Initiative de réappropriation climatique

Mois : novembre 2025

Le vivant laisse des traces I : carbone et photosynthèse

Illustration : la reconstruction par cryo-ME de la capside complète de l’apoferritine, permet de faire apparaître “l’ombre des atomes” (Paul Emsley/MRC Laboratory of Molecular Biology)

Les isotopes sont des atomes qui possèdent la même charge électrique mais une masse différente.

Pour le carbone, par exemple, il en existe 15. Deux sont stables. Le carbone 12 est le plus courant. Il représente 98.93 % du carbone total. Le carbone 13 vient en second (1.07 %). Quant aux autres isotopes, ils n’existent qu’à l’état de trace.

Ainsi d’un point de vue chimique ⚗️ les isotopes sont interchangeables, mais physiquement ⚖️,  ils ont des propriétés différentes :

  • certains sont stables
  • d’autres radioactifs ☢️

L’analyse isotopique permet d’établir scientifiquement un certain nombre de faits (« L’isotope, traceur d’origine : distribution isotopique dans les composés naturels« ):

  • L’analyse de l’oxygène permet par exemple de déterminer si une pluie  🌧️ est d’origine marine 🌊 ou terrestre 🌳(voir la présentation de l’hydrologie isotopique).
  • L’analyse du carbone permet de dater les résidus organique (carbone 14) 🦖
  • L’analyse de l’azote permet de déterminer la place d’une créature dans la chaîne alimentaire 🥩
  • Lorsque l’azote est trop dégradé, l’analyse du zinc fixé dans les dents permet de déterminer ce que le propriétaire de la dent a mangé [4]

Un autre aspect intéressant, souligné par le paléoanthropologue @Jean-Jacques Hublin, dans sa série de cours de 2018 (l’homme prédateur) est la capacité, en analysant les isotopes du carbone, de déterminer si une chaîne trophique s’est construites sur des plantes effectuant une photosynthèse C3 ou C4. Cela lui permet par exemple de déterminer à quels moments les hominines ont pu quitter le couvert forestier (C3) pour s’aventurer dans la savane (C4).

La proportion d’isotopes du carbone caractéristique d’une type de photosynthèse, se retrouve non seulement dans les résidus de plantes (y compris le charbon), mais aussi dans les animaux qui les consomment et chez les prédateurs et super prédateurs.

L’activité des plantes façonne durablement la composition physico-chimique du monde. Elle modifie la composition des milieux dans lesquels elles évoluent. Les isotopes sont un des vecteurs de cette transformation. Ce n’est pas le seul.

Au sein de l’Autoroute de la Pluie nous nous interrogeons beaucoup sur l’intensité de cet impact, qui reste un champ de recherche largement ouvert.

Le verdissement de la planète

🌍🌿Le verdissement de la Terre est une tendance avérée, malgré les sécheresses. 🌡️☀️

Depuis les années 1980, notre planète connaît un verdissement de ses continents qui a permis de contenir le réchauffement climatique de 12%.
A ce sujet,  Voir l’étude “Climate mitigation from vegetation biophysical feedbacks during the past three decades” et l’article “Atténuation du réchauffement climatique grâce au verdissement” sur notre site.

Cependant, ce processus fait l’objet de débats, les méthodes d’analyse utilisées pouvant faire apparaître des faux-positifs. Une étude parue en janvier 2025, “Uncovering true significant trends in global greening”, vient réduire ces incertitudes.

Deux chercheurs espagnols ont élaboré une méthode spécifique pour améliorer l’étude de ce processus, réduisant les faux positifs de 50%. L’étude montre que 76,07 % des zones ayant évolué (verdissement ou brunissement) connaissent un verdissement significatif. Pour les régions avec un NDVI supérieur à 0,15, il atteint 85,43 %. Selon une autre étude de 2024, “l’accélération du verdissement s’est produite dans 55,15 % du globe […], tandis que l’accélération du brunissement ne s’est produite que dans 7,28 %” du globe.

Cette tendance est particulièrement sensible pour l’Eurasie. Selon un chercheur de l’Université de Boston cité par la NASA : « La Chine et l’Inde représentent un tiers du verdissement, mais ne comptent que 9 % de la superficie terrestre de la planète couverte de végétation – un résultat surprenant, compte tenu de la notion générale de dégradation des terres dans les pays peuplés en raison de la surexploitation ».

