L'Autoroute de la pluie

Initiative de réappropriation climatique

Maïs et climat aux USA

🌽Comment la culture du maïs à changé le climat de la Corn Belt ?🌦️

Une étude publiée dans Geophysical Research Letters révèle que l’intensification de l’agriculture dans le centre des États-Unis au cours du XXe siècle a entraîné, durant la période estivale, une baisse des températures et une augmentation des précipitations, en contradiction avec la tendance mondiale au réchauffement climatique.

L’étude, dirigée par des scientifiques de l’université de l’Iowa et du National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), a analysé des données climatiques et agricoles sur une période de 100 ans. La région étudiée, la Corn Belt, correspond aux États américains du Midwest (Iowa, Illinois et Wisconsin, entre autres).

Les résultats indiquent que l’intensification agricole (qui comprend, hélas, l’augmentation de l’utilisation d’engrais et de pesticides) a modifié les échanges d’énergie entre la surface terrestre et l’atmosphère, conduisant à un refroidissement estival régional.

Cette découverte met en lumière l’impact de l’agriculture sur le climat régional. Les pratiques agricoles peuvent avoir des effets complexes et parfois contre-intuitifs. Entre 1950 à 2010, la quantité de maïs récoltée chaque année dans la Corn Belt a augmenté de 400 %, alors que cette plante présente de très importantes capacités d’évapotranspiration estivale.

Malheureusement, cette tendance climatique positive résulte d’une approche basée sur l’intensification technologique et l’usage d’intrants, qui n’est ni soutenable ni souhaitable. Elle a eu pour corollaire une intensification de l’irrigation et une inflation de l’usage de pesticides et surtout la perte d’un tiers de couches de surface riche en carbone et des problèmes de pollution de l’eau aux nitrates. Il faut donc rester prudent sur ces résultats qui peuvent masquer d’autres impacts délétères.

Et une autre étude sur cette thématique, alerte : “si la croissance de la production de maïs et de soja devait stagner, la capacité de la rétroaction culture-climat à masquer le réchauffement s’atténuerait, exposant les cultures américaines à des températures extrêmes plus nocives.”

Vous l’aurez compris, au travers de cet exemple nous ne cherchons pas à faire la promotion de pratiques culturales intensives, mais bien de mettre en avant l’interaction entre cultures agricoles et climat.

En outre, le maïs, pour beaucoup devenu le symbole d’une agriculture intensive et des élevages hors sol, reste une plante aux capacités de mycorhization et de photosynthèse (plante dite C4) extraordinaires.

Ainsi, la culture associée des “trois sœurs” (maïs, haricot et courge) ou milpa, est un mode de culture associé propre aux peuples amérindiens, qui peut, par sa stratification, rappeler l’agriculture syntropique. Décidément, nous n’avons pas fini d’apprendre des jardins américains.

N’est-il pas temps d’examiner sérieusement les possibilités offertes par l’agroforesterie et l’agriculture syntropique pour nos territoires ?

Atténuation du réchauffement climatique grâce au verdissement

🗺️🌳🌡️Connaissez-vous le pouvoir des plantes pour atténuer le réchauffement climatique ? Depuis 1982, les continents ont connu un verdissement qui a contenu la hausse des températures.

L’illustration vient de cette étude

L’étude Climate mitigation from vegetation biophysical feedbacks during the past three decades, 2017, menée par une équipe internationale, se base sur “l’augmentation lente mais persistante de l’indice de surface foliaire (LAI) observée au cours des 30 dernières années” pour en analyser les conséquences. Et cette végétalisation aurait ralenti  “l’augmentation de la température de l’air à la surface de la planète de 0,09 ± 0,02 °C depuis 1982”.

Les résultats régionaux varient en fonction de l’augmentation de l’indice de surface foliaire. Et “la somme des rétroactions biophysiques liées au verdissement de la Terre a atténué 12 % du #réchauffement”. Ce processus a donc masqué partiellement la dérive climatique sans faire la une des journaux. Malgré l’accélération du réchauffement et les sécheresses croissantes, cette tendance se poursuit après 2017. On ne note pas de tendance globale au brunissement de la végétation, qui, pour l’instant, ne dépérit donc pas.

