L'Autoroute de la pluie

Initiative de réappropriation climatique

La mare, l’oubliée de la simplification des paysages

🏞️Nous entendons à juste titre beaucoup parler de la perte des haies et du bocage. Toutefois, réalise-t-on l’importance du déclin des mares qui ont longtemps maillé nos territoires agricoles ? 🐸

Car c’est un fait : les mares sont en voie de disparition. Ainsi, “de nombreux pays industrialisés ont perdu de 50 à 90 % de leurs mares, directement en relation avec l’aménagement du territoire”. En France, “entre 30 et 40 % des mares ont disparu depuis 1950 en France et leur effectif est dix fois moins élevé qu’au début du siècle dernier. De plus, l’immense majorité des mares restantes est abandonnée” [étude de 2013]. En outre, “on estime qu’il y aurait sur Terre 3 milliards de mares de 100 à 1000 m², soit une surface de 0.8 milliards de km² ou 20 mares par km² […]. Les mares agricoles, à elles seules, représenteraient 77.000 km² à l’échelle mondiale” (selon cette étude).

Peu de sources récentes sont aisément accessibles pour évaluer la tendance depuis 2013. Et ce sujet est oublié des rares médias qui accordent encore une place aux questions de climat, de biodiversité et d’agroécologie.

Pourtant, les bénéfices des mares et milieux apparentés sont énormes :

🟢 Ce milieu présente les meilleures capacités de stockage de CO2. En volume, les zones humides stockent plus de CO2 que les sédiments océaniques pour une surface bien plus restreinte. Et les petites zones humides stockent davantage que les grandes par unité de surface [2].

🟢Ce milieu facilite grandement la gestion du trop plein et du manque d’eau

▶️une mare retient l’eau et recharge les aquifères

▶️ elle constitue également une réserve pour le bétail, les maraîchers, voir les céréaliers

🟢Une mare filtre l’eau grâce aux plantes qu’elle abrite

🟢Une mare a un rôle pivot pour la biodiversité, et renforce les corridors existants

🟢L’importance économique des mares n’est pas quantifiée à notre connaissance, mais elle est énorme tant ces services écosystémiques sont essentiels.

Le sujet de la mare, entendu comme un système de stockage des excès de pluie en période hivernale, se pose avec une acuité grandissante. Selon les projections climatiques, en France les périodes de sécheresses seront plus fréquentes et plus longues. Il sera alors opportun de disposer de stockages. Stocker l’eau ne doit pas être un tabou, à condition de ne pas multiplier des méga bassines privatisant la ressource.

En plus de réhabiliter les mares abandonnées, une voie médiane et réaliste serait donc de favoriser l’implantation d’un maillage important de noues et keylines et de fermer certains fossés.

En outre, toujours selon les projections, le Nord de la France sera particulièrement arrosé. Il faudra alors faire face à des cumuls de précipitations très importants, la période octobre 2023-octobre 2024 étant un avant-goût.

Avant de restaurer toutes les zones humides drainées frénétiquement, la réinstallation de mares apparaît comme un horizon atteignable à moyen terme.

#CO2 #biodiversité #zoneshumides

Zaï et lutte contre la désertification au Niger

⚒️🏜️Suite sur la lutte contre la désertification au Sahel – Comment le zaï permet la régénération massive d’écosystèmes dégradés au Niger ? 🌱🌴

Ces images sont issue de la vidéo d’Andrew Millison

Une vidéo d’Andrew Millison, publiée en novembre 2024, est particulièrement motivante. Cet enseignant en permaculture est un vidéaste populaire sur Youtube avec plus de 500.000 abonnés. Cela lui permet de diffuser massivement les bonnes nouvelles de la planète, car il y en a encore !

La vidéo au cœur de ce post concerne la restauration de 300.000 hectares au Niger, en dix ans. Les résultats sont parlants, comme en témoigne l’illustration du post, issue de la vidéo. Pour restaurer ces terres arides et désolées, une myriade de demie-unes ont été creusées par les paysans nigériens. Le déploiement de ces mesures de conservation des sols et des eaux [voir post sur le Burkina Faso, 2] a permis à la végétation de pousser et aux arbres de s’épanouir.