Ceci s’explique notamment par la lutte contre la désertification en Chine (42% du verdissement de la Chine selon la NASA). Le phénomène provient aussi à 32% pour la Chine et 82% pour l’Inde de l’intensification agricole : “Grâce à des pratiques de cultures multiples, où un champ est replanté pour produire une autre récolte plusieurs fois par an. La production de céréales, de légumes, de fruits et autres a augmenté d’environ 35 à 40 % depuis 2000 pour nourrir leurs nombreuses populations.” Cette tendance dépend par contre du bon état des nappes phréatiques.

Pour les deux pays leaders du verdissement, des cas emblématiques et déjà documentés existent. La Chine a ainsi procédé au verdissement massif du plateau de Loess, tandis que des initiatives durables se multiplient en Inde (voir les travaux de la Paani Foundation et les vidéos de Andrew Millison).

Le verdissement mondial pourrait donc nettement accélérer si d’autres pays adoptaient une démarche volontariste. Cela suppose bien entendu d’adapter les approches aux contextes nationaux. Surtout, il est vital que les acteurs de ce verdissement s’approprient ces enjeux. En Europe, il importe donc de procéder à l’intensification agroécologique, qui ne pourra s’effectuer qu’en co-construction avec le monde agricole.

#verdissement #agroécologie #climateaction

La croissance, c’est les plantes !

Sources d’illustration : image 1 image 3 image 4

❗🤩🌿 Promouvoir la photosynthèse, car la croissance c’est les plantes🌿🤩❗
Et si, en 2025, on changeait de curseur et qu’on se mettait, collectivement et massivement, à promouvoir la photosynthèse, la technologie la plus propre, fruit de milliards d’années de R & D ?

Dans un exposé très érudit et poussé en biologie et chimie, l’agroécologue Olivier Husson expose l’importance de la photosynthèse pour la santé des plantes et du sol, soit le socle de la biosphère . La présentation «la photosynthèse : la centrale énergétique indispensable pour la “santé unique”» démontre le caractère névralgique de ce processus bioénergétique. La régularité de la photosynthèse doit être assurée pour fournir une alimentation énergétique au vivant.

Chaque printemps, les publications fleurissent pour enjoindre de cesser la tonte systématique des jardins. Cela va dans le bon sens, mais ce mouvement doit prendre de l’ampleur. L’inconscient collectif doit évoluer profondément. Il faut passer des pelouses tondues à ras à l’abondance végétale. 

Il faut inciter à l’installation massives de potagers, collectifs ou non, qui soutiendraient le développement de la sécurité sociale alimentaire et le verdissement des villes doit accélérer. Imaginez des vergers plantés sur les délaissés communaux et des balcons fleuris en mode syntropique !

De même, les services environnementaux rendus par les agriculteurs doivent être fortement soutenus. Cela nécessite de disposer d’indicateurs fiables facilitant la tâche administrative du monde agricole. La rémunération de ces services environnementaux pourrait, en partie, reposer sur l’activité de photosynthèse.

L’agriculture traditionnelle, généralement la polyculture-élevage en France, repose sur des cultures diversifiées allant dans ce sens. C’est une immense opportunité alors que “l’agriculture familiale […] occupe 2,6 milliards de la population humaine qui produisent 70 % de la production alimentaire mondiale avec 30 % des ressources agricoles mondiales” [voir le lien]. Réaffectons les 70% restants à l’agroécologie !

Soutenir ce mouvement permet de disposer d’une alimentation de qualité. Surtout, enclencher cette mobilisation collective permet de proposer un nouveau récit. Et une agriculture diversifiée, utilisant l’arbre en pivot, apporte tant de bénéfices, écosystémiques et climatiques.

Un sol, tant qu’il est nu, ne rapporte rien, ni en termes écologique, ni en termes économiques. Comme le résume Konrad Schreiber, spécialiste de l’agroécologie : “sol à nu, sol foutu”.

💣🪱un sol à nu, c’est une perte en biodiversité, alors que 59% de la biomasse terrestre y vit [4]

🌊🌡️un sol à nu, c’est l’érosion, des inondations, de la chaleur et des émissions de CO2

🏜️🌪️un sol à nu, c’est le Dust Bowl [5], ces tempêtes de poussière qui ont ravagé les Etats-Unis à cause de pratiques mécanisées néfastes

Collectivement, luttons contre les aberrations du béton et de la désertification auto-générée !

#photosynthèse #agroécologie #climateaction

Résilience des forêts face aux sécheresses

🌳☀️🌦️Comment améliorer la résilience des forêts face aux sécheresses ?