Le verdissement planétaire s’explique surtout par l’augmentation de la quantité de CO2 dans l’air, qui booste les plantes, et par l’intensification agricole. Cette tendance ne doit donc pas éclipser les enjeux actuels. La culture de plantes pérennes doit être encouragée. Et la photosynthèse doit être fermement promue, tant la marge de progression est importante et les pelouses synthétiques rebutantes. L’artificialisation des sols est un contresens et l’agroécologie est l’avenir.

D’après différentes études, l’Inde et la Chine contribuent fortement au verdissement mondial. L’intensification agricole en serait le principal facteur explicatif. Les chercheurs chinois sont en pointe dans l’étude du verdissement. Cela s’explique par l’ampleur des projets mis en œuvre, tels le spectaculaire verdissement du plateau de Loess. La volonté de maximiser les réussites en la matière et le grand nombre de chercheurs expliquent également ce tropisme chinois.

Il apparaît de plus en plus clairement que l’aménagement du territoire, en l’occurrence agricole, ne peut être pensé uniquement “à la parcelle”. Les choix d’implantation de cultures ont un impact sur le climat régional. Ainsi, partant du constat d’un impact de refroidissement plus fort en Inde et en Chine qu’en Europe, malgré un verdissement également observé, une étude incite les décideurs politiques à changer d’approche:  “les résultats contrastés suggèrent l’importance de prioriser la géolocalisation des projets écologiques pour obtenir le maximum de bénéfice climatique.”

L’agroécologie et l’agroforesterie, déployées de manière systémique, ne sont-elles pas des solutions d’avenir ?

Soyez Vyvant !

Image : la centrale de Vitry-en-Charollais a été détruite par la grêle quelques jours avant son ouverture en 2022. Si ces panneaux n’auront jamais produit d’électricité, ils auront néanmoins produit beaucoup de PIB

Selon cet article, une centrale photovoltaïque de 9 ha va produire 670 MW/h par ha et par an, soit dix fois plus qu’un hectare de miscanthus (15 t pour 4700 kWh/t)

Face à cette évidence, pourquoi continuer à promouvoir l’agroforesterie ? L’agri-voltaïsme est plus compétitif, plus rentable et permet de sauver des fermes. La réponse tient en la nature du vivant

Définir le vivant par la biologie (structure des cellules, présence d’ADN ou d’ATP) ne permet pas de couvrir l’ensemble de son spectre (pensons aux virus ou aux prions). Et puis cela ne permettrait pas de reconnaître une forme radicalement différente qu’on pourrait trouver dans l’espace ? C’est pourquoi les astro-biologistes cherchent à définir le vivant par son comportement. Il interagit avec son environnement, il se reproduit, s’adapte, respire et mange.

En 2020, Stuart Bartlett et Michael Wong avancent  une définition thermodynamique de la vie d’un point de vue générique qu’ils appellent la Lyfe. Ainsi le vivant terrestre participe d’un plus grand ensemble : le Vyvant. David Louapre [4][5]  et Stuart Bartlett ont modélisé le concept [3] au travers d’un poignet de pseudo réactions chimiques qui couvrent ses  4 propriétés : 

🕯️ C’est une structure dissipative. Il utilise l’énergie pour créer de l’ordre et diminue localement l’entropie.

✖️ Il est autocatalytique. Il peut produire plus de lui-même.

🌡️ Il est capable d’homéostasie. Il sait s’adapter aux conditions du milieu. 

🚸 Il est capable d’apprentissage. Par sélection ou par association, le vivant change sa réponse à un stimuli de façon durable.   

Ainsi, contrairement à d’autres structures dissipatives naturelles comme un feu ou une tornade qui finissent par disparaître faute d’adaptation, ou artificielles, comme un panneau solaire, une ampoule, un moteur, qu’on entretient et qu’on remplace régulièrement (pour peu qu’on en ait encore l’usage), le vivant est une structure émergente qui gagne sans cesse en complexité et en autonomie. Il trouve des solutions pour se perpétrer. 

