Initiative de réappropriation climatique

Catégorie : Hydrologie Régénerative Page 1 of 2

Cultures bioénergétiques et recyclage de l’eau dans l’atmosphère

Les plantes pérennes cultivées à des fins de bioénergie peuvent rapporter autant d’eau qu’elles en consomment !

Une étude menée par des chercheurs français et chinois, parmi lesquels Philippe Ciais, et publiée en 2023 dans la revue Nature, met en lumière l’existence d’un phénomène de rétroaction climatique en lien avec certaines cultures bioénergétiques.

Promue notamment par le GIEC, la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS) remplit en théorie une double fonction d’élimination du CO2 et d’approvisionnement en bioénergie. Sans porter de jugement sur cette technologie, ce qui nous intéresse ici est qu’elle repose sur la culture de plantes pérennes, arbres ou herbacées, et pas sur des plantes annuelles.

Si leur irrigation implique une certaine consommation d’eau, ces plantes pérennes la redistribuent abondamment, en la drainant dans le sol par les racines et en l“évapotranspirant dans l’atmosphère. La plantation massive de ce type de végétaux pourrait donc avoir un impact direct sur le cycle global de l’eau. L’étude aborde frontalement cette problématique en proposant un modèle pour prédire les effets que pourrait générer le déploiement à grande échelle de la technologie BECCS.

En l’occurrence, les chercheurs ont tenté d’obtenir des « représentations explicites » des impacts sur le cycle de l’eau de deux types distincts de monocultures bioénergétiques : d’une part des plantes ligneuses à forte transpiration (eucalyptus) et d’autre part des plantes herbacées à plus faible transpiration (panic raide ou switchgrass).

Dans les deux cas, les résultats obtenus indiquent un effet positif sur le recyclage de l’eau dans l’atmosphère. Les simulations réalisées dans le cadre de cette étude montrent en effet que « les précipitations terrestres mondiales augmentent dans les scénarios BECCS, en raison de l’évapotranspiration accrue et de l’advection (déplacement horizontal) d’humidité intérieure ».

Les auteurs concluent que « l’augmentation des précipitations terrestres à l’échelle mondiale, due aux rétroactions atmosphériques des cultures bioénergétiques à grande échelle, pourrait compenser partiellement la consommation d’eau de ces cultures bioénergétiques pluviales à l’échelle mondiale » et recommandent « une évaluation plus complète, incluant les effets biophysiques de la culture de la bioénergie ».

Cette étude illustre en tout cas de manière éclatante le rôle crucial joué par les espèces végétales dans le cycle de l’eau. Loin d’être négligeable, ce dernier est tout simplement moteur dans le recyclage des ressources hydriques à l’échelle de la planète. Ce constat est un argument de plus en faveur des projets d’intensification végétale, comme celui que nous promouvons entre les Pyrénées et le Massif Central. 

Un grand merci à Philippe Ciais pour nous avoir orienté vers ces travaux !

Les méthodes agricoles en milieu semi-désertique

🌱Comment cultiver en territoire semi-désertique 🏜️ et sensiblement diminuer le risque d’inondations en cas d’épisodes pluvieux extrêmes ? ☔

L’étude Exploring the Potential of Soil and Water Conservation Measures for Climate Resilience in Burkina Faso, qui analyse la situation en milieu Sahélien, revient sur des principes qui devraient être adoptés dès maintenant dans un pourtour méditerranéen en cours d’aridification.

Parue en 2024, cette étude est le fruit d’une collaboration entre scientifiques burkinabés et japonais, dont Carine Naba. Ils ont utilisé des données nationales, la télédétection et des outils SIG pour évaluer l’adoption des mesures de conservation des sols et des eaux (“Soil and water conservation measures (SWCMs)” dans l’étude) et leur potentiel de résilience climatique.

Les techniques étudiées sont traditionnelles au Sahel : demi-lunes, cordons pierreux, zaïs, diguettes filtrantes, bandes enherbées et boulis.

Les résultats de l’étude sont notamment :

  • Une augmentation notable de la végétation dans les provinces à forte prévalence de pratiques de conservation des sols et des eaux. Cet essor interpelle alors que la désertification menace les pays du Sahel. Il est possible de lutter efficacement contre ce risque.
  • Le déploiement de ces techniques entraîne une réduction considérable du ruissellement. Ainsi, les références bibliographiques de l’étude font état de réduction du volume de ruissellement de l’ordre de “70% au niveau du champ et de 8% au niveau du bassin en cas d’événements pluvieux extrêmes”.
  • Plus les terres sont dégradées, plus les agriculteurs sont susceptibles d’adopter ces pratiques (seuil évalué à partir de 60% de dégradation des terres). Cela pose la question de l’adoption des pratiques agroécologiques, qui dépend encore malheureusement de l’état de dégradation des terres. L’adage “mieux vaut prévenir que guérir” prend tout son sens, tant en Afrique qu’en Europe.

On le voit, des ajustements agronomiques relativement mineurs peuvent permettre une atténuation sensible d’aléas climatiques de plus en plus extrêmes. Nous pensons qu’il ne faut pas attendre que la situation se dégrade pour réagir. C’est pourquoi nous prônons un déploiement rapide de ces techniques en contexte méditerranéen. Les tragiques inondations d’octobre 2024 en Espagne ne peuvent qu’accréditer cette thèse.

Il est temps d’adapter nos territoires et les exploitations agricoles qui les maillent. Ces mesures de conservation des sols et des eaux s’apparentent à l’approche de l’hydrologie régénérative en plein essor en France, que complète efficacement l’agroforesterie. L’agriculture de conservation des sols, l’agriculture biologique de conservation des sols et l’agriculture régénérative sont d’autres méthodes à déployer massivement pour renforcer notre robustesse, concept stratégique que diffuse Olivier Hamant.

Pour une hydrologie régénérative

🌧️Connaissez-vous l’hydrologie régénérative qui vise à hydrater nos territoires ?🏞️

Le collectif de l’Autoroute de la Pluie adhère pleinement à cette approche qui vise à : 


🌧️🏞️ Ralentir, répartir, infiltrer et stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement 

🌱🌳 Densifier la végétation multifonctionnelle, cultivée ou non

L’énoncé de ces principes provient du site de l’association française Pour une Hydrologie Régénérative, créée en 2022.

Pour comprendre ces enjeux, Ananda Fitzsimmons revient dans son livre “Hydrater la terre” (commande disponible sur le site des éditions La Butineuse) sur le rôle oublié de l’eau dans la crise climatique. L’environnementaliste et promotrice de pratiques agroécologiques canadienne revient sur les risques liés à la désertification des territoires et les possibilités de régénérer le cycle de l’eau. Elle évoque plusieurs exemples d’application de l’hydrologie régénérative. Ainsi, en Arabie Saoudite des bédouins travaillent à contrer la désertification au moyen d’ingénieux dispositifs visant à ralentir le flux des rares précipitations, relançant ainsi l’activité photosynthétique [voir ce post très instructif].

En Australie, l’ingénieur et agriculteur PA Yeomans [version électronique du livre “The Keyline plan” de PA Yeoman] a dans les années 1950 inventé et appliqué le keyline design [définition du keyline design sur le site de Neayi – triple performance], un des piliers de l’hydrologie régénérative. Cette technique d’aménagement vise à maximiser les ressources en eau. En étudiant la topographie du territoire, il est possible d’y intégrer des keylines, qui suivent les courbes de niveau, pour y stocker et infiltrer les pluies. Les résultats en milieu semi aride ayant été probants, ces principes ont commencé à essaimer.

En France, Simon Ricard est un des praticiens de l’hydrologie régénérative (avec Perma Lab). Il accompagne des agriculteurs pour renforcer la résilience, hydrique notamment, de leurs exploitations. Alain Malard aide plus spécifiquement les viticulteurs. Tous deux partagent régulièrement sur LinkedIn des informations sur leurs activités.

Citons également Samuel Bonvoisin, conférencier et consultant en agroécologie, qui contribue à diffuser ces bonnes pratiques. Enfin, Charlène Descollonges, hydrologue de formation, auteure et conférencière, a acquis une notoriété qui permet de diffuser largement ces idées novatrices et porteuses d’espoir. La liste n’est pas exhaustive, cette association rassemblant de nombreux praticiens soucieux d’hydrater durablement les territoires.

Cette association travaille actuellement à mettre en place des “Plans territoriaux de régénération des cycles de l’eau “ afin que l’hydrologie régénérative passe à l’échelle en France. On le voit, hydrologie et pratiques agricoles et forestières sont étroitement imbriquées. Les convergences avec l’autoroute de la pluie sont évidentes.

