Initiative de réappropriation climatique

Catégorie : Climat Page 1 of 3

Cultures bioénergétiques et recyclage de l’eau dans l’atmosphère

Les plantes pérennes cultivées à des fins de bioénergie peuvent rapporter autant d’eau qu’elles en consomment !

Une étude menée par des chercheurs français et chinois, parmi lesquels Philippe Ciais, et publiée en 2023 dans la revue Nature, met en lumière l’existence d’un phénomène de rétroaction climatique en lien avec certaines cultures bioénergétiques.

Promue notamment par le GIEC, la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS) remplit en théorie une double fonction d’élimination du CO2 et d’approvisionnement en bioénergie. Sans porter de jugement sur cette technologie, ce qui nous intéresse ici est qu’elle repose sur la culture de plantes pérennes, arbres ou herbacées, et pas sur des plantes annuelles.

Si leur irrigation implique une certaine consommation d’eau, ces plantes pérennes la redistribuent abondamment, en la drainant dans le sol par les racines et en l“évapotranspirant dans l’atmosphère. La plantation massive de ce type de végétaux pourrait donc avoir un impact direct sur le cycle global de l’eau. L’étude aborde frontalement cette problématique en proposant un modèle pour prédire les effets que pourrait générer le déploiement à grande échelle de la technologie BECCS.

En l’occurrence, les chercheurs ont tenté d’obtenir des « représentations explicites » des impacts sur le cycle de l’eau de deux types distincts de monocultures bioénergétiques : d’une part des plantes ligneuses à forte transpiration (eucalyptus) et d’autre part des plantes herbacées à plus faible transpiration (panic raide ou switchgrass).

Dans les deux cas, les résultats obtenus indiquent un effet positif sur le recyclage de l’eau dans l’atmosphère. Les simulations réalisées dans le cadre de cette étude montrent en effet que « les précipitations terrestres mondiales augmentent dans les scénarios BECCS, en raison de l’évapotranspiration accrue et de l’advection (déplacement horizontal) d’humidité intérieure ».

Les auteurs concluent que « l’augmentation des précipitations terrestres à l’échelle mondiale, due aux rétroactions atmosphériques des cultures bioénergétiques à grande échelle, pourrait compenser partiellement la consommation d’eau de ces cultures bioénergétiques pluviales à l’échelle mondiale » et recommandent « une évaluation plus complète, incluant les effets biophysiques de la culture de la bioénergie ».

Cette étude illustre en tout cas de manière éclatante le rôle crucial joué par les espèces végétales dans le cycle de l’eau. Loin d’être négligeable, ce dernier est tout simplement moteur dans le recyclage des ressources hydriques à l’échelle de la planète. Ce constat est un argument de plus en faveur des projets d’intensification végétale, comme celui que nous promouvons entre les Pyrénées et le Massif Central. 

Un grand merci à Philippe Ciais pour nous avoir orienté vers ces travaux !

Les méthodes agricoles en milieu semi-désertique

🌱Comment cultiver en territoire semi-désertique 🏜️ et sensiblement diminuer le risque d’inondations en cas d’épisodes pluvieux extrêmes ? ☔

L’étude Exploring the Potential of Soil and Water Conservation Measures for Climate Resilience in Burkina Faso, qui analyse la situation en milieu Sahélien, revient sur des principes qui devraient être adoptés dès maintenant dans un pourtour méditerranéen en cours d’aridification.

Parue en 2024, cette étude est le fruit d’une collaboration entre scientifiques burkinabés et japonais, dont Carine Naba. Ils ont utilisé des données nationales, la télédétection et des outils SIG pour évaluer l’adoption des mesures de conservation des sols et des eaux (“Soil and water conservation measures (SWCMs)” dans l’étude) et leur potentiel de résilience climatique.

Les techniques étudiées sont traditionnelles au Sahel : demi-lunes, cordons pierreux, zaïs, diguettes filtrantes, bandes enherbées et boulis.

