Initiative de réappropriation climatique

Étiquette : regeneration

⛰️🌴 Revégétaliser des montagnes pour sauver des glaciers tropicaux ? 🧊🏔️

Dans sa chronique hebdomadaire du 23 novembre 2023, sur France culture, la glaciologue Heïdi Sevestre revient sur une initiative en Colombie qui peut, à première vue, sembler étonnante.

Le billet d’Heidi Sevestre est disponible en podcast ici:

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-biais-d-heidi-sevestre/colombie-revegetaliser-les-montagnes-pour-sauver-les-glaciers-2233569 

Interview de Heidi Sevestre sur le podcast circular metabolism (elle évoque la Colombie en dernière partie)

Il s’agit pourtant d’un projet tout à fait sérieux qui est mis en œuvre à pour protéger les glaciers tropicaux du pays. Marcela Fernandes, fondatrice de Cumbres Blancas Colombia, en français Les Sommets Enneigés, fait tout pour protéger les glaciers de Colombie et figure d’ailleurs parmi les 100 personnes les plus influentes sur le climat dans le classement de la BBC en 2023.

Face au réchauffement climatique, la situation des glaciers colombiens est très compliquée. Depuis 2019, cette association tente tout pour les protéger. Plutôt que des canons à neige ou des bâches blanches, il est vite apparu que la meilleure manière de les protéger est de préserver les écosystèmes. Comme le résume Heïdi Sevestre, “pour être en bonne santé, les glaciers doivent recevoir de la neige et pour que la neige tombe, l’environnement doit être suffisamment humide. Et l’humidité en Colombie vient en grande partie de la végétation sur les flancs des montagnes”. L’association a donc décidé d’œuvrer à revégétaliser les “paramos”, des écosystèmes d’altitude qui n’existent qu’au Pérou,en Equateur et en Colombie. Ces paysages très humides sont des trésors de biodiversité menacés par l’exploitation forestière et le pâturage, entre autres.

Paysage typique du paramo, par Patricio Mena Vásconez — Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1629127

Pour restaurer ces écosystèmes, « Cumbres Blancas Colombia » a donc mis en place des serres afin de cultiver des plantes natives et engager les communautés autochtones à soutenir la végétation de ces montagnes. Des associations sœurs ont été mises en place en Équateur, au Pérou, au Mexique et au Venezuela, des pays disposant également de glaciers tropicaux. Des associations sont également impliquées dans le mouvement en Afrique de l’Est et en Indonésie, où on trouve également des glaciers tropicaux.

Plus d’informations sur ceprojet sur le site de l’association: https://www.cumbresblancas.co/


Cette initiative démontre toute l’utilité d’adopter des solutions fondées sur la nature pour bénéficier des services écosystémiques de la végétation. Il est encore temps de mettre en place des approches similaires en France, notamment par la sanctuarisation de la végétation montagnarde.

59 % de la vie dans le sol

Dans un article d’août 2023, sous la direction de  l’écologue Mark Anthony (Enumerating soil biodiversity https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2304663120), les chercheurs ont pu déterminer que la plus grosse partie de la vie sur terre ne réside ni dans les forêts, ni dans les océans, mais dans les sols. Cette étude en complète une de 2018 sur la distribution de la biomasse terrestre (The biomass distribution on Earth https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1711842115). Étude qui montrait, au passage, que la biomasse de la terre avait décliné de 50 % depuis le début de la civilisation humaine.

Photo de Oliver Meckes et Nicole Ottawa, National Geographic

Ici, dans ce débris végétal, on observe un ver polychète et deux espèces d’acariens, des mousses et des champignons. Leur existence, leur action mais aussi leurs excréments et leurs cadavres vont contribuer à aggrader le sol, favoriser la croissance des plantes et développer l’écosystème. Prendre soin des sols, c’est construire la biodiversité.  

Quand on parle de biodiversité, on pense souvent à la faune en danger : ours polaires sans banquise, orang-outan sans forêts, migration des gnous bloquée par l’autoroute … etc. Mais la majorité du vivant est constitué de petites choses, bactéries, amibes, protozoaires, champignons, acariens, collemboles, nématodes, radicelles, mycorhizes, que l’on trouve dans le sol.