Il est plus que jamais nécessaire de revoir notre manière de penser le territoire et d’y intégrer les notions d’hydrologie régénérative, d’agroforesterie à grande échelle et d’agroécologie. Cela ne pourra que renforcer les territoires et contribuer à atténuer la crise climatique.

⛰️🌴 Revégétaliser des montagnes pour sauver des glaciers tropicaux ? 🧊🏔️

Dans sa chronique hebdomadaire du 23 novembre 2023, sur France culture, la glaciologue Heïdi Sevestre revient sur une initiative en Colombie qui peut, à première vue, sembler étonnante.

Le billet d’Heidi Sevestre est disponible en podcast ici:

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-biais-d-heidi-sevestre/colombie-revegetaliser-les-montagnes-pour-sauver-les-glaciers-2233569 

Interview de Heidi Sevestre sur le podcast circular metabolism (elle évoque la Colombie en dernière partie)

Il s’agit pourtant d’un projet tout à fait sérieux qui est mis en œuvre à pour protéger les glaciers tropicaux du pays. Marcela Fernandes, fondatrice de Cumbres Blancas Colombia, en français Les Sommets Enneigés, fait tout pour protéger les glaciers de Colombie et figure d’ailleurs parmi les 100 personnes les plus influentes sur le climat dans le classement de la BBC en 2023.

Face au réchauffement climatique, la situation des glaciers colombiens est très compliquée. Depuis 2019, cette association tente tout pour les protéger. Plutôt que des canons à neige ou des bâches blanches, il est vite apparu que la meilleure manière de les protéger est de préserver les écosystèmes. Comme le résume Heïdi Sevestre, “pour être en bonne santé, les glaciers doivent recevoir de la neige et pour que la neige tombe, l’environnement doit être suffisamment humide. Et l’humidité en Colombie vient en grande partie de la végétation sur les flancs des montagnes”. L’association a donc décidé d’œuvrer à revégétaliser les “paramos”, des écosystèmes d’altitude qui n’existent qu’au Pérou,en Equateur et en Colombie. Ces paysages très humides sont des trésors de biodiversité menacés par l’exploitation forestière et le pâturage, entre autres.

Paysage typique du paramo, par Patricio Mena Vásconez — Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1629127

Pour restaurer ces écosystèmes, « Cumbres Blancas Colombia » a donc mis en place des serres afin de cultiver des plantes natives et engager les communautés autochtones à soutenir la végétation de ces montagnes. Des associations sœurs ont été mises en place en Équateur, au Pérou, au Mexique et au Venezuela, des pays disposant également de glaciers tropicaux. Des associations sont également impliquées dans le mouvement en Afrique de l’Est et en Indonésie, où on trouve également des glaciers tropicaux.

Plus d’informations sur ceprojet sur le site de l’association: https://www.cumbresblancas.co/


Cette initiative démontre toute l’utilité d’adopter des solutions fondées sur la nature pour bénéficier des services écosystémiques de la végétation. Il est encore temps de mettre en place des approches similaires en France, notamment par la sanctuarisation de la végétation montagnarde.

Comment parvenir à végétaliser de grandes surfaces ?

Dans une synthèse de 2020 (https://www.fondationbiodiversite.fr/wp-content/uploads/2021/12/FRB-Synthe%CC%80se-plantations.pdf), la @Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) revient sur le projet de Grande muraille verte initié par le très charismatique président du Burkina Faso, Thomas Sankara, au milieu des années 80.

La grande muraille verte (source ONU)

Suite aux grandes sécheresses qui ont sévi au Sahel dans les 60 et 70, une plantation continue de 7000 km d’arbres est lancée. Son but est de contrer l’avancée du désert.

Même si le désert n’avance pas vers le sud comme on pouvait le craindre, reverdir le Sahel reste un objectif important comme le souligne le GIEC dans ce rapport de 2022 (https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter07.pdf page 74).

Mais ce projet a englouti des sommes faramineuses pour un résultat souvent décevant. Les arbres plantés ne sont pas adaptés, pas entretenus et meurent. Paradoxalement, seules les plantations à visée commerciale réussissent.

Cet échec à plusieurs causes. Notamment, le choix des essences souvent peu à même de survivre sans entretien. Mais c’est surtout le régime foncier et le statut de l’arbre qui sont les principaux obstacles. Par l’effet d’un reliquat du droit colonial, l’agriculteur n’est pas propriétaire des arbres sur les parcelles qu’il exploite. Sa présence n’est donc qu’une contrainte. C’est la levée de cet obstacle social qui permettra au projet de vraiment décoller.

