Initiative de réappropriation climatique

Catégorie : Agroécologie Page 1 of 4

Qu’est-ce qu’une plante ?

Francis Hallé a souvent dit qu’il était incapable de définir ce qu’était un arbre, car dès qu’on se hasarde à une définition, on trouve un contre exemple. Cette idée est reprise dans un film de 2002 de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil. Après avoir essayé plusieurs définitions, le narrateur finit par conclure pragmatiquement que si on rentre dans une plante en voiture et que la voiture est cassée, alors cette plante est un arbre.

Illustration : interaction entre Nepenthes ampullaria et une espèce de grenouille (Microhyla nepenthicola). Les déjections de la grenouille et de ses têtards nourrissent la plante. Il semble que celle-ci soit également capable de digérer des feuilles mortes (voir ici et ).

Cette difficulté à définir ce qu’est un arbre ou une plante s’applique-t-elle aux végétaux en général ? 

Si on se base sur la définition du Larousse, un végétal est un être vivant dont les cellules sont limitées par des membranes de cellulose. On a là effectivement une définition qui fonctionne. Toutefois, le dictionnaire avance d’autre caractéristiques moins universelles :

  • La présence de chlorophylle
  • Il existe des plantes comme la monotrope uniflore qui en sont dépourvues
  • Le fait d’être fixé au sol 
  • L’œillet de l’air, des chansons de Carlos Gardel (tillandsia aeranthos) est un plante sans racine, qui s’enroule autour d’un support quelconque (un fil électrique par exemple) 
  • Une sensibilité et une mobilité extrêmement discrètes
  • La sensitive (mimosa pudica) se rétracte lorsqu’on la touche
  • Et enfin, une nourriture composée de sels minéraux et de gaz carbonique

Ce dernier point mérite sans doute qu’on s’y arrête. En effet, ce n’est pas parce qu’on sait faire pousser des plantes de façon ultra intensive avec des minéraux et du gaz carbonique, que c’est ce qu’elles consomment spontanément. Au-delà des plantes carnivores spectaculaires, il semble que le fait de consommer des microbes soit assez répandu chez les plantes, il y a même une algue verte qui sait dégrader la cellulose d’autres plantes. Enfin, certaines orchidées mangent directement des champignons

Soyons mammouth

Le pléistocène est une époque géologique qui s’étend de 2,58 millions d’années à 11.700 avant le présent. Elle est caractérisée par une succession d’âges glaciaires et interglaciaires qui ont favorisé la création d’un biome connu aujourd’hui sous le nom de steppe à mammouths. Il s’agit d’une étendue herbeuse  allant de l’Espagne à l’Alaska. C’est l’âge d’or de la mégafaune.

Pendant longtemps on a pensé que cette steppe était dominée par les graminées, comme c’est le cas de tous les écosystèmes ouverts d’aujourd’hui. Pourtant un  article paru dans Science en 2014 a montré que c’est une autre famille de plantes (les phorbes) qui régnaient sur la steppe. Et que c’est il y a seulement 10.000 ans, c’est-à-dire en plein déclin des populations de mammouths, que les graminées ont pris le dessus. Un autre article de 2018 montre que “sans les mammouths, la végétation serait restée au stade d’une toundra peu productive qui n’aurait en aucun cas pu soutenir la diversité et l’abondance des grands herbivores dans un contexte climatique glaciaire”. Pour la grande steppe, le mammouth est une espèce clé de voûte. Il façonne le paysage.

Bien sûr, chaque espèce aménage son territoire. Les exemples ne manquent pas. Les blaireaux, en creusant leurs latrines autour des chemins qu’ils parcourent, font pousser les arbres fruitiers qui les nourrissent. Les plantes injectent dans les sols des sucres qui favorisent une microfaune et une fonge spécifique. Les castors aménagent des zones humides et multiplient saules, bouleaux et peupliers dont ils aiment se nourrir… 

Ce qui est remarquable ici, c’est l’impact sur la productivité de l’écosystème, notamment en condition extrême.

