L'Autoroute de la pluie

Initiative de réappropriation climatique

Arbres pionniers : préparer le terrain pour une agroforesterie durable

Une agroforesterie d’urgence pour une agroforesterie de long terme !
4 – Les pionniers ouvrent la voie qui mène de l’urgence à la pérennité

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Comment cette première génération d’arbres, imparfaite et parfois inadaptée, prépare-t-elle la voie à une agroforesterie pérenne, et pourquoi pas lucrative ?

Quand on plante en urgence, on choisit souvent des espèces robustes, faciles à multiplier, parfois peu adaptées à long terme.

Ces arbres pionniers jouent un rôle stratégique pour les jeunes plants issus de régénération naturelle assistée (RNA), de semis ou de plantation que l’on voudra installer par la suite.

  • Ils créent un microclimat protecteur : leur ombre réduit la température du sol, limite l’évaporation, protège les jeunes pousses de la chaleur et du vent.
  • Ils servent de rempart : les premiers arbres font écran contre les animaux, le bétail ou les intempéries.
  • Ils entretiennent localement la vie du sol et les trames mycorhiziennes forestières.

De plus, ils contribuent à créer une compétition positive qui booste la croissance (comme dans la méthode Miyawaki) et permettent de procéder à des perturbations (chop and drop). Ainsi, ils deviennent ce que Fabrice Bellard appelle des AFI (Architectes, Fondateurs, Ingénieurs) : des arbres dont la vocation est d’aider les autres à pousser.

La première génération d’arbres n’est donc pas toujours une fin en soi. Bien sûr, si vous êtes éleveur et que vous avez bouturé du mûrier ou du saule blanc, vous avez atteint votre objectif : planter du fourrage. Mais si votre objectif est de produire de l’énergie, du bois, des fruits, de l’huile ou quoi que ce soit d’autre, vous aurez enclenché un cercle vertueux qui vous conduit de l’urgence à la pérennité.

Et si vous ne souhaitez rien faire d’autre, il vous suffit de tailler de temps en temps vos alignements d’arbres pour éviter qu’ils ne gagnent sur vos prés et vos champs (un passage de dents les premières années pourra vous rassurer sur le fait que les racines plongent plutôt que de tracer). Vos boutures vont grandir et, sans doute, mourir vite ou stagner. Elles céderont alors la place à d’autres arbres, mieux en place et mieux adaptés.

Pour aller plus loin :

Bouturage en place : technique rapide pour planter des arbres

Une agroforesterie d’urgence pour une agroforesterie de long terme !
2 – technique de bouturage en place

L’image est issue de l’étude suivante

Le bouturage en place a lieu essentiellement en hiver. On récupère les boutures issues de l’élagage des arbres, on les plante en terre à l’endroit qu’on souhaite arborer en utilisant un fer à béton ou un nettoyeur pression.

L’approche doit rester simple et rapide. Il ne s’agit pas de se lancer dans de gros travaux onéreux, mais d’introduire par quelques gestes simples, des arbres dans une parcelle. 

Une bouture de qualité est :

  • fraîche et prélevées au bon moment  
  • de fort diamètre afin disposer d’assez d’énergie pour repartir
  • suffisamment profonde pour passer sous la strate herbacée 
  • avec peu de parties aériennes (2 ou 3 bourgeons).

Par ailleurs, on améliorera la reprise en :

  • faisant tremper les boutures avec des rameaux de saule écrasés
  • contrôlant la reprise de l’herbe via du désherbage ou du paillage
  • arrosant en cas de sécheresse
  • protégeant contre les ongulés.
  • densifiant fortement la plantation

Les essences à privilégier sont celles réputées bouturer facilement : 

  • tous les types de saules 
  • les peupliers
  • les platanes
  • tous les muriers
  • les sureaux
  • les tilleuls (réussite faible)
  • les pruniers myrobolans
  • les figuiers (au printemps)
  • les cognassiers
  • tous les petits fruits (cassis, groseille, goji)
  • les genévriers

On peut également bouturer des racines de Paulownia, de framboisier et d’aulne (tronçons de 10 à 15 cm)