➖ les sols sont artificialisés 🅿️ 🛣️ : un sol c’est avec des plantes  ☘️ dessus et de l’eau 🚰 dedans. Autant de propriétés qu’on enlève avec le revêtement et le drainage. Sans plantes, sans eau, pas de matière organique ni de sucre pour nourrir le vivant. 

➖ les sols sont compactés 🚛 🚜 🦖: à force de rouler dessus avec des engins de plusieurs tonnes, de les retourner dans tous les sens, d’enlever les cailloux, de désherber, de terrasser, de minéraliser la matière organique, la porosité, c’est à dire la capacité à faire circuler de l’air, de l’eau, du mycélium et des racines, disparaît et avec elle, la vie.

➖ les sols sont pollués : entre les déchets industriels, les poubelles, le plastique issu des pneus, les dépôts de particules  et l’épandage de produits, la vie dans les sols est soumise à rude épreuve. Situation d’autant plus dommageable qu’elle est inextricable. La pollution qui n’est pas fixée dans les sols part dans l’eau ou dans l’atmosphère. 

➖ les sols sont érodés : en perdant leur vie, en brûlant au soleil, les sols perdent leur cohérence et leur structure et finalement sont emportés par la pluie et le vent.

Comment parvenir à végétaliser de grandes surfaces ?

Dans une synthèse de 2020 (https://www.fondationbiodiversite.fr/wp-content/uploads/2021/12/FRB-Synthe%CC%80se-plantations.pdf), la @Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) revient sur le projet de Grande muraille verte initié par le très charismatique président du Burkina Faso, Thomas Sankara, au milieu des années 80.

La grande muraille verte (source ONU)

Suite aux grandes sécheresses qui ont sévi au Sahel dans les 60 et 70, une plantation continue de 7000 km d’arbres est lancée. Son but est de contrer l’avancée du désert.

Même si le désert n’avance pas vers le sud comme on pouvait le craindre, reverdir le Sahel reste un objectif important comme le souligne le GIEC dans ce rapport de 2022 (https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter07.pdf page 74).

Mais ce projet a englouti des sommes faramineuses pour un résultat souvent décevant. Les arbres plantés ne sont pas adaptés, pas entretenus et meurent. Paradoxalement, seules les plantations à visée commerciale réussissent.

Cet échec à plusieurs causes. Notamment, le choix des essences souvent peu à même de survivre sans entretien. Mais c’est surtout le régime foncier et le statut de l’arbre qui sont les principaux obstacles. Par l’effet d’un reliquat du droit colonial, l’agriculteur n’est pas propriétaire des arbres sur les parcelles qu’il exploite. Sa présence n’est donc qu’une contrainte. C’est la levée de cet obstacle social qui permettra au projet de vraiment décoller.

Parallèlement, certains agriculteurs développent une forme d’agriculture originale, le Zaï, qui favorise la germination des graines d’arbres déjà présentes dans le sol. De cette conjonction de facteurs émergera la pratique du bocage sahélien qui fait le succès du verdissement du Sahel. 

L’agronome australien Tony Rinaudo, à qui Arte a consacré un documentaire (The Forest Maker) a contribué à favoriser la diffusion de cette pratique oubliée dans les années 80. Il a commencé à appliquer cette pratique au Niger, après plusieurs années de vains efforts de reforestation. En impliquant les communautés villageoises, les résultats y ont été spectaculaires : « Dans les années de sécheresse, les récoltes étaient infiniment plus abondantes sous les arbres… Je ne sais pas comment le principe s’est disséminé, mais de paysan en paysan, le mot a circulé tant et si bien qu’en une vingtaine d’années, ce sont 200 millions d’arbres qui ont poussé au Niger, sans en planter un seul. »

Favoriser l’émergence de la végétation spontanée s’appelle la régénération naturelle spontanée. Cette approche permet de végétaliser les espaces solidement et à peu de frais, puisque c’est le stock de graines déjà en place qui va s’exprimer. 

Mais ce que montre cette expérience c’est que si la régénération est spontanée, le démarrage du processus ne peut se faire que lorsque les conditions agronomiques et sociales sont réunies. Que seraient ces conditions dans la France d’aujourd’hui ? Nous essaierons dans de prochains post de le définir et de tracer un chemin pour y aboutir.