L’idée qu’un écosystème, pourvu qu’on lui apporte la juste perturbation, puisse être d’une plasticité sans limite, est au cœur de cette notion de syntropie que nous promouvons.

Nous ne sommes pas condamnés à voir notre environnement se dégrader, nous pouvons, en ayant les bons gestes au bon moment, l’orienter vers plus de productivité et plus de résilience sans besoin de déployer des trésors de technologie.

Le vivant laisse des traces I : carbone et photosynthèse

Illustration : la reconstruction par cryo-ME de la capside complète de l’apoferritine, permet de faire apparaître “l’ombre des atomes” (Paul Emsley/MRC Laboratory of Molecular Biology)

Les isotopes sont des atomes qui possèdent la même charge électrique mais une masse différente.

Pour le carbone, par exemple, il en existe 15. Deux sont stables. Le carbone 12 est le plus courant. Il représente 98.93 % du carbone total. Le carbone 13 vient en second (1.07 %). Quant aux autres isotopes, ils n’existent qu’à l’état de trace.

Ainsi d’un point de vue chimique ⚗️ les isotopes sont interchangeables, mais physiquement ⚖️,  ils ont des propriétés différentes :

  • certains sont stables
  • d’autres radioactifs ☢️

L’analyse isotopique permet d’établir scientifiquement un certain nombre de faits (« L’isotope, traceur d’origine : distribution isotopique dans les composés naturels« ):

  • L’analyse de l’oxygène permet par exemple de déterminer si une pluie  🌧️ est d’origine marine 🌊 ou terrestre 🌳(voir la présentation de l’hydrologie isotopique).
  • L’analyse du carbone permet de dater les résidus organique (carbone 14) 🦖
  • L’analyse de l’azote permet de déterminer la place d’une créature dans la chaîne alimentaire 🥩
  • Lorsque l’azote est trop dégradé, l’analyse du zinc fixé dans les dents permet de déterminer ce que le propriétaire de la dent a mangé [4]

Un autre aspect intéressant, souligné par le paléoanthropologue @Jean-Jacques Hublin, dans sa série de cours de 2018 (l’homme prédateur) est la capacité, en analysant les isotopes du carbone, de déterminer si une chaîne trophique s’est construites sur des plantes effectuant une photosynthèse C3 ou C4. Cela lui permet par exemple de déterminer à quels moments les hominines ont pu quitter le couvert forestier (C3) pour s’aventurer dans la savane (C4).

La proportion d’isotopes du carbone caractéristique d’une type de photosynthèse, se retrouve non seulement dans les résidus de plantes (y compris le charbon), mais aussi dans les animaux qui les consomment et chez les prédateurs et super prédateurs.

L’activité des plantes façonne durablement la composition physico-chimique du monde. Elle modifie la composition des milieux dans lesquels elles évoluent. Les isotopes sont un des vecteurs de cette transformation. Ce n’est pas le seul.

Au sein de l’Autoroute de la Pluie nous nous interrogeons beaucoup sur l’intensité de cet impact, qui reste un champ de recherche largement ouvert.

La croissance, c’est les plantes !

Sources d’illustration : image 1 image 3 image 4

❗🤩🌿 Promouvoir la photosynthèse, car la croissance c’est les plantes🌿🤩❗
Et si, en 2025, on changeait de curseur et qu’on se mettait, collectivement et massivement, à promouvoir la photosynthèse, la technologie la plus propre, fruit de milliards d’années de R & D ?

Dans un exposé très érudit et poussé en biologie et chimie, l’agroécologue Olivier Husson expose l’importance de la photosynthèse pour la santé des plantes et du sol, soit le socle de la biosphère . La présentation «la photosynthèse : la centrale énergétique indispensable pour la “santé unique”» démontre le caractère névralgique de ce processus bioénergétique. La régularité de la photosynthèse doit être assurée pour fournir une alimentation énergétique au vivant.