Parallèlement, certains agriculteurs développent une forme d’agriculture originale, le Zaï, qui favorise la germination des graines d’arbres déjà présentes dans le sol. De cette conjonction de facteurs émergera la pratique du bocage sahélien qui fait le succès du verdissement du Sahel. 

L’agronome australien Tony Rinaudo, à qui Arte a consacré un documentaire (The Forest Maker) a contribué à favoriser la diffusion de cette pratique oubliée dans les années 80. Il a commencé à appliquer cette pratique au Niger, après plusieurs années de vains efforts de reforestation. En impliquant les communautés villageoises, les résultats y ont été spectaculaires : « Dans les années de sécheresse, les récoltes étaient infiniment plus abondantes sous les arbres… Je ne sais pas comment le principe s’est disséminé, mais de paysan en paysan, le mot a circulé tant et si bien qu’en une vingtaine d’années, ce sont 200 millions d’arbres qui ont poussé au Niger, sans en planter un seul. »

Favoriser l’émergence de la végétation spontanée s’appelle la régénération naturelle spontanée. Cette approche permet de végétaliser les espaces solidement et à peu de frais, puisque c’est le stock de graines déjà en place qui va s’exprimer. 

Mais ce que montre cette expérience c’est que si la régénération est spontanée, le démarrage du processus ne peut se faire que lorsque les conditions agronomiques et sociales sont réunies. Que seraient ces conditions dans la France d’aujourd’hui ? Nous essaierons dans de prochains post de le définir et de tracer un chemin pour y aboutir.

La pompe biotique

🌊☁️🌳Connaissez-vous le fascinant phénomène de la pompe biotique, qui permet à la végétation d’attirer l’humidité océanique et produire les pluies continentales ? 🌿🌳🌧️

Crédit image: @Nirja Desai, MFA pour https://www.sciencemagazinedigital.org/

L’aspiration de l’air humide dans les continents est générée par l’évapotranspiration des forêts et de la végétation côtières, en faisant baisser la pression atmosphérique. Cet air humide se transforme en nuages qui viennent hydrater les continents sous forme de pluie.

Ce phénomène est avéré en Amazonie, où la végétation aspire d’énormes quantités d’air humide, ce qui modifie le sens des alizés. Tout ceci est remarquablement décrit dans le documentaire “Le mystère des rivières volantes d’Amazonie”, disponible ici : https://www.dailymotion.com/video/x8f9lp2

On y voit notamment @Anastasia Makarieva, co-autrice avec feu Victor Gorshkov de la théorie de la pompe biotique, et @Antonio Nobre, un chercheur brésilien qui étudie ce phénomène en Amazonie. Ce phénomène y est pour l’instant encore aisément observable, mais l’intense déforestation en cours risque d’y mettre fin.

L’impact à grande échelle des forêts sur le cycle de l’eau est également avéré pour le Bassin du Congo, en Afrique. Ce phénomène impacte également les dynamiques des pluies dans les vastes forêts sibériennes et en Asie du Sud.

L’application de cette théorie à l’Europe ne fait pourtant pas consensus, Cela pourrait être dû à la taille plus modeste des surfaces boisées, ce qui rendrait le phénomène moins palpable. Cependant, nous avons vu dans un précédent post que les forêts côtières des Landes et de Sologne ont un impact évident sur la formation des nuages et sur l’alimentation des pluies sous le vent. Pourquoi alors ces principes ne s’appliqueraient pas aux forêts côtières européennes ?

Ainsi, il est crucial d’envisager avec la plus extrême précaution toute altération supplémentaire des surfaces végétales, surtout côtières, en France. En effet, durant ces dernières décennies l’ouest de la France a attiré une population croissante. Les installations touristiques ont dévoré des hectares de forêts et d’espaces naturels tandis que les prairies, haies et systèmes bocagers ont été mis à mal par la modernisation de l’agriculture.

Tout ceci doit également être mis en regard avec l’altération de plus en plus prononcée du courant de vent Jet Stream et la multiplication associées des situations anticycloniques sur l’Europe de l’Ouest, ces situations rendant la survenue de canicules et de sécheresses inévitables.