Le robinier faux acacia fonctionne bien, mais est très difficile à contrôler

L’eucalyptus, le chamaecyparis, le Thuya,  le cyprès de Leyland, mais qui ne produisent pas les résultats attendus en termes de modification des sols

Les résineux comme l’épicéa ou le mélèze ont besoin d’une très forte hygrométrie (brouillard) pour reprendre

En résumé, le bouturage en place en tant que technique d’agroforesterie d’urgence permet d’installer rapidement des arbres pionniers dans un espace dépourvu de strate arbustive et d’amorcer une transformation du milieu. Selon le contexte, cette première génération peut être totalement inadaptée et périr très vite. Dans ce cas, elle ne servira qu’à permettre l’émergence d’une seconde génération mieux adaptée.

Littérature sur le sujet :

Sur l’utilisation du saule pour ces techniques d’agroforesterie : 
https://fac.umc.edu.dz/snv/bibliotheque/biblio/mmf/2021/M%C3%A9thodes%20et%20techniques%20de%20bouturage%20%20guide%20pratique.pdf

Généralités sur le bouturage:
http://gueguen.sebastien.free.fr/Auto-suffisance/5%20-%20Connaissance/Agroforesterie,%20arbres%20-%2010.pdfs/guide%20bouture.pdf

Agroforesterie d’urgence : pourquoi il faut des arbres pour avoir des arbres

Une agroforesterie d’urgence pour une agroforesterie de long terme !

1 – Pour avoir des arbres, il faut des arbres ! 

Illustration provient de Reporterre

Dans sa forme classique, la mise en place de l’agroforesterie nécessite un investissement et un suivi significatif, non seulement pour adapter les techniques de travail à la présence d’arbres, mais surtout pour suivre les arbres durant les premières années. Le manque de suivi est d’ailleurs, avec la qualité des plants, l’une des principales causes d’échec des plantations de haies.

De nombreux acteurs recherchent donc des techniques alternatives ou complémentaires à la plantation pour minimiser les coûts et les échecs. La plus commune de ces méthodes est la RNA (Régénération Naturelle Assistée), qui consiste à s’appuyer sur la flore spontanée.

L’Autoroute de la Pluie développe une autre approche, complémentaire, qui se base sur le bouturage en place d’arbres à croissance rapide pour initialiser une transition vers une dynamique agroforestière.

Cette “Agroforesterie d’Urgence” (ADU) repose sur l’observation des freins qui existent à l’émergence des arbres, tout d’abord d’un point de vue agronomique :

  • Concurrence de la strate herbacée : souvent, les jeunes arbres ne sont pas assez compétitifs en termes d’eau et de lumière. Ils se font submerger par les herbes
  • Prédation : les ongulés de tout ordre se délectent des bourgeons apicaux
  • Dans le cas de zones périodiquement dévégétalisées, l’impossibilité de s’accrocher à une trame mycorhizienne

La présence d’arbres mitige ces facteurs limitants  : l’ombre permet de réduire la vigueur de l’herbe, les champignons permettent l’échange de nutriments et la densité offre une certaine protection contre les dégâts occasionnés par les ongulés.

La présence d’arbres entraîne par ailleurs une mutation de la structure du sol favorable à leur croissance :

  • Apport de matière organique
  • Modification physico-chimique (acidification)
  • Amélioration de l’humidité et de la stabilité du sol
  • Stimulation de l’activité microbienne

Elle permet également d’attirer une faune abondante d’oiseaux, mammifères et micro faune, qui ne manqueront pas d’enrichir le milieu en nutriments et en graines.

Cela nous amène à la formulation tautologique suivante : “pour avoir des arbres, il faut des arbres”. Et pour disposer d’une agroforesterie pérenne, il faut amorcer le mouvement !

Le bouturage en place est sans doute une des méthodes les plus rapides et les moins onéreuses pour passer de l’état sans arbres à l’état avec arbres.

Et vous, que préconisez-vous pour remettre des arbres dans des zones qui en ont été dépourvues ?

Agroforesterie et économie

Et si l’agroforesterie était aussi un moyen de gagner de l’argent ?