Chaque printemps, les publications fleurissent pour enjoindre de cesser la tonte systématique des jardins. Cela va dans le bon sens, mais ce mouvement doit prendre de l’ampleur. L’inconscient collectif doit évoluer profondément. Il faut passer des pelouses tondues à ras à l’abondance végétale. 

Il faut inciter à l’installation massives de potagers, collectifs ou non, qui soutiendraient le développement de la sécurité sociale alimentaire et le verdissement des villes doit accélérer. Imaginez des vergers plantés sur les délaissés communaux et des balcons fleuris en mode syntropique !

De même, les services environnementaux rendus par les agriculteurs doivent être fortement soutenus. Cela nécessite de disposer d’indicateurs fiables facilitant la tâche administrative du monde agricole. La rémunération de ces services environnementaux pourrait, en partie, reposer sur l’activité de photosynthèse.

L’agriculture traditionnelle, généralement la polyculture-élevage en France, repose sur des cultures diversifiées allant dans ce sens. C’est une immense opportunité alors que “l’agriculture familiale […] occupe 2,6 milliards de la population humaine qui produisent 70 % de la production alimentaire mondiale avec 30 % des ressources agricoles mondiales” [voir le lien]. Réaffectons les 70% restants à l’agroécologie !

Soutenir ce mouvement permet de disposer d’une alimentation de qualité. Surtout, enclencher cette mobilisation collective permet de proposer un nouveau récit. Et une agriculture diversifiée, utilisant l’arbre en pivot, apporte tant de bénéfices, écosystémiques et climatiques.

Un sol, tant qu’il est nu, ne rapporte rien, ni en termes écologique, ni en termes économiques. Comme le résume Konrad Schreiber, spécialiste de l’agroécologie : “sol à nu, sol foutu”.

💣🪱un sol à nu, c’est une perte en biodiversité, alors que 59% de la biomasse terrestre y vit [4]

🌊🌡️un sol à nu, c’est l’érosion, des inondations, de la chaleur et des émissions de CO2

🏜️🌪️un sol à nu, c’est le Dust Bowl [5], ces tempêtes de poussière qui ont ravagé les Etats-Unis à cause de pratiques mécanisées néfastes

Collectivement, luttons contre les aberrations du béton et de la désertification auto-générée !

#photosynthèse #agroécologie #climateaction

La photosynthèse à 5 pattes

Dans la publication précédente, nous avons vu qu’il existe trois modes de photosynthèses, C3, C4 et CAM, chacun adapté à un contexte et notamment à un optimum de température. La C4 pour les herbes tropicales, la CAM pour les plantes grasses, la C3 pour le reste. Aujourd’hui nous allons nous attacher à nuancer ce propos.

Image paulownia – Image peuplier : (projet déployé par l’Association française d’agroforesterie) – Image bambou – Image miscanthus

D’abord, sur l’optimum de température, les travaux récents de Mulet François sur la conduite de certaines plantes en conditions tropicale, laissent à penser que la question est plus complexe que ce que l’on pourrait le croire de prime abord, puisqu’il fait pousser des courges à 45°C et 100 % d’humidité. Pourtant, elles sont censées avoir un optimum à 25°C. La disponibilité en eau et l’humidité de l’atmosphère ainsi que l’espèce sont susceptibles de modifier ce paramètre.

Beaucoup de plantes ont en outre un mode de photosynthèse non conventionnel :

🌳le paulownia, dont on a longtemps cru que c’était un arbre C4, est en fait capable d’être un C3 et un CAM (voir cette étude et celle-ci).

🎍le bambou est un C3 atypique qui sait utiliser le CO2 issu de la photorespiration (voir ce lien)

🌿le miscanthus est certes une plante C4, mais capable de fonctionner à partir de 15°C (voir l’étude : « Long SP, Spence AK. 2013. Toward cool C4 crops. Annual Review of Plant Biology » 64, 701–722).

On remarque au passage que beaucoup de champions de la biomasse sont des plantes atypiques.

Dans la biomasse, on considère qu’il y a toujours à peu près 58% de carbone. Ce qui compte donc, ce n’est pas la nature de la biomasse, mais la quantité produite (exprimée en matière sèche).

Pour une quantité d’eau donnée, toutes les plantes ne produisent donc pas la même biomasse. Et cela ne dépend pas seulement du processus de photosynthèse. Les plantes ont d’autres stratégies, comme la mise en réserve de sucres dans les parties souterraines, l’alliance avec certains champignons ou la capacité à capturer la rosée qui les aident à croître. Est-ce pour autant qu’on peut dire qu’elles captent plus de CO2 ?

Ce qui compte avant tout pour produire de la biomasse, c’est que la plante soit adaptée à ses conditions de culture : son sol, son climat, mais aussi à la méthode de plantation et de conduite des cultures.

#co2 #plantes #photosynthèse

Les sources de l’image du post sont accessibles ici [7]. Nous avons ajouté le peuplier pour illustrer un végétal à croissance rapide des milieux tempérés.

Les photosynthèses

‼️ 🌵 🌾 Il y a, derrière un discours marketé sur certaines plantes qui capteraient plus de CO2, un point qu’il faut éclaircir.

Il y a, derrière un discours marketé sur certaines plantes qui capteraient plus de CO2, un point qu’il faut éclaircir. 

La photosynthèse est une réaction chimique qui utilise la lumière et un “donneur d’électrons” pour transformer du CO2 en autre chose. Le donneur d’électrons peut être du fer, des nitrites, de l’hydroxyde de soufre ou d’arsenic. C’est généralement de l’eau. On la retrouve chez les algues, les plantes et certaines bactéries (les cyanobactéries). La photosynthèse à base d’eau, celle des plantes, est dite “photosynthèse oxygénique”. Elle décompose l’eau et le CO2 pour produire du sucre, de l’eau et de l’oxygène. 

6CO2 + 24H2O C6H12O8 + 12O2 + 12H20

Schéma issu de l’étude source de cet article

Pour la majorité des plantes (celles qu’on appelle C3), cette réaction est associée à une activité coûteuse en énergie et en eau qu’on appelle photorespiration. Cette stratégie ne permet qu’une production de biomasse moyenne, mais elle est très adaptée à des conditions climatiques variables. On considère généralement qu’il existe un optimum thermique de 25°C. Ce type de photosynthèse permet de capter 1 gramme de carbone pour 400 g d’eau.

Une autre stratégie (C4) permet d’éviter la photorespiration. Le processus de photosynthèse est effectué dans deux cellules distinctes. L’optimum thermique passe à 35° C et la plante utilise seulement 250 g d’eau pour fixer 1 g de carbone. C’est la stratégie des plantes tropicales comme le maïs, le sorgho, la canne à sucre et le mil.

Mais C3 et C4 ont une faiblesse : la plante doit pouvoir evapotranspirer en même temps qu’elle fait de la photosynthèse. S’il fait trop chaud, la plante peut donc soit fermer ses stomates pour préserver son eau et cesser toute activité métabolique, soit continuer la photosynthèse, quitte à tomber en stress hydrique.

Seules les plantes CAM, c’est à dire essentiellement les plantes grasses, les cactus, savent gérer cette situation. Comme les C4, ces plantes effectuent leur photosynthèse en deux temps. La nuit, elles effectuent les échanges gazeux, puis le matin, après s’être gorgées de rosée, elles ferment leur stomates et finissent de métaboliser le CO2 absorbé durant la nuit sans perdre une goutte d’eau. Leur optimum est de 35°C le jour et de 15°C la nuit, car l’échange gazeux ne peut se faire qu’avec une certaine chaleur. Mais c’est seulement 50 g d’eau qui leur faut pour capter 1 g de CO2.

Il n’y a pas donc des plantes qui captent plus de CO2, il y a des plantes qui à volume d’eau constant vont faire plus de biomasse et des plantes qui sont davantage capables que d’autres de fonctionner quand il fait chaud.

#co2 #plantes #photosynthèse

Les moutons de mer (ou moutons à fleur) volent les chloroplastes des algues qu’ils consomment pour faire eux mêmes de la photosynthèse. Image accessible ici.

Voir l’étude « Exploring natural variation of photosynthesis in a site-specific manner: evolution, progress, and prospects » pour la source bibliographique.

Les méthodes agricoles en milieu semi-désertique

🌱Comment cultiver en territoire semi-désertique 🏜️ et sensiblement diminuer le risque d’inondations en cas d’épisodes pluvieux extrêmes ? ☔

L’étude Exploring the Potential of Soil and Water Conservation Measures for Climate Resilience in Burkina Faso, qui analyse la situation en milieu Sahélien, revient sur des principes qui devraient être adoptés dès maintenant dans un pourtour méditerranéen en cours d’aridification.

Parue en 2024, cette étude est le fruit d’une collaboration entre scientifiques burkinabés et japonais, dont Carine Naba. Ils ont utilisé des données nationales, la télédétection et des outils SIG pour évaluer l’adoption des mesures de conservation des sols et des eaux (“Soil and water conservation measures (SWCMs)” dans l’étude) et leur potentiel de résilience climatique.

Les techniques étudiées sont traditionnelles au Sahel : demi-lunes, cordons pierreux, zaïs, diguettes filtrantes, bandes enherbées et boulis.

Les résultats de l’étude sont notamment :

  • Une augmentation notable de la végétation dans les provinces à forte prévalence de pratiques de conservation des sols et des eaux. Cet essor interpelle alors que la désertification menace les pays du Sahel. Il est possible de lutter efficacement contre ce risque.
  • Le déploiement de ces techniques entraîne une réduction considérable du ruissellement. Ainsi, les références bibliographiques de l’étude font état de réduction du volume de ruissellement de l’ordre de “70% au niveau du champ et de 8% au niveau du bassin en cas d’événements pluvieux extrêmes”.
  • Plus les terres sont dégradées, plus les agriculteurs sont susceptibles d’adopter ces pratiques (seuil évalué à partir de 60% de dégradation des terres). Cela pose la question de l’adoption des pratiques agroécologiques, qui dépend encore malheureusement de l’état de dégradation des terres. L’adage “mieux vaut prévenir que guérir” prend tout son sens, tant en Afrique qu’en Europe.

On le voit, des ajustements agronomiques relativement mineurs peuvent permettre une atténuation sensible d’aléas climatiques de plus en plus extrêmes. Nous pensons qu’il ne faut pas attendre que la situation se dégrade pour réagir. C’est pourquoi nous prônons un déploiement rapide de ces techniques en contexte méditerranéen. Les tragiques inondations d’octobre 2024 en Espagne ne peuvent qu’accréditer cette thèse.

Il est temps d’adapter nos territoires et les exploitations agricoles qui les maillent. Ces mesures de conservation des sols et des eaux s’apparentent à l’approche de l’hydrologie régénérative en plein essor en France, que complète efficacement l’agroforesterie. L’agriculture de conservation des sols, l’agriculture biologique de conservation des sols et l’agriculture régénérative sont d’autres méthodes à déployer massivement pour renforcer notre robustesse, concept stratégique que diffuse Olivier Hamant.

Maïs et climat aux USA

🌽Comment la culture du maïs à changé le climat de la Corn Belt ?🌦️

Une étude publiée dans Geophysical Research Letters révèle que l’intensification de l’agriculture dans le centre des États-Unis au cours du XXe siècle a entraîné, durant la période estivale, une baisse des températures et une augmentation des précipitations, en contradiction avec la tendance mondiale au réchauffement climatique.

L’étude, dirigée par des scientifiques de l’université de l’Iowa et du National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), a analysé des données climatiques et agricoles sur une période de 100 ans. La région étudiée, la Corn Belt, correspond aux États américains du Midwest (Iowa, Illinois et Wisconsin, entre autres).

Les résultats indiquent que l’intensification agricole (qui comprend, hélas, l’augmentation de l’utilisation d’engrais et de pesticides) a modifié les échanges d’énergie entre la surface terrestre et l’atmosphère, conduisant à un refroidissement estival régional.

Cette découverte met en lumière l’impact de l’agriculture sur le climat régional. Les pratiques agricoles peuvent avoir des effets complexes et parfois contre-intuitifs. Entre 1950 à 2010, la quantité de maïs récoltée chaque année dans la Corn Belt a augmenté de 400 %, alors que cette plante présente de très importantes capacités d’évapotranspiration estivale.

Malheureusement, cette tendance climatique positive résulte d’une approche basée sur l’intensification technologique et l’usage d’intrants, qui n’est ni soutenable ni souhaitable. Elle a eu pour corollaire une intensification de l’irrigation et une inflation de l’usage de pesticides et surtout la perte d’un tiers de couches de surface riche en carbone et des problèmes de pollution de l’eau aux nitrates. Il faut donc rester prudent sur ces résultats qui peuvent masquer d’autres impacts délétères.

Et une autre étude sur cette thématique, alerte : “si la croissance de la production de maïs et de soja devait stagner, la capacité de la rétroaction culture-climat à masquer le réchauffement s’atténuerait, exposant les cultures américaines à des températures extrêmes plus nocives.”

Vous l’aurez compris, au travers de cet exemple nous ne cherchons pas à faire la promotion de pratiques culturales intensives, mais bien de mettre en avant l’interaction entre cultures agricoles et climat.

En outre, le maïs, pour beaucoup devenu le symbole d’une agriculture intensive et des élevages hors sol, reste une plante aux capacités de mycorhization et de photosynthèse (plante dite C4) extraordinaires.

Ainsi, la culture associée des “trois sœurs” (maïs, haricot et courge) ou milpa, est un mode de culture associé propre aux peuples amérindiens, qui peut, par sa stratification, rappeler l’agriculture syntropique. Décidément, nous n’avons pas fini d’apprendre des jardins américains.

N’est-il pas temps d’examiner sérieusement les possibilités offertes par l’agroforesterie et l’agriculture syntropique pour nos territoires ?

Soyez Vyvant !

Image : la centrale de Vitry-en-Charollais a été détruite par la grêle quelques jours avant son ouverture en 2022. Si ces panneaux n’auront jamais produit d’électricité, ils auront néanmoins produit beaucoup de PIB

Selon cet article, une centrale photovoltaïque de 9 ha va produire 670 MW/h par ha et par an, soit dix fois plus qu’un hectare de miscanthus (15 t pour 4700 kWh/t)

Face à cette évidence, pourquoi continuer à promouvoir l’agroforesterie ? L’agri-voltaïsme est plus compétitif, plus rentable et permet de sauver des fermes. La réponse tient en la nature du vivant

Définir le vivant par la biologie (structure des cellules, présence d’ADN ou d’ATP) ne permet pas de couvrir l’ensemble de son spectre (pensons aux virus ou aux prions). Et puis cela ne permettrait pas de reconnaître une forme radicalement différente qu’on pourrait trouver dans l’espace ? C’est pourquoi les astro-biologistes cherchent à définir le vivant par son comportement. Il interagit avec son environnement, il se reproduit, s’adapte, respire et mange.

En 2020, Stuart Bartlett et Michael Wong avancent  une définition thermodynamique de la vie d’un point de vue générique qu’ils appellent la Lyfe. Ainsi le vivant terrestre participe d’un plus grand ensemble : le Vyvant. David Louapre [4][5]  et Stuart Bartlett ont modélisé le concept [3] au travers d’un poignet de pseudo réactions chimiques qui couvrent ses  4 propriétés :

🕯️ C’est une structure dissipative. Il utilise l’énergie pour créer de l’ordre et diminue localement l’entropie.

✖️ Il est autocatalytique. Il peut produire plus de lui-même.

🌡️ Il est capable d’homéostasie. Il sait s’adapter aux conditions du milieu. 

🚸 Il est capable d’apprentissage. Par sélection ou par association, le vivant change sa réponse à un stimuli de façon durable.   

Ainsi, contrairement à d’autres structures dissipatives naturelles comme un feu ou une tornade qui finissent par disparaître faute d’adaptation, ou artificielles, comme un panneau solaire, une ampoule, un moteur, qu’on entretient et qu’on remplace régulièrement (pour peu qu’on en ait encore l’usage), le vivant est une structure émergente qui gagne sans cesse en complexité et en autonomie. Il trouve des solutions pour se perpétrer. 

Par exemple, quand l’eau des sols est épuisée et que les plantes ne peuvent plus réguler l’atmosphère, elles blanchissent. Cette augmentation de l’albédo hâte le retour des pluies et la moisson se fait entre les gouttes. Alors, grâce aux réserves stockées dans leur bois, leurs racines, leurs graines et le sol, les plantes démarrent un nouveau cycle..

C’est cette capacité du vivant à régler des problèmes qui nous intéresse. Avec des panneaux solaires on produit de l’électricité, de la valeur, du revenu, avec du vivant, du miscanthus, des arbres, on produit du futur.

L’état des sols européens

Une récente étude vient objectiver la dégradation des sols agricoles en Europe. Et la situation n’est pas brillante !

A l’heure où les mesures volontaristes impulsées depuis quelques années (loi Zéro artificialisation nette en France, Green Deal européen, entre autres) font l’objet d’une fronde grandissante, il est urgent de faire front commun pour sauver nos sols.

Si, au sein du collectif l’Autoroute de la Pluie, nous avons l’habitude de promouvoir des solutions plutôt que de susciter la peur, il est également crucial d’insister sur l’urgence de la situation.

L’étude intitulée A unifying modelling of multiple land degradation pathways in Europe a été publiée en mai 2024. Fruit du travail d’une équipe internationale de 16 scientifiques, cette étude ambitieuse parue sur Nature Communication, portant sur 40 pays du continent européen, analyse la situation des terres agricoles et arables selon 12 indicateurs de dégradation.

Les facteurs de dégradation des sols étudiés sont :
érosion hydrique, érosion éolienne, perte de carbone organique, salinisation, acidification, compaction, déséquilibre de la teneur en nutriments, pollution aux pesticides, pollution aux métaux lourds, dégradation de la végétation, déclin des eaux souterraines et aridification.

🧪Sans surprise, la pollution aux pesticides est la problématique la plus répandue en Europe.

🚨Selon l’étude, jusqu’à dix processus de dégradation peuvent coexister dans certaines régions, indiquant une situation de multi-dégradation intense.

🔥Plusieurs points chauds sont identifiés, c-a-d des pays concentrant un nombre élevé de facteurs de dégradation des sols : Espagne, Italie, Grèce, Hongrie et France. Le pourtour méditérannéen est extrêmement touché.

En France, la situation est préoccupante pour plusieurs aspects, surtout pour la pollution aux pesticides, les déséquilibres en nutriments des sols (nitrates) et la pollution aux métaux lourds. L’aridification menace le pourtour méditeranéen et fait une incursion dans le Sud-Ouest, aux abords de la zone ciblée pour établir l’Autoroute de la Pluie.

Cette même zone se caractérise par une forte érosion hydrique. Les sols lessivés perdent ainsi leur potentiel, alors qu’ils étaient initialement particulièrement fertiles (voir à ce sujet le post sur le reverdissement du Plateau de Loess, berceau de l’agriculture en Chine, qui avait été presque complètement érodé).

L’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la période 2021-2030 “Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes”, avec pour objectif d’atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres d’ici 2030. Face aux reculs récents en la matière, on voit qu’il est plus que jamais nécessaire de se mettre à l’ouvrage.

A la façon des lobbys économiques, tous les acteurs soucieux de préserver les sols et des conditions de vie décentes devraient s’unir pour infléchir les politiques.

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