Pour finir, cette vidéo, “The Full Water Cycle – How Trees and Water work together to create our climate”, décrit simplement comment la végétation crée sa propre pluie et hydrate les continents. Nous reviendrons dans un post dédié sur la manière dont les forêts et la végétation peuvent déclencher les pluies en libérant des spores hydrophiles.

🌳🌲 Quel est l’impact des forêts d’Europe occidentale sur la formation de la couverture nuageuse ? ☁️🌧

Pour contribuer à y répondre, l’étude “Observational evidence for cloud cover enhancement over western European forests” (https://www.nature.com/articles/ncomms14065) examine les cas des forêts de Sologne et des Landes. Ces territoires relativement plats ont été choisis car l’effet du relief n’y est pas prépondérant. Cela permet donc d’étudier la dynamique de formation des nuages sans devoir la pondérer avec les impacts de la topographie.

Cette étude se base sur une décennie d’observations spatiales à haute résolution et a été publiée en 2017 (https://www.nature.com/articles/ncomms14065).  Robert Vautard, désormais Co-Président du groupe 1 du GIEC, y a contribué, ainsi que 9 autres scientifiques européens. 

Cette étude démontre que la couverture nuageuse (période juin à août) est particulièrement importante dans ces zones forestières par rapport aux zones cultivées et urbaines adjacentes. Ajoutant même “Des preuves anecdotiques montrent que les forêts peuvent même agir comme une région source de convection profonde, intensifiant ainsi éventuellement le cycle hydrologique sur terre.

Dans le cas de la forêt des Landes, les observations font ressortir une importante diminution de la couverture nuageuse estivale suite au passage du cyclone Klaus, en 2009, qui a occasionné la chute de nombreux arbres, “suggérant un impact à long terme des extrêmes climatiques sur les écosystèmes forestiers et les interactions surface-atmosphère.

Cette dernière observation a un écho particulier alors que la forêt des Landes a été durement frappée par des incendies durant l’été 2022, et que les méga feux se succèdent à travers la planète, risquant de toujours plus détériorer la capacité de la biosphère à “fabriquer des nuages”.

Il apparaît donc critique de promouvoir au maximum une approche agricole basée sur l’agroforesterie, pour soutenir la capacité des sols à se protéger via l’ennuagement et une pluviométrie importante. Il faut aussi se demander si d’autres espaces agricoles ou urbains, tels que les prairies ou les villes éponge, peuvent jouer un rôle similaire et dans quelles proportions ?

Pour achever de se convaincre de l’importance de la végétation dans la dynamique des pluies à travers le monde, l’essentiel des précipitations d’Asie Centrale, de l’Ouzbékistan au Nord de la Chine et à la Sibérie, provient du recyclage de précipitations sur le continent eurasiatique et pas directement des océans. Plus de détails sont disponibles dans l’étude : https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1029/2010WR009127

Un paysage, c’est toujours mieux en 3D !

Au-delà de l’aspect visuel,  un paysage hétérogène permet de créer de l’ombre sur des surfaces végétalisées. Nous avions déjà évoqué l’ombre intermittente des Dogons.

Cela permet de condensent l’humidité de l’air ou pourrait-on dire, fabriquer de l’eau.

Comment ?

Dès que  la température de l’air est inférieure au point de rosée, les molécules d’eau gazeuses s’agglomèrent aux molécules d’eau liquide. L’ombre en permettant de gagner quelques degrés crée un point froid qui peut servir, si l’air est suffisamment chargé en humidité, de surface de déposition. Selon la plante, l’eau déposée sur les feuilles est ensuite absorbée directement puis drainée via les tubes du phloème sous forme d’exsudat racinaire (certains champignons, qui attendaient là quelque chose de plus sucré peuvent même faire accélérer le mouvement). Elle peut également simplement ruisseler jusqu’au sol par l’effet de la gravité.

Faire de l’ombre sur un sol couvert de végétation est important. Dans un paysage fortement stratifié, les plantes du dessus  évapotranspirent (par des stomates placées sous les feuilles) et  chargent l’atmosphère d’une eau que les plantes du dessous (à l’ombre) peuvent récupérer.

Le matériel végétal possède une inertie thermique moindre que celle du sol. Il  refroidit rapidement. Ainsi, Hervé Covès a pu constater qu’il est possible de condenser jusqu’à 3 mm de rosée par jour, y compris en période de canicule, dans un paysage stratifié, alors qu’il ne se passe rien dans une forêt au sol nu!

Comble du raffinement,  les plantes ont inventé un moyen d’accélérer l’initialisation du processus en dotant leurs feuilles de petites pointes de structures hydrophile (-OH). Ainsi, pas besoin d’attendre que les premières molécules trouvent une place ou s’accrocher. 

Et si c’était en coupant la végétation que l’on asséchait les forêts et le climat?

🌳🌱La végétalisation massive d’un territoire peut-elle en modifier le climat? 🌦️🌧️

Le cas du reverdissement massif du plateau de Loess, en Chine, se révèle instructif pour répondre à cette question. En effet, pour lutter contre l’érosion des sols, une zone d’une taille équivalente à la Belgique y a été massivement revégétalisée depuis les années 1980, sur la base d’une approche agroécologique (permaculture et agroforesterie). Les résultats y sont spectaculaires, tant en termes d’activité végétale que d’amélioration de la situation économique des paysans du territoire. Mais qu’en est-il en termes de pluviométrie, et donc de climat ?

Selon certaines études, l’accroissement de la surface végétalisée fait augmenter l’évapotranspiration dans la zone, et donc in fine la disponibilité en eau. Cette vision des choses se retrouve dans d’autres analyses consacrées aux liens entre végétation et eau. Selon cette approche, il ne faudrait pas trop favoriser la végétation, au risque d’assécher les cours d’eau d’un territoire.

Cependant, dans le cas du plateau de Loess, une étude récente “Revegetation Does Not Decrease Water Yield in the Loess Plateau of China” fait ressortir les points suivants:

  • L’apport en eau de surface ne diminue pas sur le plateau de Lœss après la revégétalisation.
  • L’augmentation plus rapide des précipitations régionales l’emporte sur l’évapotranspiration accrue.
  • La revégétalisation accélère le recyclage local de l’humidité et contribue à l’augmentation des précipitations.

Une autre étude “The role of ecosystem transpiration in creating alternate moisture regimes by influencing atmospheric moisture convergence” a été réalisée par Anastassia M. Makarieva (co-autrice de la théorie de la pompe biotique) et d’autres chercheurs. L’étude juge qu’”une fois qu’un stade plus humide est atteint, une végétation supplémentaire améliore la convergence de l’humidité atmosphérique et le rendement en eau.”
Dit autrement, la végétalisation massive d’un territoire peut conduire à en modifier sensiblement le climat, pour en améliorer la teneur en humidité.

Fort de ces constats, il apparaît que des politiques judicieuses de déploiement des techniques agroforestières et agroécologiques de grande ampleur permettraient de faire face aux processus de dessèchement en cours.

Le massacre des prairies

En nous basant sur le rapport de l’Agreste sur l’occupation du sol entre 1982 et 2018 (https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Dos2103/Dossiers%202021-3_TERUTI.pdf) nous avons pu constater que la France métropolitaine, malgré une augmentation des surfaces forestières, perd  450 terrains de foot ⚽ par jour de végétation pérenne depuis 40 ans ! Soit au total 4.12 million d’hectares ou 7.5% de la surface (et encore on a considéré au bénéfice du doute que “Autres sols artificiels” correspondait aux talus, parcs et jardins). 

On est loin de l’image d’un territoire en train de se renaturer. Les principales mutations qu’on observe sont l’artificialisation des terres et le retournement des prairies. 

Évolution en millions d’hectares des surfaces sans végétation pérenne : 

  • Champs : +2,69
  • Bâtit et revêtus : +1,26
  • Eau : +0,17

Évolution en millions d’hectares des surfaces avec végétation pérenne : 

  • Forêts : 1,39
  • Autres sols artificiels : 0,78
  • Vignes / Vergers : -0,42
  • Landes : -0,57
  • Haies : -0,69
  • Prairies  : -4,61

Ce qu’on comprend au travers cette étude, c’est que s’il est essentiel de  protéger les terres agricoles 🚜 de la prédation des villes 🏢, il faudrait aussi protéger les prairies 🐑 🐄 du retournement 🚜. Car des plantes annuelles qui fonctionnent quelques mois de l’année comme le blé, le maïs, la betterave ou le tournesol ne remplacent pas un mélange de plantes pérenne du point de vue des services écosystémiques. 

Cette illustration issure du site https://dyckarboretum.org/ nous montre la puissance des plantes prairiales (le gazon est tout à gauche) 

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