Les résultats de l’étude sont notamment :

  • Une augmentation notable de la végétation dans les provinces à forte prévalence de pratiques de conservation des sols et des eaux. Cet essor interpelle alors que la désertification menace les pays du Sahel. Il est possible de lutter efficacement contre ce risque.
  • Le déploiement de ces techniques entraîne une réduction considérable du ruissellement. Ainsi, les références bibliographiques de l’étude font état de réduction du volume de ruissellement de l’ordre de “70% au niveau du champ et de 8% au niveau du bassin en cas d’événements pluvieux extrêmes”.
  • Plus les terres sont dégradées, plus les agriculteurs sont susceptibles d’adopter ces pratiques (seuil évalué à partir de 60% de dégradation des terres). Cela pose la question de l’adoption des pratiques agroécologiques, qui dépend encore malheureusement de l’état de dégradation des terres. L’adage “mieux vaut prévenir que guérir” prend tout son sens, tant en Afrique qu’en Europe.

On le voit, des ajustements agronomiques relativement mineurs peuvent permettre une atténuation sensible d’aléas climatiques de plus en plus extrêmes. Nous pensons qu’il ne faut pas attendre que la situation se dégrade pour réagir. C’est pourquoi nous prônons un déploiement rapide de ces techniques en contexte méditerranéen. Les tragiques inondations d’octobre 2024 en Espagne ne peuvent qu’accréditer cette thèse.

Il est temps d’adapter nos territoires et les exploitations agricoles qui les maillent. Ces mesures de conservation des sols et des eaux s’apparentent à l’approche de l’hydrologie régénérative en plein essor en France, que complète efficacement l’agroforesterie. L’agriculture de conservation des sols, l’agriculture biologique de conservation des sols et l’agriculture régénérative sont d’autres méthodes à déployer massivement pour renforcer notre robustesse, concept stratégique que diffuse Olivier Hamant.

Les bioaérosols et la pluie

🦠🍄🌧️ Connaissez-vous les bactéries déclencheuses de pluie ? 🌧️🍄🦠

L’image provient d’une « rencontre avec Pierre Amato« 

Les interactions entre les composés organiques volatiles émis par les plantes et les arbres et l’ennuagement et le déclenchement des pluies sont de mieux en mieux documentées.

Les nuages se forment lorsque des gouttelettes d’eau se condensent autour de minuscules particules, les noyaux de condensation. Les arbres et végétaux émettent dans l’air des sesquiterpènes et des spores qui agissent comme noyaux de condensation. Ils permettent donc aux gouttelettes d’eau de se former et grossir, avant de précipiter.

Les bioaérosols sont importants pour la formation des nuages. En effet, les émissions de soufre et d’autres substances polluantes diminuent, ce qui est positif.Toutefois, elles sont un vecteur d’ennuagement. Une meilleure compréhension du rôle des agents organiques d’ensemencement est donc essentielle pour affiner les modèles climatiques et soutenir le régime des pluies. A contrario, les fragments de certains pollens (ambroisie et ivraie) conduisent à la formation d’un type de nuage ne produisant pas de pluies.

Parmi les promoteurs de l’agroécologie et des solutions fondées sur la nature, le lien entre végétation, composés organiques volatiles et pluie est notamment connu grâce aux travaux de Cindy Morris, directrice de Recherche à l’INRAE [1], [2], autour de la bactérie pseudomonas syringae. Ce “chancre bactérien” infecte arbres et plantes. En étudiant ses effets pathogènes, la chercheuse s’est aperçue de son importance dans le déclenchement des pluies et donc sur le cycle de l’eau.

En effet, cette bactérie a une propriété glaçogène. En été, elle catalyse la pluie malgré une température élevée, et provoque donc des précipitations. Cette bactérie abaisse le point de nucléation, donc l’altitude à laquelle l’eau à besoin de monter pour refroidir et précipiter, de façon très significative. Cindy Morris parle de “plancton aérien”.

Pour décrire ce phénomène, le terme de “bioprécipitation” a été inventé dans les années 1980. Les physiciens étaient initialement hostiles à cette approche, mais le facteur biologique est désormais accepté, même s’il est insuffisamment pris en compte.

Actuellement, la présence de cette bactérie dans l’eau est étudiée. Cindy Morris participe également à l’évaluation de la dissémination de la bactérie à longue distance. Toutefois, il est compliqué de quantifier la quantité de particules microbiennes dans les flux d’air. 

Malgré les difficultés pour prendre en compte ces facteurs dans l’aménagement du territoire et du paysage, c’est un axe très prometteur. L’aménagement du territoire, et les choix végétaux liés, ont des impacts climatiques bien plus importants que ce qui est communément admis. Il est temps de porter ce sujet dans la sphère publique, afin que tout aménagement territorial, grand ou petit, prenne en compte ces impacts climatiques.

Enfin, l’éradication de ce chancre bactérien, pour préserver les cultures, pourrait diminuer la pluviométrie.

Maïs et climat aux USA

🌽Comment la culture du maïs à changé le climat de la Corn Belt ?🌦️

Une étude publiée dans Geophysical Research Letters révèle que l’intensification de l’agriculture dans le centre des États-Unis au cours du XXe siècle a entraîné, durant la période estivale, une baisse des températures et une augmentation des précipitations, en contradiction avec la tendance mondiale au réchauffement climatique.

L’étude, dirigée par des scientifiques de l’université de l’Iowa et du National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), a analysé des données climatiques et agricoles sur une période de 100 ans. La région étudiée, la Corn Belt, correspond aux États américains du Midwest (Iowa, Illinois et Wisconsin, entre autres).

Les résultats indiquent que l’intensification agricole (qui comprend, hélas, l’augmentation de l’utilisation d’engrais et de pesticides) a modifié les échanges d’énergie entre la surface terrestre et l’atmosphère, conduisant à un refroidissement estival régional.

Cette découverte met en lumière l’impact de l’agriculture sur le climat régional. Les pratiques agricoles peuvent avoir des effets complexes et parfois contre-intuitifs. Entre 1950 à 2010, la quantité de maïs récoltée chaque année dans la Corn Belt a augmenté de 400 %, alors que cette plante présente de très importantes capacités d’évapotranspiration estivale.

Malheureusement, cette tendance climatique positive résulte d’une approche basée sur l’intensification technologique et l’usage d’intrants, qui n’est ni soutenable ni souhaitable. Elle a eu pour corollaire une intensification de l’irrigation et une inflation de l’usage de pesticides et surtout la perte d’un tiers de couches de surface riche en carbone et des problèmes de pollution de l’eau aux nitrates. Il faut donc rester prudent sur ces résultats qui peuvent masquer d’autres impacts délétères.

Et une autre étude sur cette thématique, alerte : “si la croissance de la production de maïs et de soja devait stagner, la capacité de la rétroaction culture-climat à masquer le réchauffement s’atténuerait, exposant les cultures américaines à des températures extrêmes plus nocives.”

Vous l’aurez compris, au travers de cet exemple nous ne cherchons pas à faire la promotion de pratiques culturales intensives, mais bien de mettre en avant l’interaction entre cultures agricoles et climat.

En outre, le maïs, pour beaucoup devenu le symbole d’une agriculture intensive et des élevages hors sol, reste une plante aux capacités de mycorhization et de photosynthèse (plante dite C4) extraordinaires.

Ainsi, la culture associée des “trois sœurs” (maïs, haricot et courge) ou milpa, est un mode de culture associé propre aux peuples amérindiens, qui peut, par sa stratification, rappeler l’agriculture syntropique. Décidément, nous n’avons pas fini d’apprendre des jardins américains.

N’est-il pas temps d’examiner sérieusement les possibilités offertes par l’agroforesterie et l’agriculture syntropique pour nos territoires ?

Atténuation du réchauffement climatique grâce au verdissement

🗺️🌳🌡️Connaissez-vous le pouvoir des plantes pour atténuer le réchauffement climatique ? Depuis 1982, les continents ont connu un verdissement qui a contenu la hausse des températures.

L’illustration vient de cette étude

L’étude Climate mitigation from vegetation biophysical feedbacks during the past three decades, 2017, menée par une équipe internationale, se base sur “l’augmentation lente mais persistante de l’indice de surface foliaire (LAI) observée au cours des 30 dernières années” pour en analyser les conséquences. Et cette végétalisation aurait ralenti  “l’augmentation de la température de l’air à la surface de la planète de 0,09 ± 0,02 °C depuis 1982”.