Par exemple, quand l’eau des sols est épuisée et que les plantes ne peuvent plus réguler l’atmosphère, elles blanchissent. Cette augmentation de l’albédo hâte le retour des pluies et la moisson se fait entre les gouttes. Alors, grâce aux réserves stockées dans leur bois, leurs racines, leurs graines et le sol, les plantes démarrent un nouveau cycle..

C’est cette capacité du vivant à régler des problèmes qui nous intéresse. Avec des panneaux solaires on produit de l’électricité, de la valeur, du revenu, avec du vivant, du miscanthus, des arbres, on produit du futur.

L’importance des services écosystèmiques fournis par les mangroves

🌴🌊🌴Énième constat alarmant, les écosystèmes de 50% des mangroves menacent de s’effondrer : “en l’absence d’amélioration significative d’ici 2050, le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer entraîneront […] la perte de 1,8 milliard de tonnes de carbone stocké dans les mangroves.” L’alerte provient d’une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 🌴🌊🌴

L’image provient d’ici

Les services écosystémiques qu’offrent les mangroves sont probablement sous-estimés. Généralement, leurs capacités de stockage du carbone, leur rôle pour la pêche et leurs capacités d’atténuation des vagues violentes et des inondations sont mises en avant. Les mangroves pourraient également réduire la concentration en nitrates apportés par les eaux usées (selon une autre étude de l’UICN).

La notion de carbone bleu est utilisée pour décrire la séquestration du carbone par les mangroves, les marais côtiers et les herbiers marins. D’après l’étude Blue carbon as a natural climate solution de 2021, la restauration de ces écosystèmes permettrait la captation d’environ 3% des émissions annuelles mondiales de CO2 (base 2019-2020). L’enjeu est donc loin d’être anodin.

En outre, l’étude Mangroves provide blue carbon ecological value at a low freshwater cost permet de comprendre certains mécanismes liant mangroves et eau douce. Ce papier de 2022 démontre la très faible utilisation d’eau douce des espèces végétales des mangroves (communément désignées sous le terme de “palétuvier”).

Mais les mangroves et autres zones humides côtières pourvoient également de l’eau douce. En effet, elles filtrent l’eau de mer pour leurs besoins hydriques. Ce faisant, malgré une évapotranspiration moindre que les écosystèmes forestiers classiques, une partie de l’eau que cette végétation transpire s’intègre au recyclage des pluies. Le cycle de l’eau est donc alimenté par ces zones humides qui dessalent l’eau de mer à peu de frais.

Un louable projet tente d’imiter le fonctionnement des mangroves pour le dessalement de l’eau de mer, comme le mentionne cet article. Le but n’est pas de jeter l’opprobre sur ce projet basé sur le biomimétisme. Bien au contraire, des innovations sont nécessaires pour faire face aux situations de stress hydrique intense. Toutefois, ce projet dépend de la technologie et d’ingénieurs.

Ce sont plutôt les solutions fondées sur la nature qui doivent être développées massivement, pour éviter de recourir à des solutions palliatives, coûteuses et dépendantes de la disponibilité en composants électroniques.

A la manière d’autoroutes de la pluie, le soutien de ces”catalyseurs de pluies” devrait être massivement soutenu.

Enfin, alors que le trait de côte a connu une érosion record cet hiver en Nouvelle-Aquitaine (20 mètres de recul à Soulac), il est critique de se pencher sur l’opportunité de rendre certains espaces littoraux à la végétation, tant pour la beauté de la nature que pour la sécurité des riverains.

L’état des sols européens

Une récente étude vient objectiver la dégradation des sols agricoles en Europe. Et la situation n’est pas brillante !

A l’heure où les mesures volontaristes impulsées depuis quelques années (loi Zéro artificialisation nette en France, Green Deal européen, entre autres) font l’objet d’une fronde grandissante, il est urgent de faire front commun pour sauver nos sols.

Si, au sein du collectif l’Autoroute de la Pluie, nous avons l’habitude de promouvoir des solutions plutôt que de susciter la peur, il est également crucial d’insister sur l’urgence de la situation.

L’étude intitulée A unifying modelling of multiple land degradation pathways in Europe a été publiée en mai 2024. Fruit du travail d’une équipe internationale de 16 scientifiques, cette étude ambitieuse parue sur Nature Communication, portant sur 40 pays du continent européen, analyse la situation des terres agricoles et arables selon 12 indicateurs de dégradation.

Les facteurs de dégradation des sols étudiés sont :
érosion hydrique, érosion éolienne, perte de carbone organique, salinisation, acidification, compaction, déséquilibre de la teneur en nutriments, pollution aux pesticides, pollution aux métaux lourds, dégradation de la végétation, déclin des eaux souterraines et aridification.

🧪Sans surprise, la pollution aux pesticides est la problématique la plus répandue en Europe.

🚨Selon l’étude, jusqu’à dix processus de dégradation peuvent coexister dans certaines régions, indiquant une situation de multi-dégradation intense.

🔥Plusieurs points chauds sont identifiés, c-a-d des pays concentrant un nombre élevé de facteurs de dégradation des sols : Espagne, Italie, Grèce, Hongrie et France. Le pourtour méditérannéen est extrêmement touché.

En France, la situation est préoccupante pour plusieurs aspects, surtout pour la pollution aux pesticides, les déséquilibres en nutriments des sols (nitrates) et la pollution aux métaux lourds. L’aridification menace le pourtour méditeranéen et fait une incursion dans le Sud-Ouest, aux abords de la zone ciblée pour établir l’Autoroute de la Pluie.

Cette même zone se caractérise par une forte érosion hydrique. Les sols lessivés perdent ainsi leur potentiel, alors qu’ils étaient initialement particulièrement fertiles (voir à ce sujet le post sur le reverdissement du Plateau de Loess, berceau de l’agriculture en Chine, qui avait été presque complètement érodé).

L’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la période 2021-2030 “Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes”, avec pour objectif d’atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres d’ici 2030. Face aux reculs récents en la matière, on voit qu’il est plus que jamais nécessaire de se mettre à l’ouvrage.

A la façon des lobbys économiques, tous les acteurs soucieux de préserver les sols et des conditions de vie décentes devraient s’unir pour infléchir les politiques.

Le mur évolutif selon Marc-André Selosse

Image : diversité des céréales à paille (Inrae A.Didier E.Boulat)

Nous construisons un mur que nous ne saurons pas franchir. 

Marc-André SELOSSE a présenté son livre « Nature et préjugés, Convier l’humanité dans l’histoire naturelle » (Actes Sud). Il y disserte sur nos idées reçues concernant la nature et notamment l’évolution.

Ça été l’occasion d’évoquer l’utilisation des mécanismes de mutation et de sélection naturelle comme un outil ; sujet qu’il avait déjà abordé il y a 3 ans lors d’une conférence pour AgroParisTech [voir l’intervention]. Il montre comment la trithérapie (combinaison de plusieurs drogues) dresse un mur adaptatif pour le virus du VIH. Le virus est incapable de s’adapter à la diversité des réponses (à l’inverse de ce qui se passe avec les antibiothérapies).  

Ainsi, cette question, de la diversité que nous avons souvent traité sous l’angle de la résilience climatique et hydrique du territoire, devient aussi une question sanitaire. Dans les paysages divers et complexes, la portée des évènements sanitaires est fortement limitée. Bien sûr des catastrophes, comme la Pyrale du buis ou la Chalarose du frêne peuvent encore se produire, mais cette prophylaxie de la diversité est une stratégie gagnante. D’ailleurs elle fait l’objet de pratiques agricoles très répandues :

🌀 rotation des cultures

🌳 haies de séparation

🏁 agencement du parcellaire

🍹 utilisation de mélanges variétaux ou de population

💪 sélection de variétés résistantes aux maladies cryptogamiques (cépages resDUR de l’INRAE par exemple). 