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Dans un post, l’Association française d’agroforesterie présente les différents avantages économiques associés à cette pratique, en s’appuyant sur une méta-étude réalisée sous l’égide de la CIRAD et compilant des milliers de sources. Le résultat le plus frappant est une hausse médiane de ➕35% de la production agricole par hectare.

En effet, les systèmes agroforestiers permettent aux exploitants de diversifier leurs sources de revenus en apportant une gamme de produits supplémentaires par rapport à l’agriculture traditionnelle.

Le plus évident d’entre eux est le bois provenant de la taille des arbres plantés, qui se décline en bois-énergie et en bois d’œuvre. En fonction des essences choisies, les arbres procurent bien d’autres produits valorisables : fruits, noix, huiles essentielles, produits médicinaux, fourrage, etc.

Par ailleurs, dans le podcast CAMBIUM, consacré aux pratiques agroforestières, l’agriculteur Ronan Rocaboy décrit comment il intègre une partie de ces produits forestiers au fonctionnement de sa ferme située en Bretagne. Le bois récolté est ainsi utilisé à la fois comme chauffage (chaudière biomasse) et comme litière pour les animaux d’élevage.

Les sous-produits offerts par l’agroforesterie peuvent ainsi être employés à la réduction des coûts d’exploitation. Dans la même logique, les systèmes agroforestiers fournissent divers services écosystémiques tels que la régulation de l’eau, la pollinisation, la régulation des ravageurs, la conservation de la biodiversité.

Ce rééquilibrage écosystémique diminue mécaniquement les besoins en intrants et donc les coûts associés Il a également pour effet d’améliorer progressivement la fertilité biologique des sols, grâce à l’apport de matière organique, et donc leur productivité.

L’agroforesterie propose ainsi un modèle robuste sur la durée, un atout indéniable sur le plan économique, a fortiori dans une période de bouleversement environnemental. Outre son effet bénéfique sur la qualité des sols, elle offre aux parcelles concernées, par la simple action de l’ombre des arbres, une certaine résilience, ce que confirme une étude publiée en 2023.

Les pratiques agroforestières améliorent aussi la régularité des rendements agricoles. De nombreuses recherches sont en cours en France, avec des résultats déjà probants. Une étude réalisée dans la région de Montpellier, a par exemple montré qu’une parcelle d’un hectare de mélange noix/blé permettait une augmentation de 40 % de la productivité.

L’atteinte de l’objectif de 10 % de couverture arborée sur les terres agricoles d’ici 2040, soutenu par l’European Agroforestry Federation (EURAF), est donc particulièrement vitale. Au-delà du rôle de levier de revégétalisation qu’elle peut jouer sur le plan environnemental, l’agroforesterie est donc un modèle économique d’avenir.

Déployons le dès à présent en France !

Urbanisation et climat : quels impacts ?

Quel est l’effet concret de l’urbanisation sur le climat ressenti ?

En Asie, qui a connu une récente et intense urbanisation, l’exemple de l’île de Penang est instructif. Cette île de Malaisie, située dans le détroit de Malacca, haut lieu du commerce international et de la mondialisation, s’avère un laboratoire à ciel ouvert des ravages de l’artificialisation, notamment en termes climatiques.

L’étude “Land use and land cover changes influence the land surface temperature and vegetation in Penang Island, Peninsular Malaysia” démontre que Penang a connu des changements significatifs dans l’utilisation des terres et la couverture végétale entre 2010 et 2021 :

  • une augmentation des zones urbanisées de +45 %
  • une réduction alarmante des surfaces agricoles de -33 %.

En zone urbaine, la température de surface terrestre moyenne est passée de 29 à 34,0 °C, soit +5 °C. La tendance est similaire pour les autres espaces étudiés, forêts et zones agricoles ayant une augmentation de la température de surface (LST) encore plus marquée.

Ce phénomène est étroitement corrélé à la réduction de la couverture végétale, qui joue un rôle essentiel dans la régulation de la température et des pluies. En effet, les terres agricoles et forestières, de par leurs capacités photosynthétiques, modèrent la température tandis que les sols non bétonnés infiltrent efficacement les pluies.