Les résultats régionaux varient en fonction de l’augmentation de l’indice de surface foliaire. Et “la somme des rétroactions biophysiques liées au verdissement de la Terre a atténué 12 % du #réchauffement”. Ce processus a donc masqué partiellement la dérive climatique sans faire la une des journaux. Malgré l’accélération du réchauffement et les sécheresses croissantes, cette tendance se poursuit après 2017. On ne note pas de tendance globale au brunissement de la végétation, qui, pour l’instant, ne dépérit donc pas.

Le verdissement planétaire s’explique surtout par l’augmentation de la quantité de CO2 dans l’air, qui booste les plantes, et par l’intensification agricole. Cette tendance ne doit donc pas éclipser les enjeux actuels. La culture de plantes pérennes doit être encouragée. Et la photosynthèse doit être fermement promue, tant la marge de progression est importante et les pelouses synthétiques rebutantes. L’artificialisation des sols est un contresens et l’agroécologie est l’avenir.

D’après différentes études, l’Inde et la Chine contribuent fortement au verdissement mondial. L’intensification agricole en serait le principal facteur explicatif. Les chercheurs chinois sont en pointe dans l’étude du verdissement. Cela s’explique par l’ampleur des projets mis en œuvre, tels le spectaculaire verdissement du plateau de Loess. La volonté de maximiser les réussites en la matière et le grand nombre de chercheurs expliquent également ce tropisme chinois.

Il apparaît de plus en plus clairement que l’aménagement du territoire, en l’occurrence agricole, ne peut être pensé uniquement “à la parcelle”. Les choix d’implantation de cultures ont un impact sur le climat régional. Ainsi, partant du constat d’un impact de refroidissement plus fort en Inde et en Chine qu’en Europe, malgré un verdissement également observé, une étude incite les décideurs politiques à changer d’approche:  “les résultats contrastés suggèrent l’importance de prioriser la géolocalisation des projets écologiques pour obtenir le maximum de bénéfice climatique.”

L’agroécologie et l’agroforesterie, déployées de manière systémique, ne sont-elles pas des solutions d’avenir ?

L’importance des services écosystèmiques fournis par les mangroves

🌴🌊🌴Énième constat alarmant, les écosystèmes de 50% des mangroves menacent de s’effondrer : “en l’absence d’amélioration significative d’ici 2050, le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer entraîneront […] la perte de 1,8 milliard de tonnes de carbone stocké dans les mangroves.” L’alerte provient d’une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 🌴🌊🌴

L’image provient d’ici

Les services écosystémiques qu’offrent les mangroves sont probablement sous-estimés. Généralement, leurs capacités de stockage du carbone, leur rôle pour la pêche et leurs capacités d’atténuation des vagues violentes et des inondations sont mises en avant. Les mangroves pourraient également réduire la concentration en nitrates apportés par les eaux usées (selon une autre étude de l’UICN).

La notion de carbone bleu est utilisée pour décrire la séquestration du carbone par les mangroves, les marais côtiers et les herbiers marins. D’après l’étude Blue carbon as a natural climate solution de 2021, la restauration de ces écosystèmes permettrait la captation d’environ 3% des émissions annuelles mondiales de CO2 (base 2019-2020). L’enjeu est donc loin d’être anodin.

En outre, l’étude Mangroves provide blue carbon ecological value at a low freshwater cost permet de comprendre certains mécanismes liant mangroves et eau douce. Ce papier de 2022 démontre la très faible utilisation d’eau douce des espèces végétales des mangroves (communément désignées sous le terme de “palétuvier”).

Mais les mangroves et autres zones humides côtières pourvoient également de l’eau douce. En effet, elles filtrent l’eau de mer pour leurs besoins hydriques. Ce faisant, malgré une évapotranspiration moindre que les écosystèmes forestiers classiques, une partie de l’eau que cette végétation transpire s’intègre au recyclage des pluies. Le cycle de l’eau est donc alimenté par ces zones humides qui dessalent l’eau de mer à peu de frais.

Un louable projet tente d’imiter le fonctionnement des mangroves pour le dessalement de l’eau de mer, comme le mentionne cet article. Le but n’est pas de jeter l’opprobre sur ce projet basé sur le biomimétisme. Bien au contraire, des innovations sont nécessaires pour faire face aux situations de stress hydrique intense. Toutefois, ce projet dépend de la technologie et d’ingénieurs.

Ce sont plutôt les solutions fondées sur la nature qui doivent être développées massivement, pour éviter de recourir à des solutions palliatives, coûteuses et dépendantes de la disponibilité en composants électroniques.

A la manière d’autoroutes de la pluie, le soutien de ces”catalyseurs de pluies” devrait être massivement soutenu.

Enfin, alors que le trait de côte a connu une érosion record cet hiver en Nouvelle-Aquitaine (20 mètres de recul à Soulac), il est critique de se pencher sur l’opportunité de rendre certains espaces littoraux à la végétation, tant pour la beauté de la nature que pour la sécurité des riverains.

L’impact climatique du mode d’occupation des sols

Bon nombre de recherches démontrent que les modes d’occupation des sols impactent fortement le climat. Malgré que ce constat soit progressivement compris, il tarde à infuser dans les politiques d’aménagement du territoire. On peut ainsi se demander pourquoi une approche systémique n’est pas adoptée pour maximiser l’impact d’une gestion vertueuse des sols.

L’étude Land use still matters after deforestation, publiée en 2023 par des chercheurs, majoritairement brésiliens, décrypte les impacts de la déforestation et des modes d’usages des sols en Amazonie et dans le Cerrado. L’étude porte sur le Brésil mais, les mêmes causes engendrant les mêmes effets, on se doit d’évaluer avec attention ces impacts en Europe occidentale. L’étude se concentre sur l’évaluation de l’utilisation des zones déboisées depuis les années 1970, alors que la surface de culture de soja, par exemple, y a décuplé entre 2000 et 2019. 

🌡️Il en ressort que la conversion de forêts en terres agricoles (légumineuses et céréales), cultivées de manière conventionnelle, peut entraîner une augmentation de la température de surface trois fois plus élevée que la conversion en pâturages.

🌥️ Cela est dû au fait que la gestion intensive des terres réduit la transpiration des plantes et provoque des changements dans l’équilibre énergétique de la surface. Ceci est clairement représenté dans l’illustration du post, où certains sols de cultures céréalières atteignent 55° c.

☀️En outre, l’expansion des terres cultivées et la création de grandes zones déboisées continues peuvent réduire considérablement les précipitations, par la perturbation du cycle de l’eau. La limite de déboisement pour ne pas enclencher ce cycle est estimée à 10 km2.

Les auteurs recommandent l’adoption de l’agroforesterie et de l’agriculture syntropique pour cultiver les zones défrichées. Plus généralement, la stratification des écosystèmes et l’introduction de l’arbre dans le système agricole sont plébiscités.

La mention de la syntropie fait écho à notre série de posts sur cette approche particulièrement adaptée aux enjeux du dérèglement climatique et de l’érosion brutale de la biodiversité ( voir [3, 4 et 5]). L’agroécologie atténuerait sensiblement les impacts de la déforestation.

Les auteurs préconisent également de travailler étroitement avec le secteur agricole, “et non contre lui. Il est peu probable que le fait de pointer du doigt aboutisse à des progrès.  Cette étude est donc particulièrement d’actualité, tant les débats sur la question agricole sont polarisés.

Le projet de l’Autoroute de la Pluie s’inscrit dans une perspective similaire. N’est-il pas urgent de réintroduire de la stratification dans nos systèmes agricoles, tout particulièrement céréaliers ? Pour cela, notre collectif œuvre à la construction d’un corridor agroforestier dans le Lauragais. Nous avons besoin de toutes les énergies pour le faire advenir et pour replacer la photosynthèse au cœur de nos psychés.

Les cultures bioénergétiques pourraient refroidir le climat mondial

🌿🌳 Le développement massif des cultures de plantes pérennes permettrait de refroidir sensiblement le climat mondial 🌦️🌧️

L’étude Global cooling induced by biophysical effects of bioenergy crop cultivation, parue en 2021, évalue l’impact climatique des cultures bioénergétiques (ou “Bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone”). Elle a été réalisée par une équipe de dix chercheurs issus d’universités prestigieuses, dont le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement de Paris Saclay, l’Institut Pierre-Simon Laplace et des universités chinoises.

Précisions que la généralisation de cultures dédiées aux biocarburants ne nous paraît pas souhaitable, tant ceux-ci s’inscrivent dans la fuite en avant qui caractérise certains acteurs pour faire face à la profonde crise écologique. Tout l’intérêt de l’étude réside dans l’analyse de l’impact de l’extension de cultures de plantes pérennes, dont les racines sont préservées.

Les chercheurs ont produit cinq scénarios, sur 50 ans, pour des cultures étendues sur 466 millions d’hectares (sur environ 5 milliards d’hectares agricoles dans le monde) répartis entre 38 ° S et 60 ° N. Les effets du développement de quatre types de culture ont été simulés. Les cultures ligneuses (eucalyptus et peuplier/saule) ont un effet rafraîchissant plus fort que les cultures herbacées (miscanthus et switchgrass, ou millet vivace), car elles libèrent plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère et ont une résistance aérodynamique plus faible.

Selon les scénarios, les impacts sur la température varient de -0,08 °C à +0,05 °C (ce chiffre résulterait du remplacement de forêts par du millet vivace). En plus d’affecter la température locale, les cultures bioénergétiques pourraient également influencer la température dans des zones éloignées grâce à la circulation atmosphérique. Ainsi, les effets pourraient être localement contrastés. Les chercheurs appellent à de nouvelles études pour estimer les effets biophysiques du développement de telles cultures.

Malgré la grande qualité de l’étude, il nous semble qu’un élément décisif n’est pas modélisé : l’impact de racines pérennes pour la situation hydrique et leurs répercussions climatiques. En effet, l’étude se base sur un modèle physique atmosphère-terre-océan-glace de mer (avec l’impact du cycle du carbone et de la chimie stratosphérique). Les interactions entre plantes et climat sont nombreuses et les bénéfices d’un redéploiement massif des plantes pérennes pourraient excéder ceux envisagés ici. 

L’autoroute de la pluie s’attelle à la fois à favoriser le déploiement de corridors d’humidité par le secteur agricole et à rendre désirable la généralisation de cultures de plantes pérennes, partout, tout le temps. Pour ce faire, l’agroécologie et l’agroforesterie sont des vecteurs cruciaux. En plus d’avoir des impacts bénéfiques sur le climat, la biodiversité et la résilience des exploitations agricoles, ils ont le mérite d’embellir grandement nos paysages.

La forêt méditerranéenne originelle n’est pas une garrigue

🌳 La garrigue, les pins et les chênes verts ne constituent pas la végétation méditerranéenne originelle. 🌳

L’image provient de: https://provence-alpes-cotedazur.com/que-faire/circuits/visite-massif-de-la-sainte-baume/

L’état de la forêt méditerranéenne fait débat. Ainsi, les historiens ne s’accordent pas pour quantifier l’impact de l’exploitation forestière durant l’antiquité.

L’excellent épisode “La terre s’est tue”, de l’émission LSD sur @France Culture, diffusée le 4 mars 2023, permet d’y voir plus clair grâce à deux des intervenants : Claire Delhon, archéobotaniste, et Jean-Paul Demoule, archéologue. En préambule, la notion “d’amnésie environnementale” est développée, signalant que les paysages européens qui nous semblent naturels ont tous été anthropisés.

On y apprend ensuite que des humains maîtrisant l’agriculture ont progressivement colonisé le sud de l’Europe, leurs pratiques agricoles transformant radicalement les paysages. Ils ont amené des ovins, domestiqués en territoires steppiques et consommé du bois. L’introduction de ces pratiques a transformé des forêts de feuillus en garrigues. En effet, les feuillus ne repoussaient pas assez vite après les coupes et le passage de troupeaux, laissant le champ libre à des espèces végétales plus appétentes pour le bétail, associées aux garrigues et aux chênes verts, qui eux font rapidement des rejets.

Les archéologues documentent cela via l’analyse de charbons de bois (anthracologie) trouvés sur les premiers sites d’installation néolithique. La prépondérance des feuillus est attestée pour tout le pourtour nord méditerranéen avant que la transition vers une végétation de garrigue se fasse au milieu du Néolithique.

Claire Delhon présente ensuite l’exemple de la forêt de la Sainte-Baume, à une trentaine de km de Marseille. On y trouve des feuillus, dont des hêtres dès 500 mètres d’altitude, alors qu’ils ne sont censés pousser qu’en haute montagne à cette latitude. Cet écosystème bénéficie avec le massif de la Sainte-Baume d’un barrage aux influences méditerranéennes. L’état de cette forêt s’explique aussi  par son caractère sacré, conservé à travers les siècles. Elle est d’ailleurs actuellement en réserve dirigée. Cette forêt bénéficie d’une litière épaisse et d’humus, le sol reste donc frais et humide. Elle garde ainsi son micro-climat forestier.

Néanmoins, cette forêt constitue un écosystème de feuillus fonctionnel, avec de nombreuses  jeunes pousses, notamment de hêtres, pourtant menacés par le changement climatique.Et cette forêt bénéficie d’une pluviométrie annuelle moyenne de 1.000 mm quand Marseille en reçoit la moitié. Ceci invite à repenser profondément l’aménagement du territoire.

Il n’est donc ni vain ni illusoire d’espérer inverser la tendance à l’aridification de la Méditerranée. Mais cela nécessite des efforts massifs, coordonnés et transfrontaliers. Nul doute que les citoyens seraient particulièrement enthousiasmés par la perspective d’un retour de forêts méditerranéennes denses et fonctionnelles. Des pistes complémentaires existent (voir notre article sur Jean Pain).

Reboisement et refroidissement climatique aux USA

🌳🌲 Et si le reboisement à grande échelle permettait de contenir les effets du réchauffement climatique ?☁️🌦️

Une étude parue en février 2024 démontre comment le reboisement d’une partie de l’Est des Etats-Unis a permis d’y ralentir le réchauffement climatique. Intitulée “A Century of Reforestation Reduced Anthropogenic Warming in the Eastern United States”, cette étude a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire. L’étude visait à comprendre l’anomalie constatée dans cette zone, qui n’a pas connu les mêmes dynamiques de réchauffement que le reste des Etats-Unis. 

En effet, l’Est des Etats-Unis avait été marqué par un intense déboisement dès le début de la colonisation. Les pertes de forêts avaient ainsi atteint jusqu’à 90% dans certaines zones. La tendance à ensuite commencé à s’inverser à partir des années 1930. Cette inversion s’expliquait, entre autres, par l’abandon de terres agricoles et le développement de l’industrie sylvicole.

Les chercheurs se sont appuyés sur de nouvelles approches multi-échelles et de multiples sources de données indépendantes. D’après les observations au sol et des données satellites, ces forêts replantées contribuent à un refroidissement de la surface terrestre de 1 à 2°c. L’impact de refroidissement le plus important provient des forêts relativement jeunes, entre 20 et 40 ans.

Ces travaux indiquent que le reboisement a contribué au rythme historiquement lent du réchauffement dans l’Est des Etats-Unis, soulignant le potentiel du reboisement en tant que stratégie locale d’adaptation en région tempérée.

Lorsqu’il s’agit de discuter la mise en œuvre de cette approche comme “solution fondée sur la nature”, les auteurs restent tout de même prudents, ils signalent les risques de modification de l’albédo, pour les zones boréales et de l’augmentation des risques d’incendie. Ils recommandent d’effectuer des études approfondies avant de déployer le reboisement dans une zone donnée.

Les auteurs concluent : “les résultats démontrent que le reboisement a un effet de refroidissement constant sur les températures de surface et de l’air, en particulier au milieu de l’été, lorsque les températures élevées peuvent être les plus nocives. Ces résultats soulignent le potentiel du reboisement pour apporter des avantages locaux en matière d’adaptation au climat dans les régions tempérées.”

On le voit, la nature offre des perspectives particulièrement efficaces pour faire face au réchauffement climatique. Notre ambition, avec l’autoroute de la pluie, est bien de fournir de l’ombrage, de faire circuler les flux d’humidité, mais aussi de remplacer une partie de la production de bois traditionnelle par du bois agricole, issu de vastes réseaux agroforestiers. Ce dernier point permettrait d’atténuer la pression sur les forêts existantes en France, et notamment de proscrire les coupes rases (voir à ce sujet l’article sur leur impact climatique).

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