Toutefois, malgré ces exemples, la stratégie du vide et de l’uniformité (ce qu’on appelle la biosécurité) reste prégnante en santé animale, humaine et végétale.

🐮 L’intervention des vétérinaires Coralie Amar et Lucile Brochot au PIM 2022 illustre ce concept et ses limites appliqué à l’élevage).

Or, comme le fait si justement remarquer Marc-André SELOSSE si nous ne sommes pas doués pour utiliser l’évolution à notre avantage, la grande diversité des nouvelles molécules (pfas, microplastiques, pesticides, métaux lourds …) que nous dispersons dans l’environnement est en train de construire un mur d’adaptation que nous ne saurons franchir. La baisse drastique de la fertilité, l’augmentation de 300 % des allergies alimentaires en 20 ans et l’explosion des problèmes de santé systémiques  comme le diabète, l’asthme ou l’autisme, sont sans doute autant les signes annonciateurs de ce qu’il faut bien appeler l’inadaptation de l’homme à son milieu.

Considérer l’évolution comme un mouvement auquel on participe et non comme un phénomène exogène, considérer notre place dans les écosystèmes parfois lointain desquels on extrait notre nourriture et nos matériaux, voila une des leçons de 📚 Nature et préjugés.

L’impact climatique du mode d’occupation des sols

Bon nombre de recherches démontrent que les modes d’occupation des sols impactent fortement le climat. Malgré que ce constat soit progressivement compris, il tarde à infuser dans les politiques d’aménagement du territoire. On peut ainsi se demander pourquoi une approche systémique n’est pas adoptée pour maximiser l’impact d’une gestion vertueuse des sols.

L’étude Land use still matters after deforestation, publiée en 2023 par des chercheurs, majoritairement brésiliens, décrypte les impacts de la déforestation et des modes d’usages des sols en Amazonie et dans le Cerrado. L’étude porte sur le Brésil mais, les mêmes causes engendrant les mêmes effets, on se doit d’évaluer avec attention ces impacts en Europe occidentale. L’étude se concentre sur l’évaluation de l’utilisation des zones déboisées depuis les années 1970, alors que la surface de culture de soja, par exemple, y a décuplé entre 2000 et 2019. 

🌡️Il en ressort que la conversion de forêts en terres agricoles (légumineuses et céréales), cultivées de manière conventionnelle, peut entraîner une augmentation de la température de surface trois fois plus élevée que la conversion en pâturages.

🌥️ Cela est dû au fait que la gestion intensive des terres réduit la transpiration des plantes et provoque des changements dans l’équilibre énergétique de la surface. Ceci est clairement représenté dans l’illustration du post, où certains sols de cultures céréalières atteignent 55° c.

☀️En outre, l’expansion des terres cultivées et la création de grandes zones déboisées continues peuvent réduire considérablement les précipitations, par la perturbation du cycle de l’eau. La limite de déboisement pour ne pas enclencher ce cycle est estimée à 10 km2.

Les auteurs recommandent l’adoption de l’agroforesterie et de l’agriculture syntropique pour cultiver les zones défrichées. Plus généralement, la stratification des écosystèmes et l’introduction de l’arbre dans le système agricole sont plébiscités.

La mention de la syntropie fait écho à notre série de posts sur cette approche particulièrement adaptée aux enjeux du dérèglement climatique et de l’érosion brutale de la biodiversité ( voir [3, 4 et 5]). L’agroécologie atténuerait sensiblement les impacts de la déforestation.

Les auteurs préconisent également de travailler étroitement avec le secteur agricole, “et non contre lui. Il est peu probable que le fait de pointer du doigt aboutisse à des progrès.  Cette étude est donc particulièrement d’actualité, tant les débats sur la question agricole sont polarisés.

Le projet de l’Autoroute de la Pluie s’inscrit dans une perspective similaire. N’est-il pas urgent de réintroduire de la stratification dans nos systèmes agricoles, tout particulièrement céréaliers ? Pour cela, notre collectif œuvre à la construction d’un corridor agroforestier dans le Lauragais. Nous avons besoin de toutes les énergies pour le faire advenir et pour replacer la photosynthèse au cœur de nos psychés.