Cette étude met l’accent sur la corrélation inverse entre la LST et l’indice de végétation normalisé (NDVI) : la diminution de la couverture végétale est associée à une élévation des températures. Le déséquilibre créé par l’urbanisation peut donc exacerber les conditions climatiques extrêmes, augmentant le risque de sécheresse et réduisant l’efficacité naturelle de la gestion des eaux pluviales.

L’étude de ces impacts dans des îles nous semble très utile, car il permet d’étudier isolément les impacts de l’urbanisation sur un territoire.

Pour autant, cette corrélation entre baisse de l’activité photosynthétique et hausse de la température est bien documentée par ailleurs. Ainsi, Bahir Dar en Ethiopie, a connu une augmentation de +6°C de ses espaces bâtis entre 1984 et 2024, suite à une expansion urbaine de 366% (voir “Urbanization and land surface temperature dynamics in Bahir Dar, Ethiopia: a comparative analysis of pre- and post-capital status”).
Nul besoin de réaliser une bibliographie exhaustive en la matière pour comprendre les impacts évidents des changements des modes d’utilisation des sols sur le climat.

Il importe par contre de réaffirmer puissamment que la bétonisation des sols nous fait courir un risque palpable. Le suivi de l’indice NDVI devrait se généraliser. La photosynthèse ne doit pas rester cantonnée aux laboratoires ! A quand une carte de suivi hexagonal du NDVI dans le Journal Météo Climat de France 2 ?

Après ces constats, que penser des débats actuels sur l’artificialisation des sols en France ?

Érosion des sols en France : l’agroforesterie face à l’urgence

Une agroforesterie d’urgence pour une agroforesterie de long terme !
4 – De quelle urgence parle-t-on ?

Source de la carte

Malgré l’augmentation des surfaces forestières, la dévégétalisation du territoire se poursuit. Elle n’est pas liée qu’à l’artificialisation des sols, mais aussi à la disparition de l’arbre champêtre, au retournement des prairies et à certaines pratiques agricoles qui laissent les sols nus la majorité du temps. Nous avons détaillé cela dans de nombreux posts. Cette dévégétalisation entraîne une perte des sols.

Laissés nus, les sols limoneux de la Beauce, très sensibles à la battance et à l’érosion, s’abîment. La baisse du taux de matière organique a rendu ces sols vulnérables. On observe désormais des coulées de boue et des pertes de terre visibles sur terrains plats. Plus de 20 % de la région Centre-Val de Loire, qui inclut la Beauce, subit une érosion annuelle supérieure à 2 tonnes par hectare.

Dans le Lauragais, région de collines argilo-calcaires (terreforts) et de plaines limoneuses, la pente, la nature des sols et les modifications du paysage agricole amènent les risques d’érosion au plus haut. Les épisodes orageux printaniers, sur des sols nus ou insuffisamment couverts, peuvent provoquer des pertes localisées de 20 à 300 tonnes de terre par événement.

La perte des sols n’est pas seulement un enjeu agricole. C’est une menace pour la sécurité alimentaire, la gestion de l’eau, la biodiversité et l’adaptation au changement climatique. Chaque tonne de terre perdue aujourd’hui réduit la capacité à faire face aux sécheresses, aux inondations et aux besoins alimentaires de demain.

La situation dans le nord de la France illustre parfaitement ce propos. Après des semaines de pluies torrentielles, la région a connu lors de l’hiver 2024 des inondations d’une violence exceptionnelle, engloutissant des villages entiers et dévastant des milliers d’habitations. Ce phénomène, aggravé par la topographie particulière des polders entre Saint-Omer, Calais et Dunkerque, a suscité un émoi national.

Mais à peine quelques mois plus tard, ce même territoire est confronté à une sécheresse précoce et intense : dès le printemps 2025, le nord de la France affiche un déficit pluviométrique record : jusqu’à 80 % par rapport aux normales saisonnières dans certaines zones. Les sols, saturés d’eau en hiver, se retrouvent exceptionnellement secs, rendant les semis difficiles et fragilisant les cultures de printemps. Les agriculteurs témoignent de terres « dures comme du caillou » et de jeunes pousses peinant à lever.

