
Quel est le potentiel de régénération naturelle des régions tropicales déboisées dans le monde ?
Nous avons exposé dans plusieurs articles [1 et 2] l’impact climatique positif du verdissement qui a démarré au début des années 1980 et a contenu 12% du réchauffement climatique.
Fort de ce constat, il est utile d’examiner le potentiel d’extension de ce verdissement. L’étude “Global potential for natural regeneration in deforested tropical regions” [3] permet de s’en faire une idée en examinant le potentiel de régénération naturelle dans les régions tropicales déboisées. Cette étude, publiée dans @Nature en 2024, est basée sur les données 2000-2016 et repose un modèle doté d’une résolution spatiale de 30 mètres.
Selon cette étude, une superficie de 215 millions d’hectares pourrait être reboisée efficacement avec les méthodes de régénération naturelle forestière. Avec 52% de la superficie pouvant bénéficier de cette approche, cinq pays devraient être ciblés prioritairement : Brésil, Indonésie, Chine, Mexique et Colombie.
La méthode de régénération naturelle est plus pérenne. Elle se caractérise par ses coûts abordables: “12 à 3 880 USD par ha contre 105 à 25 830 USD” pour la plantation d’arbres. Cette approche a notamment été popularisée par Tony Rinaudo, grand promoteur de la régénération naturelle qu’il a déployé au Niger, avant que la méthode ne soit largement disséminée dans les pays tropicaux, Afrique en tête. Les régions forestières tropicales constituent un hotspot de la perte de biodiversité, mais elles présentent aussi un potentiel très important de régénération.
Les auteurs de l’étude conçoivent leur travail comme un outil d’aide à la décision. En effet, la régénération naturelle est trop peu déployée, les décideurs ne sachant pas toujours où agir efficacement. La présente étude se base sur une analyse de télédétection, parue en 2022, ayant porté sur plusieurs millions de parcelles afin d’évaluer la pérennité de la repousse naturelle d’arbres. L’équipe de chercheurs a ensuite listé un ensemble de variables géospatiales, biophysiques et socio-économiques et utilisé des méthodes d’apprentissage automatique afin d’évaluer où la régénération naturelle a réussi dans les zones étudiées.
Dans l’étude de 2024, les chercheurs se sont concentrés sur les zones tropicales, mais la régénération naturelle pourrait également se déployer en zone tempérée, particulièrement là où l’aridification commence à entraver la croissance des arbres locaux.
Quand on pense à l’impact positif important du verdissement, qui a pour beaucoup reposé sur la Chine et l’Inde, ce processus gagnerait à être largement soutenu à l’échelle globale. Et le déploiement en parallèle de l’agroforesterie viendrait utilement soulager les forêts, afin qu’elles croissent avec moins de contraintes. Enfin, l’intensification agroécologique des pratiques agricoles a tout son intérêt pour soutenir le verdissement global.