Landrace Gardening – pour une horticulture variée et robuste

Illustration les melons de Joseph Lofthouse.

En botanique, une espèce  compte souvent plusieurs variétés. Par exemple, pour  la tomate (Solanum lycopersicum) 🍅, il y a la tomate cerise 🍒(cerasiforme) et la tomate à gros fruits (esculentum). 

Mais souvent, dans une acception plus générale, le terme de variété est utilisé pour désigner une forme plus précise aux caractéristiques réputées uniques, (Cœur de Boeuf, Marmande, Green Zebra). C’est ce qu’on appelle un cultivar.

Un cultivar a été sélectionné et stabilisé afin de posséder des propriétés (goût, productivité, couleur, résistance aux maladies) constantes. Il est reproduit selon des modalités précises qui dépendent essentiellement de l’espèce.

A l’inverse des cultivars, il y a les variétés “population” qui sont obtenues par sélection massale. Autrement dit, au lieu de s’assurer de conditions strictes donnant un résultat reproductible, le fermier obtient sa semence à partir des parties de sa récolte qui lui semblent les plus prometteuses.

Le chimiste et maraîcher Joseph Lofthouse, raconte dans “Landrace Gardening: Food Security through Biodiversity and Promiscuous Pollination” comment il a utilisé la sélection massale pour obtenir des melons dans un contexte pédoclimatique totalement défavorable. Vous pouvez également retrouver ces expériences sur la chaîne youtube Landrace Gardening ou sur le site Going to seed, qui fédère un réseau d’échange de graines et des ressources pour se former.

Sa technique consiste à planter un grand nombre de variétés (pour les melons, plus de trente) et à favoriser l’hybridation de proximité. Puis à simplement utiliser les graines issues des plantes qui lui ont donné satisfaction. Et comme il fait l’inverse de ce qui est habituellement préconisé, il obtient l’inverse du résultat habituel : une production d’une grande variété de formes, goûts et couleurs.

Pour l’Autoroute de la Pluie, cette approche à base de diversité ouvre une porte de plus dans la palette des solutions fondés sur la nature. Pour peu qu’on sache admettre qu’on n’aura pas un melon de Cavaillon quand on est dans les montagnes de l’Utah.

Les cultures bioénergétiques pourraient refroidir le climat mondial

🌿🌳 Le développement massif des cultures de plantes pérennes permettrait de refroidir sensiblement le climat mondial 🌦️🌧️

L’étude Global cooling induced by biophysical effects of bioenergy crop cultivation, parue en 2021, évalue l’impact climatique des cultures bioénergétiques (ou “Bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone”). Elle a été réalisée par une équipe de dix chercheurs issus d’universités prestigieuses, dont le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement de Paris Saclay, l’Institut Pierre-Simon Laplace et des universités chinoises.

Précisions que la généralisation de cultures dédiées aux biocarburants ne nous paraît pas souhaitable, tant ceux-ci s’inscrivent dans la fuite en avant qui caractérise certains acteurs pour faire face à la profonde crise écologique. Tout l’intérêt de l’étude réside dans l’analyse de l’impact de l’extension de cultures de plantes pérennes, dont les racines sont préservées.

Les chercheurs ont produit cinq scénarios, sur 50 ans, pour des cultures étendues sur 466 millions d’hectares (sur environ 5 milliards d’hectares agricoles dans le monde) répartis entre 38 ° S et 60 ° N. Les effets du développement de quatre types de culture ont été simulés. Les cultures ligneuses (eucalyptus et peuplier/saule) ont un effet rafraîchissant plus fort que les cultures herbacées (miscanthus et switchgrass, ou millet vivace), car elles libèrent plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère et ont une résistance aérodynamique plus faible.

Selon les scénarios, les impacts sur la température varient de -0,08 °C à +0,05 °C (ce chiffre résulterait du remplacement de forêts par du millet vivace). En plus d’affecter la température locale, les cultures bioénergétiques pourraient également influencer la température dans des zones éloignées grâce à la circulation atmosphérique. Ainsi, les effets pourraient être localement contrastés. Les chercheurs appellent à de nouvelles études pour estimer les effets biophysiques du développement de telles cultures.