Selon les gestionnaires du projet, la restauration d’un hectare profite au total à 3 hectares, grâce notamment à la protection contre les effets des vents venus du désert. Ils estiment donc que 900.000 hectares en bénéficient. Les bénéficiaires de ce projet font état d’une température de 5 à 9 degrés inférieure dans les zones restaurées par rapport aux terres arides avoisinantes. L’agroforesterie est décidément une mesure de remédiation climatique très efficace.

La vidéo se concentre sur une zone de 800 hectares de ce projet nigérien. Le déploiement de ces méthodes traditionnelles de gestion de l’eau aurait déjà permis aux aquifères, jusque-là menacés d’épuisement, de recommencer à se remplir. Enfin, sur l’ensemble du projet au Niger, 500.000 personnes auraient été “mises en sécurité alimentaire” grâce à la régénération de ces terres agricoles.

Ce projet s’insère dans la démarche plus large, et titanesque, de Grande Muraille Verte en Afrique subsaharienne, qui vise à freiner voire à inverser la désertification de 11 pays du Sahel. Cette muraille doit relier Dakar (Sénégal) à Djibouti et porte sur 117.000 km 2 (11,7 millions d’hectares).

Nous explorerons plus en détail les impacts déjà constatés de la Grande Muraille Verte dans de futurs posts.

Si Andrew Millison est parfois un peu trop enthousiaste, sa capacité à rayonner sur les réseaux en fait définitivement un porte-parole du mouvement de promotion de l’agroécologie. Ses vidéos sont réalisées avec soin, ce qui permet au message de rayonner au-delà du cercle des convaincus.

Car pour déployer d’ambitieux projets basés sur l’intensification agroécologique, toutes les forces vives seront nécessaires. C’est ce à quoi s’attelle notre collectif !

Agroforesterie d’urgence et désert

🌴🚨 Déployer une agroforesterie d’urgence pour faire pleuvoir dans le désert, c’est possible ? 🏜️🌧️

L’image provient de l’étude à la base de l’article – https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1904754116

En 2019, deux chercheurs de l’Institute of Physics and Meteorology (Université d’Hohenheim, Allemagne), se sont penchés sur cette question, via une approche agroforestière jouant à la fois sur le stockage du carbone dans les sols et sur l‘amélioration délibérée des précipitations dans un territoire.

L’étude “Deliberate enhancement of rainfall using desert plantations” évalue où, dans le monde, implanter de larges plantations capables d’améliorer localement les pluies. Les deux zones témoins sont Oman et Israël et la méthode envisagée, très spécifique, ne fonctionne que pour Oman, certains critères devant être rassemblés.

Les chercheurs définissent leur proposition comme de la “biogéoingénierie”. Nous préférons le “génie écologique” et le  “biomimétisme”, comme le promeut Pierre Gilbert, tant le premier terme rappelle les errements des techno-solutionnistes.

Ce travail se base sur des modèles à haute résolution, dotés de représentations sophistiquées de la surface terrestre (Weather Research and Forecasting couplé au modèle terrestre Noah), pour appréhender la chaîne de processus complexes conduisant aux modifications du climat régional et potentiellement global. A partir de cette compréhension affinée et d’une analyse statistique, les chercheurs proposent un “indice de rétroaction global (GFI)” pour prédire les impacts des plantations sur le climat régional.

Concrètement, l’étude envisage les paramètres suivants : 

☑️Plantation d’arbre sur 100 km2

☑️Utilisation d’arbres sombres (jojoba), donc à albédo faible, plantés sur une surface claire

☑️La zone dispose d’une humidité conséquente

☑️ Le vent y est faible, voir inexistant

Pour faire tomber la pluie, les auteurs introduisent les variations suivantes:

🚿 Arrêt de l’irrigation

🌴Les arbres ferment alors leurs stomates, mais continuent la photosynthèse

🌞L’albédo faible fait chauffer la zone

↗️Cela fait monter l’air, qui emporte de l’humidité

☁️La colonne d’air chargée d’humidité arrive dans la zone où le gradient thermique permet de condenser

🍄 Les arbres émettent également des bioaérosols qui favorise aussi la condensation

🌧️Grâce à l’absence de vent dans la zone, la pluie y tombe

On peut retirer de cette étude un paradoxP
Un merci tout particulier à Ali Bin Shahid, du Pakistan, pour la référence de cette étude. La description du profil d’Ali parle d’elle-même “Quantifying Nature’s Rhythms for Climate Solutions | Rainman”.