🌳🌱La végétalisation massive d’un territoire peut-elle en modifier le climat? 🌦️🌧️

Le cas du reverdissement massif du plateau de Loess, en Chine, se révèle instructif pour répondre à cette question. En effet, pour lutter contre l’érosion des sols, une zone d’une taille équivalente à la Belgique y a été massivement revégétalisée depuis les années 1980, sur la base d’une approche agroécologique (permaculture et agroforesterie). Les résultats y sont spectaculaires, tant en termes d’activité végétale que d’amélioration de la situation économique des paysans du territoire. Mais qu’en est-il en termes de pluviométrie, et donc de climat ?

Selon certaines études, l’accroissement de la surface végétalisée fait augmenter l’évapotranspiration dans la zone, et donc in fine la disponibilité en eau. Cette vision des choses se retrouve dans d’autres analyses consacrées aux liens entre végétation et eau. Selon cette approche, il ne faudrait pas trop favoriser la végétation, au risque d’assécher les cours d’eau d’un territoire.

Cependant, dans le cas du plateau de Loess, une étude récente “Revegetation Does Not Decrease Water Yield in the Loess Plateau of China” fait ressortir les points suivants:

  • L’apport en eau de surface ne diminue pas sur le plateau de Lœss après la revégétalisation.
  • L’augmentation plus rapide des précipitations régionales l’emporte sur l’évapotranspiration accrue.
  • La revégétalisation accélère le recyclage local de l’humidité et contribue à l’augmentation des précipitations.

Une autre étude “The role of ecosystem transpiration in creating alternate moisture regimes by influencing atmospheric moisture convergence” a été réalisée par Anastassia M. Makarieva (co-autrice de la théorie de la pompe biotique) et d’autres chercheurs. L’étude juge qu’”une fois qu’un stade plus humide est atteint, une végétation supplémentaire améliore la convergence de l’humidité atmosphérique et le rendement en eau.”
Dit autrement, la végétalisation massive d’un territoire peut conduire à en modifier sensiblement le climat, pour en améliorer la teneur en humidité.

Fort de ces constats, il apparaît que des politiques judicieuses de déploiement des techniques agroforestières et agroécologiques de grande ampleur permettraient de faire face aux processus de dessèchement en cours.

L’indice de végétation

Face au réchauffement climatique, il nous semble indispensable de développer  les écosystèmes plante / sol. Ceux-ci sont non seulement ceux qui nous nourrissent, mais également ceux qui nous procurent l’eau et les conditions climatiques dont nous avons besoin pour vivre.

A la base de ces écosystèmes, il y a le cycle de la fertilité. Les plantes nourrissent la vie du sol de leurs déchets (feuilles, fruits, branches, racines, exsudats). Sous l’effet de l’activité biologique, le sol s’aère et se structure. Il devient poreux, spongieux et riche en éléments minéraux, favorable à la prolifération des plantes, qui agradent le sol … Ce cycle est aussi un cycle de l’eau et un cycle du carbone. Sur ce sujet vous pouvez  lire “L’origine du monde” de Marc Andre Selosse parue chez Actes Sud

Pour appréhender de façon globale l’évolution de cet écosystème, nous observons l’indice de végétation (NDVI). C’est une valeur comprise entre 0 et 1, mesurée par satellite, qui permet de déterminer l’activité végétale d’une zone donnée. Ainsi on sait à quel moment une plante pousse et à quel moment les services écosystémiques sont à l’arrêt. 

Voici ce que nous observons sur des parcelles témoin en 2022 

ModalitéNombre de jours avec NDVI > 0.3Indice de végétation moyenIndice de végétation maximum
Blé d’hiver550,410,8
Centre ville00,090,15
Forêt840,560,82
Lotissement640,310,41
Maïs grain irrigué330,300,76
Maison et verger1000,570,72
Prairie aux chevaux1000,470,63
Prairie fauchée1000,560,75
Village1000,490,62

Bien sûr, ce qui est valable pour 2022 ne le sera pas forcément pour 2023, mais nous tirons quand même de cette étude trois conclusions. 

  • En ville, il ne suffit pas d’ajouter quelques arbres pour avoir un effet significatif. Lorsqu’on pense végétalisation, l’image qu’il faut avoir en tête est celle des lotissements et des quartiers périphériques largement pourvus en squares et jardins. On peut ensuite tordre le problème dans tous les sens, cela signifie forcément qu’il faudra réduire la place laissée à la voiture
  • A la campagne, une seule culture annuelle ne suffit pas à faire fonctionner l’écosystème toute l’année. En l’absence d’arbres, il y a de longues périodes d’arrêt qui pourraient être optimisées avec des couverts et de l’agroforesterie. Encore faudrait-il le demander clairement aux agriculteurs, plutôt que de tourner autour du pot avec des mesures techniques absconses. 
  • Les prairies surtout si elles sont arborées sont les meilleurs écosystèmes que nous ayons en termes d’activité végétale. La combinaison herbe + arbre représente beaucoup de végétation sur une longue période. Un pâturage raisonnable permet d’optimiser la pousse de l’herbe et d’accroître la biodiversité.

En guise de conclusion, photo d’une promenade à la campagne. A méditer 

Et si l’arbre était plus qu’un simple élément de décor du paysage?

Image réalisé par trogne.fr

🌻 accueil de la biodiversité : les arbres fournissent un habitat précieux pour de nombreuses espèces animales. Ils abritent une biodiversité incroyable : insectes, amphibiens, rongeurs, oiseaux. Ils cultivent dans leurs racines un microbiote pléthorique et de nombreux champignons

🍒 production de fruits et de bois : l’utilisation des arbres pour produire des matériaux, de l’energie et des denrées offre des possibilités infinies. En comparaison à d’autres cultures, les arbres demandent très peu d’efforts

⛈️ rôle climatique : l’un des rôles les plus importants des arbres est leur capacité à produire de l’oxygène. Grâce au processus de photosynthèse, les arbres absorbent le dioxyde de carbone et libèrent de l’oxygène. Ils jouent un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique en capturant et en stockant de grandes quantités de carbone. Ils protègent du vent et créent de l’ombre et de la fraîcheur.

🐝 favoriser les auxiliaires : les arbres constituent des réservoirs d’auxiliaires prêts à intervenir. Larves de syrphes et de coccinelles prêtes à dévorer des pucerons, chauve-souris contre les moustiques, punaises se nourrissant de psylles.

⛰️ paysages : le simple fait d’être entouré d’arbres réduit le stress. Celui des humains. Celui des animaux. Celui des plantes. L’irrégularité des parcs et des forêts permet de s’aérer et de se détendre. Ils contribuent à notre santé.

🍞 agronomie : l’effet des arbre sur la vie et la fertilité des sols est établie par la pratique de l’agroforesterie. Le bocage et les joualles en sont des formes traditionnelles.

🚿 rétention de l’eau : les arbres jouent un rôle crucial dans le cycle de l’eau. Leurs racines absorbent, filtrent et infiltrent. Ils stoppent l’érosion. La condensation et l’émission de pollens jouent un rôle essentiel dans la survenue des pluies

🐄 bien être animal : des arbre dans un pré, abrite les animaux des intempéries. Il leur permet de se gratter et leur fournit la matière ligneuse dont ils ont besoin.

Planter des arbres forestiers, urbains, champêtres, soutenir la gestion durable des forêts, promouvoir la régénération naturelle, la reforestation, lutter contre la déforestation sont des actions essentielles.

Il n’y a pas de nuages au dessus des déserts

L’image suivante issue d’un article de 2015 publié par la NASA () illustre l’ennuagement moyen sur la période 2002, 2015. L’article associé détaille un certain nombre de phénomènes physiques observables ainsi que les limites des observations ayant permis cette construction.

Cette image illustre parfaitement le questionnement suivant :

💡Là où il n’y a pas de nuages, il n’y a pas de plantes

💡Là où il n’y a pas de plantes, il n’y a pas de nuages 

❓est-ce la pluie 🐔 qui fait les plantes 🥚ou les plantes🥚 qui font la pluie🐔 ?

Le consensus scientifique autour de ce questionnement est en train d’évoluer, notamment autour entre autres des travaux de Victor Gorshkov et Anastassia Makarieva qui ont mis en évidence l’importance de l’évapotranspiration dans les grands flux climatiques.

Dans ce contexte, il nous semble essentiel d’associer les actions de végétalisation fussent-elle minimes d’un suivi climatique précis afin de construire des abaques et défaire le mythe qu’il n’y a que des actions  hors de portée qui pourraient nous aider à passer le cap de cette difficile transformation ?

#climateaction #regeneration

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