chercheuse s’est aperçue de son importance dans le déclenchement des pluies et donc sur le cycle de l’eau.

En effet, cette bactérie a une propriété glaçogène. En été, elle catalyse la pluie malgré une température élevée, et provoque donc des précipitations. Cette bactérie abaisse le point de nucléation, donc l’altitude à laquelle l’eau à besoin de monter pour refroidir et précipiter, de façon très significative. Cindy Morris parle de “plancton aérien”.

Pour décrire ce phénomène, le terme de “bioprécipitation” a été inventé dans les années 1980. Les physiciens étaient initialement hostiles à cette approche, mais le facteur biologique est désormais accepté, même s’il est insuffisamment pris en compte.

Actuellement, la présence de cette bactérie dans l’eau est étudiée. Cindy Morris participe également à l’évaluation de la dissémination de la bactérie à longue distance. Toutefois, il est compliqué de quantifier la quantité de particules microbiennes dans les flux d’air. 

Malgré les difficultés pour prendre en compte ces facteurs dans l’aménagement du territoire et du paysage, c’est un axe très prometteur. L’aménagement du territoire, et les choix végétaux liés, ont des impacts climatiques bien plus importants que ce qui est communément admis. Il est temps de porter ce sujet dans la sphère publique, afin que tout aménagement territorial, grand ou petit, prenne en compte ces impacts climatiques.

Enfin, l’éradication de ce chancre bactérien, pour préserver les cultures, pourrait diminuer la pluviométrie.

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