Dans n’importe quelle industrie, de tels événements déclencheraient des procédures d’urgence. Et en ce qui concerne les sols, la procédure d’urgence s’appelle “les arbres”.

Recyclage des précipitations : vers une hydro-diplomatie des forêts

Et si la prise en compte du recyclage des précipitations devenait un facteur de coopération internationale ? Et si la préservation des forêts et le développement de l’agroforesterie renforçaient la régularité des pluies continentales ?

L’image provient de cette étude

Et si la prise en compte du recyclage des précipitations devenait un facteur de coopération internationale ? Et si la préservation des forêts et le développement de l’agroforesterie renforçaient la régularité des pluies continentales ?

Généralement, la gouvernance mondiale de l’eau fait écho au concept d’hydro-diplomatie. Cette méthode vise à concilier la vision des diplomates et celle des ingénieurs afin d’intégrer la gestion de l’eau dans les négociations internationales. Elle concerne généralement la gestion d’un bassin fluvial (tel que le Nil, qui traverse 8 pays). Toutefois, cette gouvernance internationale devrait également prendre en compte le recyclage des précipitations.

En effet, de nombreux chercheurs travaillent sur le concept de “bassin de précipitations” (“precipitationshed”), à la suite d’une publication fondatrice en la matière en 2012. L’étude “Moving from fit to fitness for governing water in the Anthropocene”, publiée en 2024, met en évidence les interdépendances liées au recyclage des précipitations. Ce processus hydrologique fait qu’une partie de l’eau évapotranspirée à partir d’une zone contribue aux précipitations futures. Ainsi, “l’humidité qui s’évapore du continent eurasien est responsable de 80 % des ressources en eau de la Chine”.

Comme nous l’avions montré dans un post précédent, la pluie ne connaît pas nos frontières politiques. L’étude de 2024 abonde : “De solides données montrent que les cycles hydrologiques sont étroitement liés à des échelles spatiales plus vastes, ce qui implique un possible élargissement des frontières généralement prises en compte dans l’étude et la gouvernance de l’eau.

Aussi, tout processus d’artificialisation des sols dans une zone donnée aura un impact sur les précipitations sous le vent, et donc sur un territoire voisin. Les auteurs de l’étude “Upwind forests: managing moisture recycling for nature-based resilience “ parlent de “precipitationshed”, mais aussi d’”evaporationshed”, ou bassin d’évaporation. Ces concepts visent à cartographier les flux d’humidité atmosphérique en identifiant les régions sources et réceptrices de précipitations.

La question de l’utilisation ciblée des forêts et de l’agroforesterie pour améliorer les pluies sous le vent se pose donc avec acuité. Des efforts de reforestation stratégiques pourraient permettre aux cultures agricoles de bénéficier d’un apport hydrique suffisant en période sèche. Une étude de 2019 estime que “jusqu’à 74% des précipitations estivales sur les bassins versants européens dépendent de l’humidité apportée par d’autres bassins versants.”

Plusieurs de nos articles [8] reviennent sur des méthodes préconisées par les chercheurs pour une mise en œuvre effective de ces processus de reforestations stratégiques.

Ne serait-il pas le moment de se mobiliser collectivement et massivement pour inciter le politique à prendre en compte ces sujets ?

Cycle de l’eau : les plantes, acteurs méconnus

Le rôle des plantes dans le cycle global de l’eau est de mieux en mieux compris. Alors qu’une étude alerte sur le fort déclin du stock d’eau dans les sols, les méthodes de gestion de l’eau doivent évoluer.

En effet, une étude menée par des scientifiques de l’Université Chapman, publiée dans la revue Nature Water en janvier 2025, fournit des estimations inédites sur le temps de circulation et la quantité d’eau stockée par les plantes. Les chercheurs ont utilisé des données de la mission satellite SMAP de la NASA, initialement conçues pour mesurer l’humidité du sol. Ces données ont permis d’évaluer le stockage et le transit de l’eau à une résolution spatiale de 9 km², fournissant des estimations mensuelles sur cinq ans.

Selon l’étude, les végétaux stockent environ 786 km³ d’eau (0,002 % de la réserve d’eau douce sur Terre). Surtout, le temps de transit de l’eau à travers les plantes est parmi les plus rapides du cycle de l’eau, variant de 5 jours dans les terres agricoles à 18 jours dans les forêts de conifères. Ce transit est particulièrement rapide dans les cultures, prairies et savanes, ce qui démontre le rôle dynamique des plantes dans le cycle de l’eau. En comparaison, l’eau des lacs circule en 17 ans en moyenne et l’eau des glaciers en environ 1.600 ans.

Andrew Felton, auteur principal de l’étude, explique : « Nous savons depuis longtemps que la plupart de l’eau qui retourne à l’atmosphère le fait grâce aux plantes, mais nous manquions d’informations précises sur le temps que cela prenait ». En couplant les temps de transit de l’eau dans les plantes, l’atmosphère (environ 8 à 10 jours) et le sol (60 à 90 jours), les chercheurs veulent estimer le parcours complet d’une goutte d’eau sur Terre.

L’étude précise que “le temps de transit de l’eau à travers les terres cultivées est significativement et systématiquement le plus rapide, l’eau traversant les plantes en moins d’une journée au plus fort de la saison de croissance.”

Greg Goldsmith, co-auteur, souligne que “les terres cultivées du monde entier ont tendance à avoir des temps de transit très similaires et très rapides (…). Le changement d’affectation des terres pourrait homogénéiser le cycle mondial de l’eau et contribuer à son intensification en recyclant plus rapidement l’eau vers l’atmosphère, où elle peut se transformer en épisodes de fortes pluies.”

Cette étude démontre une fois de plus l’importance des interactions sol-végétation-climat. Les pratiques agroécologiques, loin d’être une lubie irréaliste, constituent un des seuls leviers susceptible d’enrayer la marche du funeste tandem sécheresse-inondation.

La stratification des systèmes agricoles est vitale pour ralentir le cycle de l’eau. L’agroforesterie, l’agriculture de conservation, entre autres, sont des moyens efficaces pour y parvenir. De même, les “ouvrages castor” chers à Suzanne Husky, peuvent ralentir le cycle de l’eau et réhydrater le territoire.

Restaurer les rivières par la communauté : Johads au Rajasthan

Comment la mobilisation communautaire restaure les rivières du Rajasthan.

L’image provient de la vidéo accessible ici

L’Inde subit l’assèchement des nappes phréatiques, la dégradation des sols et les températures extrêmes. L’alimentation en eau y dépend étroitement des épisodes de pluies extrêmes de mousson. Les systèmes de stockage de l’eau de pluie sont donc incontournables, surtout au Rajasthan où 84% des nappes phréatiques ont une salinité élevée. Cet État est en première ligne, avec son climat (aride à semi-aride) et sa faible pluviométrie..

En Inde, les initiatives communautaires sur la gestion durable de l’eau fleurissent, en particulier au Rajasthan. Plusieurs vidéos mettent à l’honneur cette mobilisation, dont celles d’Andrew Millison. L’excellent Water Stories revient sur le parcours de Rajendra Singh, le « Waterman of India ».

Travailleur social dans un village reculé du Rajasthan, il a constaté dans les années 1980 les dégâts provoqués par l’abandon des techniques traditionnelles de gestion de l’eau. Il a réalisé l’inefficacité des méthodes modernes et coûteuses de gestion de l’eau (grands barrages et puits profonds). Les nappes phréatiques se vidaient, les rivières s’asséchaient et les habitants étaient contraints de migrer vers les villes.

Il a alors entrepris de redéployer les johads, des bassins de rétention d’eau traditionnels. Ces ouvrages en terre et en pierre, construits par les villageois, recueillent l’eau de pluie, qui s’infiltre lentement et recharge les nappes phréatiques. Des arbres sont plantés autour des plans d’eau pour diminuer l’érosion et améliorer l’infiltration. Surtout, ces johads, peu coûteux, sont construits par les communautés locales qui ont été formées à la gestion durable de l’eau. Des comités de l’eau supervisent les réseaux.

Ces travaux ont amélioré la productivité agricole et la sécurité alimentaire, les villageois exilés ont pu rentrer. Cela a également profité à la biodiversité. Surtout, 13 rivières asséchées ont recommencé à couler. La zone a fortement verdi. Le retour des nuages, permis par un meilleur stockage de l’humidité, a engendré de meilleures pluies. Selon Singh, le climat s’est même stabilisé dans la zone (voir la Publication “Drought, Flood and Climate Change” depuis la page : https://tarunbharatsangh.in/impact/).

Ces progrès spectaculaires ont valu le “prix Nobel de l’eau” à Rajendra Singh en 2015. Celui-ci insiste sur le fait que ces progrès reposent sur des initiatives communautaires, pas gouvernementales ou privées. Ces solutions ont essaimé à travers le territoire. Singh met également en avant le faible coût de ces infrastructures, alors que plus d’un million d’habitants ont bénéficié de la construction de 250.000 johads.

Avec l’intensification des épisodes de pluie extrême en France dans les décennies à venir, la gestion de l’eau doit aussi évoluer en France. Météo France prévoit une augmentation de 15 à 20% de ces épisodes intenses. Les techniques “d’hydrologie douce” doivent se généraliser pour gérer la ressource et résister aux sécheresses croissantes.

Les plantes migratrices

Saviez-vous que, comme les animaux, les végétaux migrent ?
Dans un épisode de l’émission La Terre au carré, l’écologue Didier Alard présente plusieurs stratégies de migration employées par les plantes à travers l’histoire de notre planète.

Comme l’explique le chercheur, les récents progrès des techniques d’analyse (imageries satellitaires, études de parenté à partir de marqueurs génétiques…) ont permis une meilleure compréhension de ces phénomènes.

Contrairement à ce que l’on observe chez les animaux, il n’existe pas d’individus migrateurs chez les végétaux, nécessairement figés. Le déplacement spatial passe par la génération n+1 et la migration se fait “par petits pas intergénérationnels, qui aboutissent finalement à traverser un continent sur des milliers de kilomètres”, décrit Didier Alard.

Dans l’histoire de ces migrations, l’apparition de la graine comme moyen de reproduction, il y a plus de 350 millions d’années, a joué un rôle décisif. Alors que jusque-là, les végétaux dispersaient leur gamètes “comme des petits spermatozoïdes dans la nature”, les plantes à graine ont inventé le principe de la fécondation interne.

Souvent enveloppées dans des fruits, les graines constituent des instruments très efficaces de dissémination. Pour déplacer ces dernières et conquérir de nouveaux territoires, les plantes ont multiplié les stratégies et utilisé différents alliés de circonstance, comme le vent, qui permet par exemple aux graines de pissenlit de voyager sur des dizaines de kilomètres, ou l’eau, vecteur de migration de la noix de coco entre autres.

La migration des végétaux s’est aussi souvent réalisée en coévolution avec des groupes animaux (insectes, oiseaux, mammifères). Didier Alard cite ainsi la technique du velcro, employée par différentes plantes (benoîte, bardane, gaillet) pour voyager en s’accrochant à la fourrure d’animaux.

D’autres espèces, comme le gui, misent sur des stratégies différentes : les graines ou les fruits qui les contiennent sont ingérés par des animaux qui les excrètent ensuite dans d’autres milieux où elles pourront proliférer.

L’être humain a lui aussi participé activement à cette dissémination, depuis le chasseur-cueilleur, qui transportait des plantes d’un endroit à un autre, jusqu’à l’ère moderne. “On passe notre temps à véhiculer des graines un peu partout, sous nos chaussures ou par les transports”, illustre l’écologue.

Loin de se faire au hasard, la migration des végétaux répond le plus souvent à des impératifs environnementaux, notamment l’évolution du climat. La période actuelle représente donc un défi majeur, résumé par Didier Alard en une interrogation : “Les plantes sont-elles assez rapides pour s’adapter au changement climatique ?

Si la migration des plantes a toujours existé, il semble aujourd’hui crucial d’accompagner ce mouvement, par exemple en favorisant l’introduction d’espèces pionnières dans des écosystèmes très dégradés ou en voie de transformation accélérée.

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