Malgré la grande qualité de l’étude, il nous semble qu’un élément décisif n’est pas modélisé : l’impact de racines pérennes pour la situation hydrique et leurs répercussions climatiques. En effet, l’étude se base sur un modèle physique atmosphère-terre-océan-glace de mer (avec l’impact du cycle du carbone et de la chimie stratosphérique). Les interactions entre plantes et climat sont nombreuses et les bénéfices d’un redéploiement massif des plantes pérennes pourraient excéder ceux envisagés ici. 

L’autoroute de la pluie s’attelle à la fois à favoriser le déploiement de corridors d’humidité par le secteur agricole et à rendre désirable la généralisation de cultures de plantes pérennes, partout, tout le temps. Pour ce faire, l’agroécologie et l’agroforesterie sont des vecteurs cruciaux. En plus d’avoir des impacts bénéfiques sur le climat, la biodiversité et la résilience des exploitations agricoles, ils ont le mérite d’embellir grandement nos paysages.

Comprendre la syntropie 3 : Quelles ressources pour commencer ?

Nous avons essayé de présenter dans deux précédents articles des notions que l’agriculture syntropique met en œuvre. Elles peuvent sembler éloignées du sujet principal qui est d’installer et de faire prospérer des plantes pour répondre à nos besoins.

Mais cette entrée en matière par le champ scientifique nous a semblé nécessaire parce que l’agriculture syntropique découle d’une compréhension du monde, issue non pas de la physique newtonienne qui nous est si familière, mais d’une vision thermodynamique encore éloignée de nos canons de perception. Admettre l’irréversibilité, comprendre que le tout n’est pas égal à la somme des parties, penser les systèmes en termes de flux est et de dissipation échappe complètement au canons des techniques de production. Lorsqu’un tracteur travaille, qu’est-ce qui part en chaleur ? qu’est-ce qui le fait avancer  ? Toutes ces questions ne sont sûrement pas neuves. Elles datent de la machine à vapeur. Pourtant tous nos indicateurs clés comme le rendement ou le PIB sont établis comme si l’expérience de production était reproductible à l’infini, comme si le monde était constant. 

N’oublions pas toutefois que la syntropie ce sont avant tout des fermes. Celle de Ernst Gotch au Brésil, celle des Magawits en France, et bien d’autres de part le monde, expérimentent dans le domaine agricole. Il y a beaucoup de témoignages, de formations, de partages d’expérience. Notamment grâce au travail didactique d’@Opaline. Toutefois, si ces témoignages sont utiles, il manquait un ouvrage de référence. C’est chose faite avec la parution de  Bienvenue en syntropie de Théry Analële (préface de Opaline Lysiak, coédition Joala Syntropie et Terre vivante).

L’auteure y partage son expérience d’adaptation des techniques développées par Ernst Götsch en milieu tempéré. Le cheminement du livre nous amène de la théorie à la pratique de façon très imagée et ludique. Si cela rend la lecture facile et agréable, ces deux aspects auraient peut-être pu être plus incarnés afin d’être mieux questionnés : une sorte de dialogue socratique entre un philosophe et un paysan ? Car la syntropie telle que nous la comprenons place la science au cœur de l’élaboration du processus technique. Notons d’ailleurs qu’une réflexion similaire a amené le philosophe Bernard Stiegler à inventer les Territoires Apprenant Contributif, un projet de développement économique néguentropique.  

Au-delà de cette remarque, le livre est d’un apport théorique et pratique inestimable et va bien au-delà de la palanquée de PDF qu’on peut trouver sur internet et qui manquent cruellement de concret. Quand on s’intéresse à la production végétale, la qualité des itinéraires décrits et des pistes explorées ouvre des possibilités d’expérimentation et de design infinies. 
Pour clore cette présentation de la syntropie, citons le mot de Théry Analële : “La syntropie n’est ni simple, ni complexe mais simplexe”.

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