Cultures bioénergétiques et recyclage de l’eau dans l’atmosphère

Les plantes pérennes cultivées à des fins de bioénergie peuvent rapporter autant d’eau qu’elles en consomment !

Une étude menée par des chercheurs français et chinois, parmi lesquels Philippe Ciais, et publiée en 2023 dans la revue Nature, met en lumière l’existence d’un phénomène de rétroaction climatique en lien avec certaines cultures bioénergétiques.

Promue notamment par le GIEC, la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS) remplit en théorie une double fonction d’élimination du CO2 et d’approvisionnement en bioénergie. Sans porter de jugement sur cette technologie, ce qui nous intéresse ici est qu’elle repose sur la culture de plantes pérennes, arbres ou herbacées, et pas sur des plantes annuelles.

Si leur irrigation implique une certaine consommation d’eau, ces plantes pérennes la redistribuent abondamment, en la drainant dans le sol par les racines et en l“évapotranspirant dans l’atmosphère. La plantation massive de ce type de végétaux pourrait donc avoir un impact direct sur le cycle global de l’eau. L’étude aborde frontalement cette problématique en proposant un modèle pour prédire les effets que pourrait générer le déploiement à grande échelle de la technologie BECCS.

En l’occurrence, les chercheurs ont tenté d’obtenir des « représentations explicites » des impacts sur le cycle de l’eau de deux types distincts de monocultures bioénergétiques : d’une part des plantes ligneuses à forte transpiration (eucalyptus) et d’autre part des plantes herbacées à plus faible transpiration (panic raide ou switchgrass).

Dans les deux cas, les résultats obtenus indiquent un effet positif sur le recyclage de l’eau dans l’atmosphère. Les simulations réalisées dans le cadre de cette étude montrent en effet que « les précipitations terrestres mondiales augmentent dans les scénarios BECCS, en raison de l’évapotranspiration accrue et de l’advection (déplacement horizontal) d’humidité intérieure ».

Les auteurs concluent que « l’augmentation des précipitations terrestres à l’échelle mondiale, due aux rétroactions atmosphériques des cultures bioénergétiques à grande échelle, pourrait compenser partiellement la consommation d’eau de ces cultures bioénergétiques pluviales à l’échelle mondiale » et recommandent « une évaluation plus complète, incluant les effets biophysiques de la culture de la bioénergie ».

Cette étude illustre en tout cas de manière éclatante le rôle crucial joué par les espèces végétales dans le cycle de l’eau. Loin d’être négligeable, ce dernier est tout simplement moteur dans le recyclage des ressources hydriques à l’échelle de la planète. Ce constat est un argument de plus en faveur des projets d’intensification végétale, comme celui que nous promouvons entre les Pyrénées et le Massif Central.

Un grand merci à Philippe Ciais pour nous avoir orienté vers ces travaux !

Les méthodes agricoles en milieu semi-désertique

🌱Comment cultiver en territoire semi-désertique 🏜️ et sensiblement diminuer le risque d’inondations en cas d’épisodes pluvieux extrêmes ? ☔

L’étude Exploring the Potential of Soil and Water Conservation Measures for Climate Resilience in Burkina Faso, qui analyse la situation en milieu Sahélien, revient sur des principes qui devraient être adoptés dès maintenant dans un pourtour méditerranéen en cours d’aridification.

Parue en 2024, cette étude est le fruit d’une collaboration entre scientifiques burkinabés et japonais, dont Carine Naba. Ils ont utilisé des données nationales, la télédétection et des outils SIG pour évaluer l’adoption des mesures de conservation des sols et des eaux (“Soil and water conservation measures (SWCMs)” dans l’étude) et leur potentiel de résilience climatique.

Les techniques étudiées sont traditionnelles au Sahel : demi-lunes, cordons pierreux, zaïs, diguettes filtrantes, bandes enherbées et boulis.

Les résultats de l’étude sont notamment :

  • Une augmentation notable de la végétation dans les provinces à forte prévalence de pratiques de conservation des sols et des eaux. Cet essor interpelle alors que la désertification menace les pays du Sahel. Il est possible de lutter efficacement contre ce risque.
  • Le déploiement de ces techniques entraîne une réduction considérable du ruissellement. Ainsi, les références bibliographiques de l’étude font état de réduction du volume de ruissellement de l’ordre de “70% au niveau du champ et de 8% au niveau du bassin en cas d’événements pluvieux extrêmes”.
  • Plus les terres sont dégradées, plus les agriculteurs sont susceptibles d’adopter ces pratiques (seuil évalué à partir de 60% de dégradation des terres). Cela pose la question de l’adoption des pratiques agroécologiques, qui dépend encore malheureusement de l’état de dégradation des terres. L’adage “mieux vaut prévenir que guérir” prend tout son sens, tant en Afrique qu’en Europe.

On le voit, des ajustements agronomiques relativement mineurs peuvent permettre une atténuation sensible d’aléas climatiques de plus en plus extrêmes. Nous pensons qu’il ne faut pas attendre que la situation se dégrade pour réagir. C’est pourquoi nous prônons un déploiement rapide de ces techniques en contexte méditerranéen. Les tragiques inondations d’octobre 2024 en Espagne ne peuvent qu’accréditer cette thèse.

Il est temps d’adapter nos territoires et les exploitations agricoles qui les maillent. Ces mesures de conservation des sols et des eaux s’apparentent à l’approche de l’hydrologie régénérative en plein essor en France, que complète efficacement l’agroforesterie. L’agriculture de conservation des sols, l’agriculture biologique de conservation des sols et l’agriculture régénérative sont d’autres méthodes à déployer massivement pour renforcer notre robustesse, concept stratégique que diffuse Olivier Hamant.

Les bioaérosols et la pluie

🦠🍄🌧️ Connaissez-vous les bactéries déclencheuses de pluie ? 🌧️🍄🦠

L’image provient d’une « rencontre avec Pierre Amato«

Les interactions entre les composés organiques volatiles émis par les plantes et les arbres et l’ennuagement et le déclenchement des pluies sont de mieux en mieux documentées.

Les nuages se forment lorsque des gouttelettes d’eau se condensent autour de minuscules particules, les noyaux de condensation. Les arbres et végétaux émettent dans l’air des sesquiterpènes et des spores qui agissent comme noyaux de condensation. Ils permettent donc aux gouttelettes d’eau de se former et grossir, avant de précipiter.

Les bioaérosols sont importants pour la formation des nuages. En effet, les émissions de soufre et d’autres substances polluantes diminuent, ce qui est positif.Toutefois, elles sont un vecteur d’ennuagement. Une meilleure compréhension du rôle des agents organiques d’ensemencement est donc essentielle pour affiner les modèles climatiques et soutenir le régime des pluies. A contrario, les fragments de certains pollens (ambroisie et ivraie) conduisent à la formation d’un type de nuage ne produisant pas de pluies.

Parmi les promoteurs de l’agroécologie et des solutions fondées sur la nature, le lien entre végétation, composés organiques volatiles et pluie est notamment connu grâce aux travaux de Cindy Morris, directrice de Recherche à l’INRAE [1], [2], autour de la bactérie pseudomonas syringae. Ce “chancre bactérien” infecte arbres et plantes. En étudiant ses effets pathogènes, la chercheuse s’est aperçue de son importance dans le déclenchement des pluies et donc sur le cycle de l’eau.

En effet, cette bactérie a une propriété glaçogène. En été, elle catalyse la pluie malgré une température élevée, et provoque donc des précipitations. Cette bactérie abaisse le point de nucléation, donc l’altitude à laquelle l’eau à besoin de monter pour refroidir et précipiter, de façon très significative. Cindy Morris parle de “plancton aérien”.

Pour décrire ce phénomène, le terme de “bioprécipitation” a été inventé dans les années 1980. Les physiciens étaient initialement hostiles à cette approche, mais le facteur biologique est désormais accepté, même s’il est insuffisamment pris en compte.

Actuellement, la présence de cette bactérie dans l’eau est étudiée. Cindy Morris participe également à l’évaluation de la dissémination de la bactérie à longue distance. Toutefois, il est compliqué de quantifier la quantité de particules microbiennes dans les flux d’air. 

Malgré les difficultés pour prendre en compte ces facteurs dans l’aménagement du territoire et du paysage, c’est un axe très prometteur. L’aménagement du territoire, et les choix végétaux liés, ont des impacts climatiques bien plus importants que ce qui est communément admis. Il est temps de porter ce sujet dans la sphère publique, afin que tout aménagement territorial, grand ou petit, prenne en compte ces impacts climatiques.

Enfin, l’éradication de ce chancre bactérien, pour préserver les cultures, pourrait diminuer la pluviométrie.

Maïs et climat aux USA

🌽Comment la culture du maïs à changé le climat de la Corn Belt ?🌦️

Une étude publiée dans Geophysical Research Letters révèle que l’intensification de l’agriculture dans le centre des États-Unis au cours du XXe siècle a entraîné, durant la période estivale, une baisse des températures et une augmentation des précipitations, en contradiction avec la tendance mondiale au réchauffement climatique.

L’étude, dirigée par des scientifiques de l’université de l’Iowa et du National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), a analysé des données climatiques et agricoles sur une période de 100 ans. La région étudiée, la Corn Belt, correspond aux États américains du Midwest (Iowa, Illinois et Wisconsin, entre autres).

Les résultats indiquent que l’intensification agricole (qui comprend, hélas, l’augmentation de l’utilisation d’engrais et de pesticides) a modifié les échanges d’énergie entre la surface terrestre et l’atmosphère, conduisant à un refroidissement estival régional.

Cette découverte met en lumière l’impact de l’agriculture sur le climat régional. Les pratiques agricoles peuvent avoir des effets complexes et parfois contre-intuitifs. Entre 1950 à 2010, la quantité de maïs récoltée chaque année dans la Corn Belt a augmenté de 400 %, alors que cette plante présente de très importantes capacités d’évapotranspiration estivale.

Malheureusement, cette tendance climatique positive résulte d’une approche basée sur l’intensification technologique et l’usage d’intrants, qui n’est ni soutenable ni souhaitable. Elle a eu pour corollaire une intensification de l’irrigation et une inflation de l’usage de pesticides et surtout la perte d’un tiers de couches de surface riche en carbone et des problèmes de pollution de l’eau aux nitrates. Il faut donc rester prudent sur ces résultats qui peuvent masquer d’autres impacts délétères.

Et une autre étude sur cette thématique, alerte : “si la croissance de la production de maïs et de soja devait stagner, la capacité de la rétroaction culture-climat à masquer le réchauffement s’atténuerait, exposant les cultures américaines à des températures extrêmes plus nocives.”

Vous l’aurez compris, au travers de cet exemple nous ne cherchons pas à faire la promotion de pratiques culturales intensives, mais bien de mettre en avant l’interaction entre cultures agricoles et climat.

En outre, le maïs, pour beaucoup devenu le symbole d’une agriculture intensive et des élevages hors sol, reste une plante aux capacités de mycorhization et de photosynthèse (plante dite C4) extraordinaires.

Ainsi, la culture associée des “trois sœurs” (maïs, haricot et courge) ou milpa, est un mode de culture associé propre aux peuples amérindiens, qui peut, par sa stratification, rappeler l’agriculture syntropique. Décidément, nous n’avons pas fini d’apprendre des jardins américains.

N’est-il pas temps d’examiner sérieusement les possibilités offertes par l’agroforesterie et l’agriculture syntropique pour nos territoires ?

Atténuation du réchauffement climatique grâce au verdissement

🗺️🌳🌡️Connaissez-vous le pouvoir des plantes pour atténuer le réchauffement climatique ? Depuis 1982, les continents ont connu un verdissement qui a contenu la hausse des températures.

L’illustration vient de cette étude

L’étude Climate mitigation from vegetation biophysical feedbacks during the past three decades, 2017, menée par une équipe internationale, se base sur “l’augmentation lente mais persistante de l’indice de surface foliaire (LAI) observée au cours des 30 dernières années” pour en analyser les conséquences. Et cette végétalisation aurait ralenti  “l’augmentation de la température de l’air à la surface de la planète de 0,09 ± 0,02 °C depuis 1982”.

Les résultats régionaux varient en fonction de l’augmentation de l’indice de surface foliaire. Et “la somme des rétroactions biophysiques liées au verdissement de la Terre a atténué 12 % du #réchauffement”. Ce processus a donc masqué partiellement la dérive climatique sans faire la une des journaux. Malgré l’accélération du réchauffement et les sécheresses croissantes, cette tendance se poursuit après 2017. On ne note pas de tendance globale au brunissement de la végétation, qui, pour l’instant, ne dépérit donc pas.

Le verdissement planétaire s’explique surtout par l’augmentation de la quantité de CO2 dans l’air, qui booste les plantes, et par l’intensification agricole. Cette tendance ne doit donc pas éclipser les enjeux actuels. La culture de plantes pérennes doit être encouragée. Et la photosynthèse doit être fermement promue, tant la marge de progression est importante et les pelouses synthétiques rebutantes. L’artificialisation des sols est un contresens et l’agroécologie est l’avenir.

D’après différentes études, l’Inde et la Chine contribuent fortement au verdissement mondial. L’intensification agricole en serait le principal facteur explicatif. Les chercheurs chinois sont en pointe dans l’étude du verdissement. Cela s’explique par l’ampleur des projets mis en œuvre, tels le spectaculaire verdissement du plateau de Loess. La volonté de maximiser les réussites en la matière et le grand nombre de chercheurs expliquent également ce tropisme chinois.

Il apparaît de plus en plus clairement que l’aménagement du territoire, en l’occurrence agricole, ne peut être pensé uniquement “à la parcelle”. Les choix d’implantation de cultures ont un impact sur le climat régional. Ainsi, partant du constat d’un impact de refroidissement plus fort en Inde et en Chine qu’en Europe, malgré un verdissement également observé, une étude incite les décideurs politiques à changer d’approche:  “les résultats contrastés suggèrent l’importance de prioriser la géolocalisation des projets écologiques pour obtenir le maximum de bénéfice climatique.”

L’agroécologie et l’agroforesterie, déployées de manière systémique, ne sont-elles pas des solutions d’avenir ?

Soyez Vyvant !

Image : la centrale de Vitry-en-Charollais a été détruite par la grêle quelques jours avant son ouverture en 2022. Si ces panneaux n’auront jamais produit d’électricité, ils auront néanmoins produit beaucoup de PIB

Selon cet article, une centrale photovoltaïque de 9 ha va produire 670 MW/h par ha et par an, soit dix fois plus qu’un hectare de miscanthus (15 t pour 4700 kWh/t)

Face à cette évidence, pourquoi continuer à promouvoir l’agroforesterie ? L’agri-voltaïsme est plus compétitif, plus rentable et permet de sauver des fermes. La réponse tient en la nature du vivant

Définir le vivant par la biologie (structure des cellules, présence d’ADN ou d’ATP) ne permet pas de couvrir l’ensemble de son spectre (pensons aux virus ou aux prions). Et puis cela ne permettrait pas de reconnaître une forme radicalement différente qu’on pourrait trouver dans l’espace ? C’est pourquoi les astro-biologistes cherchent à définir le vivant par son comportement. Il interagit avec son environnement, il se reproduit, s’adapte, respire et mange.

En 2020, Stuart Bartlett et Michael Wong avancent  une définition thermodynamique de la vie d’un point de vue générique qu’ils appellent la Lyfe. Ainsi le vivant terrestre participe d’un plus grand ensemble : le Vyvant. David Louapre [4][5]  et Stuart Bartlett ont modélisé le concept [3] au travers d’un poignet de pseudo réactions chimiques qui couvrent ses  4 propriétés :

🕯️ C’est une structure dissipative. Il utilise l’énergie pour créer de l’ordre et diminue localement l’entropie.

✖️ Il est autocatalytique. Il peut produire plus de lui-même.

🌡️ Il est capable d’homéostasie. Il sait s’adapter aux conditions du milieu. 

🚸 Il est capable d’apprentissage. Par sélection ou par association, le vivant change sa réponse à un stimuli de façon durable.   

Ainsi, contrairement à d’autres structures dissipatives naturelles comme un feu ou une tornade qui finissent par disparaître faute d’adaptation, ou artificielles, comme un panneau solaire, une ampoule, un moteur, qu’on entretient et qu’on remplace régulièrement (pour peu qu’on en ait encore l’usage), le vivant est une structure émergente qui gagne sans cesse en complexité et en autonomie. Il trouve des solutions pour se perpétrer. 

Par exemple, quand l’eau des sols est épuisée et que les plantes ne peuvent plus réguler l’atmosphère, elles blanchissent. Cette augmentation de l’albédo hâte le retour des pluies et la moisson se fait entre les gouttes. Alors, grâce aux réserves stockées dans leur bois, leurs racines, leurs graines et le sol, les plantes démarrent un nouveau cycle..

C’est cette capacité du vivant à régler des problèmes qui nous intéresse. Avec des panneaux solaires on produit de l’électricité, de la valeur, du revenu, avec du vivant, du miscanthus, des arbres, on produit du futur.

L’importance des services écosystèmiques fournis par les mangroves

🌴🌊🌴Énième constat alarmant, les écosystèmes de 50% des mangroves menacent de s’effondrer : “en l’absence d’amélioration significative d’ici 2050, le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer entraîneront […] la perte de 1,8 milliard de tonnes de carbone stocké dans les mangroves.” L’alerte provient d’une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 🌴🌊🌴

L’image provient d’ici

Les services écosystémiques qu’offrent les mangroves sont probablement sous-estimés. Généralement, leurs capacités de stockage du carbone, leur rôle pour la pêche et leurs capacités d’atténuation des vagues violentes et des inondations sont mises en avant. Les mangroves pourraient également réduire la concentration en nitrates apportés par les eaux usées (selon une autre étude de l’UICN).

La notion de carbone bleu est utilisée pour décrire la séquestration du carbone par les mangroves, les marais côtiers et les herbiers marins. D’après l’étude Blue carbon as a natural climate solution de 2021, la restauration de ces écosystèmes permettrait la captation d’environ 3% des émissions annuelles mondiales de CO2 (base 2019-2020). L’enjeu est donc loin d’être anodin.

En outre, l’étude Mangroves provide blue carbon ecological value at a low freshwater cost permet de comprendre certains mécanismes liant mangroves et eau douce. Ce papier de 2022 démontre la très faible utilisation d’eau douce des espèces végétales des mangroves (communément désignées sous le terme de “palétuvier”).

Mais les mangroves et autres zones humides côtières pourvoient également de l’eau douce. En effet, elles filtrent l’eau de mer pour leurs besoins hydriques. Ce faisant, malgré une évapotranspiration moindre que les écosystèmes forestiers classiques, une partie de l’eau que cette végétation transpire s’intègre au recyclage des pluies. Le cycle de l’eau est donc alimenté par ces zones humides qui dessalent l’eau de mer à peu de frais.

Un louable projet tente d’imiter le fonctionnement des mangroves pour le dessalement de l’eau de mer, comme le mentionne cet article. Le but n’est pas de jeter l’opprobre sur ce projet basé sur le biomimétisme. Bien au contraire, des innovations sont nécessaires pour faire face aux situations de stress hydrique intense. Toutefois, ce projet dépend de la technologie et d’ingénieurs.

Ce sont plutôt les solutions fondées sur la nature qui doivent être développées massivement, pour éviter de recourir à des solutions palliatives, coûteuses et dépendantes de la disponibilité en composants électroniques.

A la manière d’autoroutes de la pluie, le soutien de ces”catalyseurs de pluies” devrait être massivement soutenu.

Enfin, alors que le trait de côte a connu une érosion record cet hiver en Nouvelle-Aquitaine (20 mètres de recul à Soulac), il est critique de se pencher sur l’opportunité de rendre certains espaces littoraux à la végétation, tant pour la beauté de la nature que pour la sécurité des riverains.

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén