
Nous avons vu dans le précédent post comment l’activité du vivant impacte la répartition des différents isotopes. Il existe dans notre environnement d’autres traces du vivant bien moins ténues.
La première qui vient à l’esprit est le stock d’hydrocarbures dont nous sommes si friands. Il est issu de matière organique fossilisée, en particulier les grandes forêts du carbonifère. Le vivant est aussi à l’origine de la formation de certaines roches.
En effet, si dans son « Histoire secrète des cailloux » [0], le géologue Patrick de Wever qualifie les falaises d’Étretat “de tas de merde”, ce n’est pas pour juger de la valeur de cet édifice naturel somptueux, mais bien pour signaler, au sens propre, que c’est la digestion par des crustacés (les décapodes) de microalgues (les coccolites) qui est à l’origine de cette concrétion. Les parties minérales des algues, non digérées, s’accumulent dans les pelotes fécales et finissent par former ces massifs imposants. La majorité des roches calcaires actuelles sont ainsi issues de la synthèse d’éléments durs par des êtres vivants (os, coquilles, coraux …). On parle de roches biogènes.
Un déchet de la formation de carbonate de calcium est le dioxygène. La couche d’ozone, et plus généralement l’oxygénation de l’atmosphère, est liée elle aussi à l’activité photosynthétique des cyanobactéries qui, il y a 2.5 milliard d’années (sur cette datation voir cette étude) a déclenché la grande oxygénation.
Le minerai de fer est également d’origine bactérienne Ce sont encore des cyanobactéries qui en l’absence de lumière ont utilisé des ions ferreux comme donneurs d’électrons, permettant la création d’hydroxyde de fer qui est à l’origine des formations ferrifères rubanées (BIF).
Dans un article de 2016 intitulé “l’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes”, les auteurs décrivent comment la longue fréquentation des caverne par des colonies parfois gigantesque de chauves-souris peut engendrer “un remaniement des parois allant d’un simple rabotage centimétrique jusqu’à des ablations métriques”. Il mentionne aussi l’exploitation du guano fossilisé comme engrais phosphaté. D’ailleurs toutes les roches phosphatées sont également des roches biogènes. C’est l’accumulation de matière organique, dans des conditions particulières de température et de pression, qui permet la formation de ces roches. Le phosphate est concentré car il est un composant essentiel du vivant.
Cette série d’exemples doit nous amener à ne plus considérer la géologie comme quelque chose qui évolue à côté du vivant. Le vivant est indissociable de l’identité et de l’hospitalité de notre planète dans tous ses aspects.