Le schéma provient de l’étude “Les forêts face aux sécheresses et canicules : causes de dépérissements, facteurs aggravants et différences de sensibilité entre les espèces

Une étude de 2022, “Drought resistance enhanced by tree species diversity in global forests”, dresse un panorama mondial de la résilience des forêts, démontrant que la diversité d’arbres dans une forêt améliore sa résistance aux sécheresses. Basé sur la compilation de diverses bases de données, l’article souligne : “selon un modèle prédictif de l’effet de la diversité en arbres, la conversion de la monoculture actuelle en plantations d’arbres mixtes pourrait améliorer la résistance à la sécheresse. “ L’étude appelle à restaurer la diversité des espèces pour “atténuer l’impact des sécheresses extrêmes à grande échelle, en particulier dans les régions sèches.”

Ce constat ne va malheureusement pas dans la direction du plan France 2030 de plantations d’arbres, qui fait la part belle aux monocultures et aux coupes rases.

Si l’on se cantonne aux espèces les plus adaptées pour le climat et le rendement économique, une étude française fournit une autre piste d’adaptation. Des chercheurs ont étudié la réaction des pins maritimes à la chaleur durant leur développement embryonnaire. Pour cela, ils ont extrait des embryons qu’ils ont clonés puis fait germer à différentes températures (18, 23 et 28 degrés, 23 degrés étant optimal pour l’espèce).

En étudiant le génome de ces jeunes pins, les chercheurs ont identifié une dizaine de gènes connus “pour avoir des fonctions biologiques lors de l’embryogenèse, sur la régulation épigénétique ou en réponse à la température”.  Leur hypothèse est que les arbres survivant à des sécheresses pendant leur développement embryonnaire s’adapteront mieux aux températures extrêmes. Voir à ce sujet un article de Libération “Sylviculture : graine échaudée, futur pin renforcé” (également mentionné sur la la Terre au Carré du jeudi 21/11/2024).

Citons aussi le travail d’une équipe de chercheurs d’Aix-en-Provence, qui propose une approche novatrice face aux sécheresses. Cette équipe est parvenue “à diminuer la mortalité des arbres en agissant sur les dialogues que ceux-ci entretiennent avec l’environnement, grâce à leurs racines”.

En enrichissant le sol avec un microbiote bénéfique (utilisation de certaines molécules, les phytohormones), l’arbre doit limiter son évapotranspiration lors des sécheresses, en agissant sur la réactivité de ses stomates. Cette étude porte sur un panel d’arbres diversifiés. Dans les tests menés, 10 à 25% des arbres conservent des feuilles vertes en condition de sécheresse.

Toutefois, une importante bibliographie démontre la centralité de l’arbre dans le cycle de l’eau, via le recyclage des précipitations. Limiter l’évapotranspiration estivale risque en effet d’augmenter la sécheresse de l’atmosphère. Ce dernier constat interpelle lorsqu’on connaît le caractère contagieux des sécheresses [5] en milieu sec, alors que ces dernières années les départements méditerranéens ont flirté avec un climat semi-aride.

A choisir, soutenir la diversité des essences apparaît comme le meilleur moyen de préserver nos forêts. Et ces enjeux doivent plus que jamais être envisagé de manière holistique. Et vous, qu’en pensez-vous ?

#forêt #climateaction #sécheresse

La syntropie, une piste crédible pour l’agriculture industrielle

Image issue de Mongabay

🌴🌾🚜La syntropie émerge comme une piste d’inspiration de plus en plus crédible pour l’agriculture industrielle.

Au Brésil, l’agriculture syntropique développée par le Suisse Ernst Götsch n’en finit plus de faire ses preuves, au point de séduire les dirigeants de grandes exploitations en monoculture.

Installé depuis les années 1980 dans l’Etat de Bahia, au Brésil, Ernst Götsch a consacré sa vie à l’agroforesterie, avec la volonté farouche de mettre en pratique ses ambitieuses théories de l’agriculture syntropique.

Nous avons déjà présenté le concept de syntropie à travers trois posts déjà publiés (voir les posts LinkedIn ici, et ou chercher « syntropie » sur le site). Son principe fondamental est de composer avec la complexité et la dynamique du vivant plutôt que de lutter contre. En pratique, cela revient à favoriser la production d’une biomasse abondante et très diversifiée et à augmenter le taux de restitution au sol. Cela passe notamment par des mécanismes de strates et de successions, pour permettre l’émergence d’un écosystème diversifié.

Au cours des trente dernières années, Götsch a expérimenté cette approche sur une zone de 120 hectares dans le sud de Bahia. Au moment où elles lui ont été confiées, ces terres étaient recouvertes par une prairie touffue et considérées comme peu fertiles. Le chercheur s’est fixé comme objectif de les transformer en une forêt dense tout en y plantant du cacao qui y trouve protection.

En développant les méthodes de l’agriculture syntropique, Götsch a obtenu des résultats spectaculaires et transformé radicalement le paysage local. Il a aussi contribué à créer un microclimat dans une région touchée par des sécheresses récurrentes. « Lorsque vous survolez, vous ne voyez plus mon exploitation car il y a des nuages ​​ici toute l’année », illustre-t-il.

Sur le plan agricole, l’expérience a également été concluante. Alors que les autorités compétentes jugeaient la zone comme impropre à la culture de cacao, la plantation d’Ernst Götsch a progressivement atteint un rendement équivalent à celui d’exploitations conventionnelles, pour des coûts inférieurs et sans utilisation de pesticides.

Cet argument n’a pas laissé insensible un certain nombre de grands agriculteurs de l’Etat de Bahia, en quête de solutions pour sortir de la dépendance aux pesticides, dont les impacts négatifs sur la fertilité des sols ont provoqué une importante baisse de la productivité.

On peut mentionner l’exemple de Paulo Borges, propriétaire de 10 000 hectares de plantations de soja dans la région. Lui et d’autres agriculteurs de la région sont accompagnés par Götsch afin de limiter au maximum l’usage de produits phytosanitaires. Au moment de faire cette annonce, en 2020, Paulo Borges espérait pouvoir s’en passer complètement sur son exploitation d’ici 10 ans. 

Nous n’avons pas trouvé d’informations sur la mise en pratique de ce changement depuis. N’hésitez pas à nous éclairer sur cette question !

#syntropie #brazil #agroforesterie

La rosée, ça fait rêver

💦🌿La rosée est un phénomène par lequel l’humidité de l’air redevient liquide. En de nombreuses circonstances, sa présence suscite des espoirs : celui de faire face aux sécheresses, celui de relancer une activité végétale lorsqu’il n’y a presque plus rien, celui d’une pluie invisible.

Qu’en est-il vraiment ?

Plusieurs articles apportent des éléments d’objectivation du sujet :

🔶Le premier article présente une méthode utilisant les systèmes d’information géographique et la télédétection pour estimer le potentiel de volume de rosée sur l’ensemble du territoire de la Serbie.

Le potentiel moyen estimé de rosée est de 20-40 mm/an pour le sud, 15 mm/an pour le nord, 30-50 mm/an pour la région centrale et 20-30 mm/an pour l’est. Dans les régions les plus sèches, il est inférieur à 10 mm/an/m².

Les auteurs notent que ce volume pourrait compléter les ressources en eau, en particulier au printemps.

🔶Le second article examine les facteurs influençant l’absorption de la rosée par les feuilles de différentes plantes en utilisant un isotope stable du deutérium.

Des expériences en pot ont été menées sur trois espèces végétales communes, en faisant varier la température de l’air et la vitesse du vent. 

Les principales conclusions sont que:

  • 6% à 35% de la rosée est absorbé par les feuilles des plantes
  • la capacité d’absorption de la rosée varie considérablement selon les espèces (structure des feuilles, présence de cire)
  • pour chaque espèce, il existe une température optimale d’absorption
  • la vitesse du vent accélère l’évaporation et diminue l’absorption

🔶Le troisième article est une étude à long terme menée entre 2005 et 2021 dans trois zones subhumides du nord-ouest de la Chine. Elle consiste en une observation quotidienne de la rosée durant toute la période de croissance des plantes.

Le volume de rosée est évalué entre 29 et 42 mm durant la période de croissance des plantes, donc dans les mêmes ordres de grandeur que l’étude en Serbie. 

Cette étude pointe l’importance des facteurs géophysiques comme la pente, l’exposition et surtout le vent. Mais, elle met surtout en avant la coïncidence entre le pic de rosée et le pic d’activité végétale, ce qui nous conforte dans l’idée qu’il existe un cercle vertueux entre l’hydratation de l’environnement et l’activité végétale.

🔶Dans le cas des milieux arides, la rosée prend une importance toute particulière. 

Ainsi, dans le “désert du Taklamakan, en Chine,(précipitations annuelles totales < 200 mm) […] l’accumulation de rosée représente jusqu’à 36 % des précipitations totales (12,9 mm)” selon une étude.

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén