Initiative de réappropriation climatique

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L’importance des services écosystèmiques fournis par les mangroves

🌴🌊🌴Énième constat alarmant, les écosystèmes de 50% des mangroves menacent de s’effondrer : “en l’absence d’amélioration significative d’ici 2050, le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer entraîneront […] la perte de 1,8 milliard de tonnes de carbone stocké dans les mangroves.” L’alerte provient d’une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 🌴🌊🌴

L’image provient d’ici

Les services écosystémiques qu’offrent les mangroves sont probablement sous-estimés. Généralement, leurs capacités de stockage du carbone, leur rôle pour la pêche et leurs capacités d’atténuation des vagues violentes et des inondations sont mises en avant. Les mangroves pourraient également réduire la concentration en nitrates apportés par les eaux usées (selon une autre étude de l’UICN).

La notion de carbone bleu est utilisée pour décrire la séquestration du carbone par les mangroves, les marais côtiers et les herbiers marins. D’après l’étude Blue carbon as a natural climate solution de 2021, la restauration de ces écosystèmes permettrait la captation d’environ 3% des émissions annuelles mondiales de CO2 (base 2019-2020). L’enjeu est donc loin d’être anodin.

En outre, l’étude Mangroves provide blue carbon ecological value at a low freshwater cost permet de comprendre certains mécanismes liant mangroves et eau douce. Ce papier de 2022 démontre la très faible utilisation d’eau douce des espèces végétales des mangroves (communément désignées sous le terme de “palétuvier”).

Mais les mangroves et autres zones humides côtières pourvoient également de l’eau douce. En effet, elles filtrent l’eau de mer pour leurs besoins hydriques. Ce faisant, malgré une évapotranspiration moindre que les écosystèmes forestiers classiques, une partie de l’eau que cette végétation transpire s’intègre au recyclage des pluies. Le cycle de l’eau est donc alimenté par ces zones humides qui dessalent l’eau de mer à peu de frais.

Un louable projet tente d’imiter le fonctionnement des mangroves pour le dessalement de l’eau de mer, comme le mentionne cet article. Le but n’est pas de jeter l’opprobre sur ce projet basé sur le biomimétisme. Bien au contraire, des innovations sont nécessaires pour faire face aux situations de stress hydrique intense. Toutefois, ce projet dépend de la technologie et d’ingénieurs.

Ce sont plutôt les solutions fondées sur la nature qui doivent être développées massivement, pour éviter de recourir à des solutions palliatives, coûteuses et dépendantes de la disponibilité en composants électroniques.

A la manière d’autoroutes de la pluie, le soutien de ces”catalyseurs de pluies” devrait être massivement soutenu.

Enfin, alors que le trait de côte a connu une érosion record cet hiver en Nouvelle-Aquitaine (20 mètres de recul à Soulac), il est critique de se pencher sur l’opportunité de rendre certains espaces littoraux à la végétation, tant pour la beauté de la nature que pour la sécurité des riverains.

L’état des sols européens

Une récente étude vient objectiver la dégradation des sols agricoles en Europe. Et la situation n’est pas brillante !

A l’heure où les mesures volontaristes impulsées depuis quelques années (loi Zéro artificialisation nette en France, Green Deal européen, entre autres) font l’objet d’une fronde grandissante, il est urgent de faire front commun pour sauver nos sols.

Si, au sein du collectif l’Autoroute de la Pluie, nous avons l’habitude de promouvoir des solutions plutôt que de susciter la peur, il est également crucial d’insister sur l’urgence de la situation.

L’étude intitulée A unifying modelling of multiple land degradation pathways in Europe a été publiée en mai 2024. Fruit du travail d’une équipe internationale de 16 scientifiques, cette étude ambitieuse parue sur Nature Communication, portant sur 40 pays du continent européen, analyse la situation des terres agricoles et arables selon 12 indicateurs de dégradation.

Les facteurs de dégradation des sols étudiés sont :
érosion hydrique, érosion éolienne, perte de carbone organique, salinisation, acidification, compaction, déséquilibre de la teneur en nutriments, pollution aux pesticides, pollution aux métaux lourds, dégradation de la végétation, déclin des eaux souterraines et aridification.

🧪Sans surprise, la pollution aux pesticides est la problématique la plus répandue en Europe.

🚨Selon l’étude, jusqu’à dix processus de dégradation peuvent coexister dans certaines régions, indiquant une situation de multi-dégradation intense.

🔥Plusieurs points chauds sont identifiés, c-a-d des pays concentrant un nombre élevé de facteurs de dégradation des sols : Espagne, Italie, Grèce, Hongrie et France. Le pourtour méditérannéen est extrêmement touché.

En France, la situation est préoccupante pour plusieurs aspects, surtout pour la pollution aux pesticides, les déséquilibres en nutriments des sols (nitrates) et la pollution aux métaux lourds. L’aridification menace le pourtour méditeranéen et fait une incursion dans le Sud-Ouest, aux abords de la zone ciblée pour établir l’Autoroute de la Pluie.

Cette même zone se caractérise par une forte érosion hydrique. Les sols lessivés perdent ainsi leur potentiel, alors qu’ils étaient initialement particulièrement fertiles (voir à ce sujet le post sur le reverdissement du Plateau de Loess, berceau de l’agriculture en Chine, qui avait été presque complètement érodé).

L’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la période 2021-2030 “Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes”, avec pour objectif d’atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres d’ici 2030. Face aux reculs récents en la matière, on voit qu’il est plus que jamais nécessaire de se mettre à l’ouvrage.

A la façon des lobbys économiques, tous les acteurs soucieux de préserver les sols et des conditions de vie décentes devraient s’unir pour infléchir les politiques.

Landrace Gardening – pour une horticulture variée et robuste

Illustration les melons de Joseph Lofthouse.

En botanique, une espèce  compte souvent plusieurs variétés. Par exemple, pour  la tomate (Solanum lycopersicum) 🍅, il y a la tomate cerise 🍒(cerasiforme) et la tomate à gros fruits (esculentum). 

Mais souvent, dans une acception plus générale, le terme de variété est utilisé pour désigner une forme plus précise aux caractéristiques réputées uniques, (Cœur de Boeuf, Marmande, Green Zebra). C’est ce qu’on appelle un cultivar.

Un cultivar a été sélectionné et stabilisé afin de posséder des propriétés (goût, productivité, couleur, résistance aux maladies) constantes. Il est reproduit selon des modalités précises qui dépendent essentiellement de l’espèce.

A l’inverse des cultivars, il y a les variétés “population” qui sont obtenues par sélection massale. Autrement dit, au lieu de s’assurer de conditions strictes donnant un résultat reproductible, le fermier obtient sa semence à partir des parties de sa récolte qui lui semblent les plus prometteuses.

Le chimiste et maraîcher Joseph Lofthouse, raconte dans “Landrace Gardening: Food Security through Biodiversity and Promiscuous Pollination” comment il a utilisé la sélection massale pour obtenir des melons dans un contexte pédoclimatique totalement défavorable. Vous pouvez également retrouver ces expériences sur la chaîne youtube Landrace Gardening ou sur le site Going to seed, qui fédère un réseau d’échange de graines et des ressources pour se former.

Sa technique consiste à planter un grand nombre de variétés (pour les melons, plus de trente) et à favoriser l’hybridation de proximité. Puis à simplement utiliser les graines issues des plantes qui lui ont donné satisfaction. Et comme il fait l’inverse de ce qui est habituellement préconisé, il obtient l’inverse du résultat habituel : une production d’une grande variété de formes, goûts et couleurs.

Pour l’Autoroute de la Pluie, cette approche à base de diversité ouvre une porte de plus dans la palette des solutions fondés sur la nature. Pour peu qu’on sache admettre qu’on n’aura pas un melon de Cavaillon quand on est dans les montagnes de l’Utah.

Comprendre la syntropie 3 : Quelles ressources pour commencer ?

Nous avons essayé de présenter dans deux précédents articles des notions que l’agriculture syntropique met en œuvre. Elles peuvent sembler éloignées du sujet principal qui est d’installer et de faire prospérer des plantes pour répondre à nos besoins.

Mais cette entrée en matière par le champ scientifique nous a semblé nécessaire parce que l’agriculture syntropique découle d’une compréhension du monde, issue non pas de la physique newtonienne qui nous est si familière, mais d’une vision thermodynamique encore éloignée de nos canons de perception. Admettre l’irréversibilité, comprendre que le tout n’est pas égal à la somme des parties, penser les systèmes en termes de flux est et de dissipation échappe complètement au canons des techniques de production. Lorsqu’un tracteur travaille, qu’est-ce qui part en chaleur ? qu’est-ce qui le fait avancer  ? Toutes ces questions ne sont sûrement pas neuves. Elles datent de la machine à vapeur. Pourtant tous nos indicateurs clés comme le rendement ou le PIB sont établis comme si l’expérience de production était reproductible à l’infini, comme si le monde était constant. 

N’oublions pas toutefois que la syntropie ce sont avant tout des fermes. Celle de Ernst Gotch au Brésil, celle des Magawits en France, et bien d’autres de part le monde, expérimentent dans le domaine agricole. Il y a beaucoup de témoignages, de formations, de partages d’expérience. Notamment grâce au travail didactique d’@Opaline. Toutefois, si ces témoignages sont utiles, il manquait un ouvrage de référence. C’est chose faite avec la parution de  Bienvenue en syntropie de Théry Analële (préface de Opaline Lysiak, coédition Joala Syntropie et Terre vivante).

L’auteure y partage son expérience d’adaptation des techniques développées par Ernst Götsch en milieu tempéré. Le cheminement du livre nous amène de la théorie à la pratique de façon très imagée et ludique. Si cela rend la lecture facile et agréable, ces deux aspects auraient peut-être pu être plus incarnés afin d’être mieux questionnés : une sorte de dialogue socratique entre un philosophe et un paysan ? Car la syntropie telle que nous la comprenons place la science au cœur de l’élaboration du processus technique. Notons d’ailleurs qu’une réflexion similaire a amené le philosophe Bernard Stiegler à inventer les Territoires Apprenant Contributif, un projet de développement économique néguentropique.

Au-delà de cette remarque, le livre est d’un apport théorique et pratique inestimable et va bien au-delà de la palanquée de PDF qu’on peut trouver sur internet et qui manquent cruellement de concret. Quand on s’intéresse à la production végétale, la qualité des itinéraires décrits et des pistes explorées ouvre des possibilités d’expérimentation et de design infinies. 
Pour clore cette présentation de la syntropie, citons le mot de Théry Analële : “La syntropie n’est ni simple, ni complexe mais simplexe”.

Pour une hydrologie régénérative

🌧️Connaissez-vous l’hydrologie régénérative qui vise à hydrater nos territoires ?🏞️

Le collectif de l’Autoroute de la Pluie adhère pleinement à cette approche qui vise à : 


🌧️🏞️ Ralentir, répartir, infiltrer et stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement 

🌱🌳 Densifier la végétation multifonctionnelle, cultivée ou non

L’énoncé de ces principes provient du site de l’association française Pour une Hydrologie Régénérative, créée en 2022.

Pour comprendre ces enjeux, Ananda Fitzsimmons revient dans son livre “Hydrater la terre” (commande disponible sur le site des éditions La Butineuse) sur le rôle oublié de l’eau dans la crise climatique. L’environnementaliste et promotrice de pratiques agroécologiques canadienne revient sur les risques liés à la désertification des territoires et les possibilités de régénérer le cycle de l’eau. Elle évoque plusieurs exemples d’application de l’hydrologie régénérative. Ainsi, en Arabie Saoudite des bédouins travaillent à contrer la désertification au moyen d’ingénieux dispositifs visant à ralentir le flux des rares précipitations, relançant ainsi l’activité photosynthétique [voir ce post très instructif].

En Australie, l’ingénieur et agriculteur PA Yeomans [version électronique du livre “The Keyline plan” de PA Yeoman] a dans les années 1950 inventé et appliqué le keyline design [définition du keyline design sur le site de Neayi – triple performance], un des piliers de l’hydrologie régénérative. Cette technique d’aménagement vise à maximiser les ressources en eau. En étudiant la topographie du territoire, il est possible d’y intégrer des keylines, qui suivent les courbes de niveau, pour y stocker et infiltrer les pluies. Les résultats en milieu semi aride ayant été probants, ces principes ont commencé à essaimer.

En France, Simon Ricard est un des praticiens de l’hydrologie régénérative (avec Perma Lab). Il accompagne des agriculteurs pour renforcer la résilience, hydrique notamment, de leurs exploitations. Alain Malard aide plus spécifiquement les viticulteurs. Tous deux partagent régulièrement sur LinkedIn des informations sur leurs activités.

Citons également Samuel Bonvoisin, conférencier et consultant en agroécologie, qui contribue à diffuser ces bonnes pratiques. Enfin, Charlène Descollonges, hydrologue de formation, auteure et conférencière, a acquis une notoriété qui permet de diffuser largement ces idées novatrices et porteuses d’espoir. La liste n’est pas exhaustive, cette association rassemblant de nombreux praticiens soucieux d’hydrater durablement les territoires.

Cette association travaille actuellement à mettre en place des “Plans territoriaux de régénération des cycles de l’eau “ afin que l’hydrologie régénérative passe à l’échelle en France. On le voit, hydrologie et pratiques agricoles et forestières sont étroitement imbriquées. Les convergences avec l’autoroute de la pluie sont évidentes.

Il est plus que jamais nécessaire de revoir notre manière de penser le territoire et d’y intégrer les notions d’hydrologie régénérative, d’agroforesterie à grande échelle et d’agroécologie. Cela ne pourra que renforcer les territoires et contribuer à atténuer la crise climatique.

Reboisement et refroidissement climatique aux USA

🌳🌲 Et si le reboisement à grande échelle permettait de contenir les effets du réchauffement climatique ?☁️🌦️

Une étude parue en février 2024 démontre comment le reboisement d’une partie de l’Est des Etats-Unis a permis d’y ralentir le réchauffement climatique. Intitulée “A Century of Reforestation Reduced Anthropogenic Warming in the Eastern United States”, cette étude a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire. L’étude visait à comprendre l’anomalie constatée dans cette zone, qui n’a pas connu les mêmes dynamiques de réchauffement que le reste des Etats-Unis.

En effet, l’Est des Etats-Unis avait été marqué par un intense déboisement dès le début de la colonisation. Les pertes de forêts avaient ainsi atteint jusqu’à 90% dans certaines zones. La tendance à ensuite commencé à s’inverser à partir des années 1930. Cette inversion s’expliquait, entre autres, par l’abandon de terres agricoles et le développement de l’industrie sylvicole.

Les chercheurs se sont appuyés sur de nouvelles approches multi-échelles et de multiples sources de données indépendantes. D’après les observations au sol et des données satellites, ces forêts replantées contribuent à un refroidissement de la surface terrestre de 1 à 2°c. L’impact de refroidissement le plus important provient des forêts relativement jeunes, entre 20 et 40 ans.

Ces travaux indiquent que le reboisement a contribué au rythme historiquement lent du réchauffement dans l’Est des Etats-Unis, soulignant le potentiel du reboisement en tant que stratégie locale d’adaptation en région tempérée.

Lorsqu’il s’agit de discuter la mise en œuvre de cette approche comme “solution fondée sur la nature”, les auteurs restent tout de même prudents, ils signalent les risques de modification de l’albédo, pour les zones boréales et de l’augmentation des risques d’incendie. Ils recommandent d’effectuer des études approfondies avant de déployer le reboisement dans une zone donnée.

Les auteurs concluent : “les résultats démontrent que le reboisement a un effet de refroidissement constant sur les températures de surface et de l’air, en particulier au milieu de l’été, lorsque les températures élevées peuvent être les plus nocives. Ces résultats soulignent le potentiel du reboisement pour apporter des avantages locaux en matière d’adaptation au climat dans les régions tempérées.”

On le voit, la nature offre des perspectives particulièrement efficaces pour faire face au réchauffement climatique. Notre ambition, avec l’autoroute de la pluie, est bien de fournir de l’ombrage, de faire circuler les flux d’humidité, mais aussi de remplacer une partie de la production de bois traditionnelle par du bois agricole, issu de vastes réseaux agroforestiers. Ce dernier point permettrait d’atténuer la pression sur les forêts existantes en France, et notamment de proscrire les coupes rases (voir à ce sujet l’article sur leur impact climatique).

Transition agroécologique au XVIIeme siècle

Transition agroécologique en l’an 1600 (ou comment ne pas passer la charrue avant les bœufs ou quand on cherche des solutions on en trouve – suivez mon regard).

Image, Mûrier de Sully, Villes-sur-Auzon 
https://krapooarboricole.files.wordpress.com/2011/09/mc3bbrier-de-sully-7.jpg?w=290

En 1598, lorsque Henri IV promulgue l’édit de Nantes, la France sort de 35 ans de guerres de religion, pestes et famines. Le pays est exsangue.

Pour relancer l’économie rurale, Henri IV et son ministre Sully s’appuient sur l’œuvre de l’agronome Olivier de Serres.

Son œuvre principale, Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, publiée en 1600, transforme profondément l’assolement triennal pratiqué jusqu’alors.

A cette époque, on plante une céréale d’hiver (du blé), puis une céréale d’été (du seigle), avant de  laisser le champ reposer un an ou deux en vaine pâture. 

Le génie d’Olivier de Serre est d’allonger cette rotation en introduisant en tête de rotation une culture de printemps (betterave, maïs, pomme de terre) et de remplacer la jachère par une prairie temporaire de luzerne. La rotation devient  : culture de printemps souvent sarclée, suivie d’une céréale d’hiver puis d’une céréale d’été. Puis trois ou quatre ans de luzerne pâturée avant de recommencer. 

Avec la luzerne, on nourrit des vaches et des lapins, avec le maïs des volailles, avec les patates, des cochons. Ce nouvel équilibre entre production végétale et animale favorise la fertilité des sols et la prospérité des fermes. On passe d’un élevage marginal, souvent limité aux bêtes de somme, à une production alimentaire régulière. La fameuse poule au pot. 

Olivier de Serres introduit un troisième élément dans l’équation : des cultures de plantes pérennes destinées au commerce. Vigne, houblon, fruits secs, oliviers et surtout le mûrier. C’est en effet à lui qu’on doit l’introduction du ver à soie dans le sud de la France. Il fait paraître en 1599 La cueillete de la soye par la nourriture des Vers qui la font. Pour lui, cultures de vente, cultures vivrières et élevage doivent avoir une part égale dans l’économie de la ferme.

Ainsi par exemple, les Cévennes protestantes deviennent la base arrière de la très florissante industrie de la soie lyonnaise. Ainsi la vallée d’Agen se couvre de pruniers… 

Le 17e Siècle reste une période très difficile pour les populations, mais si un siècle plus tard la France connaît une explosion démographique malgré un réchauffement qui tarde à venir,  c’est sans doute en partie parce que les bases de la polyculture / élevage qui ont été posées alors permettent une meilleure santé des fermes.

Pour approfondir : 

📗 Olivier de Serres par Henri Gourdin chez Acte Sud 
📙  Le théâtre d’agriculture disponible en édition originale sur :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k52175n/f2.item

Déployer la pompe biotique

🌿🌦️ Comment mettre en œuvre la pompe biotique à l’échelle territoriale pour augmenter la pluviométrie de votre région ?🌳🌧️

Dans la leçon inaugurale de Nathalie De Noblet à l’Ecole supérieure des agricultures, la bioclimatologiste décrypte les rétroactions entre occupation des sols et climat. La chercheuse française montre comment ensemencer la pluie grâce à la végétation, afin qu’elle précipite plus loin et génère un système vertueux.

Elle cite un exemple documenté en Californie. L’objectif était de reverdir une colline en plantant des arbres irrigués dans une vallée. Les vents dominants allant de la vallée vers la colline, l’évapotranspiration accrue de ces nouveaux arbres s’est alors dirigée vers la colline avant de s’y condenser et de précipiter. Cela a permis à la végétation de croître sur la colline. Une partie de cette pluie supplémentaire a ruisselé vers la vallée, diminuant ainsi l’irrigation.

Les conditions pour utiliser cette approche de manière méthodique sont :

☁️ la première zone végétalisée est située à côté de flux d’humidité conséquents

🌬️ la seconde zone, où l’on souhaite améliorer les flux d’humidité, doit se trouver sous le vent de la première

🌧️ ainsi, les vents dominants se chargent d’humidité dans la première zone et les précipitations augmentent dans la seconde

Nathalie De Noblet, co-auteure du rapport sur l’état des sols du GIEC de 2019, insiste sur le caractère non local de cette action. Un projet déployé dans un lieu donné bénéficie à un territoire plus vaste. Notre projet s’inscrit dans la même démarche : mailler les territoires d’autoroutes de la pluie. L’aménagement du territoire pensé de manière systémique permet d’en améliorer la résilience à plusieurs échelles.

Ces considérations font écho à l’approche décrite dans notre post sur l’amélioration ciblée des précipitations (“targeted rainfall enhancement”, TRE), qui devrait guider la réflexion de tous projets de reforestation, et plus généralement de toute évolution sensible de l’usage des sols.

On le voit, il n’est pas nécessaire de disposer d’un potentiel d’évapotranspiration tel que celui de l’Amazonie pour impacter positivement le climat. Déployer ce type de démarche permettrait d’atténuer la tendance à la désertification du pourtour méditerannéen,. A condition de miser sur des solutions fondées sur la nature plutôt que sur le techno-solutionnisme (voir notre post sur les services rendus par les zones humides littorales et leur coût comparé à celui du dessalement de l’eau de mer).

Le passage sur l’augmentation localisée et volontaire de la pluviométrie est accessible à la 45ème minute de la conférence de Nathalie De Noblet.

Les images illustrant ce post et la vidéo proviennent de l’étude “Induced precipitation recycling (IPR): A proposed concept for increasing precipitation through natural vegetation feedback mechanisms “, publiée en 2016. Cette étude aborde le rôle potentiel des forêts et du couvert végétal comme outil d’adaptation.

Sauver les forêts de Méditerranée

Les calculs de Jean Pain sauveraient-ils la forêt méditerranéenne ?

Aujourd’hui, lorsqu’on parle d’un  “Jean Pain”, on désigne un compost utilisé pour chauffer de l’eau, une serre ou une table de semi.

Jean Pain est un forestier du sud de la France né en 1928. Il est connu pour sa promotion du compost de broussaille. Ses techniques, recueillies par son épouse dans un ouvrage à compte d’auteur, ont connu un écho important dans les années 1970 car elles résonnaient avec la prise de conscience de la dépendance aux énergies fossiles.

Dans cet ouvrage, il détaille de nombreuses techniques pour produire de l’énergie et de la fertilité à partir des broussailles et ainsi faire de la nécessaire prévention des incendies un levier pour la restauration de la forêt méditerranéenne. 

Comment cela fonctionne ?

La forêt est découpée en parcelles de 320 hectares qui sont nettoyées 3 fois en 24 ans.

Le nettoyage consiste à couper la végétation sous-arbustive, élaguer les basses branches, recéper et éclaircir pour éviter la propagation du feu.

Le chantier progresse de 40 hectares non concomitant tous les ans. 

Ainsi la biodiversité qui s’est réfugiée dans les parcelles adjacentes sera laissée tranquille l’année suivante.

La valorisation de 10 kg de broussaille par les methodes Jean Pain est la suivante : 

  • 8.5 kg de compost
  • 2 m3 de biogaz
  • de l’énergie thermique qui peut-être utilisée pour chauffer de l’eau, des serres ou produire de l’électricité

La technique de méthanisation de Jean Pain est beaucoup plus partielle que celle qui se pratique aujourd’hui. Elle évite également l’écueil d’une phase aqueuse qui est souvent problématique. Ainsi, son compost de broussaille est très différent du digestat sorti des méthaniseurs modernes. Toutefois, en considérant comme Jean Pain qu’une parcelle de 320 hectares produit 1600 tonnes de broussailles tous les ans, la vente de l’énergie produite permettrait probablement aux forestiers d’en vivre.

La moitié, voire la totalité du compost, est utilisée pour créer du sol humifère et restaurer les forêts, l’énergie est utilisée pour rentabiliser le projet. Ainsi l’entretien des forêts n’est plus une charge.

Quand on sait que la région méditerranéenne est un des espaces les plus menacés par la désertification (voir notre post sur les travaux de Millàn Millàn), la mise en œuvre d’un vaste projet de régénération de ses forêts apparaît comme une évidence. Il est critique de préserver et renforcer toutes les forêts côtières et leurs fonctions hydrologiques.

Le projet de l’autoroute de la pluie, en entendant développer l’agroforesterie pour substituer notamment une partie des prélèvements en bois forestiers par du bois agricole, est donc complémentaire de la régénération des forêts méditerranéennes.

L’illustration provient du formidable outil de @l’IGN “Remonter le temps”, et porte sur l’urbanisation côtière au sud du Massif des Maures.

La pluie ne connait pas les frontières politiques

🌧️🇨🇳 La pluie en Chine dépend-elle de la façade Atlantique française ? 🇫🇷🌳


Les écosystèmes sont interdépendants. La pluie n’a que faire de nos frontières politiques.

Ainsi, l’étude “Origin and fate of atmospheric moisture”, de Rudi J. van der Ent et al., parue en 2010, examine les dynamiques de l’humidité atmosphérique afin de comprendre dans quelle mesure les précipitations continentales dépendent du recyclage de l’humidité.

Ainsi, “l’humidité qui s’évapore du continent eurasien est responsable de 80 % des ressources en eau de la Chine. En Amérique du Sud, le bassin du Río de la Plata dépend de l’évaporation de la forêt amazonienne pour 70 % de ses ressources en eau. La principale source de précipitations dans le bassin du Congo est l’humidité évaporée sur l’Afrique de l’Est, en particulier dans la région des Grands Lacs. Le bassin du Congo, à son tour, constitue une source majeure d’humidité pour les précipitations au Sahel.

On le voit, les interdépendances sont multiples à l’échelle globale et le cycle de l’eau dépend étroitement du recyclage des précipitations continentales. Compte-tenu de l’importance de la végétation dans le processus de recyclage des précipitations, on comprend aisément que les projets de boisement et de restauration écologique dans une région donnée vont impacter directement la pluviométrie de zones plus ou moins proches. Et a contrario, modifier massivement l’usage du sol (c-a-d raser des forêts, retourner des prairies permanentes ou drainer des zones humides) aura des impacts critiques dans des zones situées sous le vent.

La carte illustrant ce post, issue de l’étude, démontre ce caractère critique pour une grande partie de l’Amérique du Sud, mais surtout pour l’est de l’Eurasie. Ainsi, la Mongolie, pays fortement enclavé, dépend presque entièrement du recyclage des précipitations.

Peut-être serait-il temps que les États se saisissent de ce sujet de manière transnationale. Plusieurs grandes agences de l’ONU sont déjà sensibilisées à ces interdépendances, mais il est souhaitable qu’une agence dédiée soit créée pour gérer cette thématique, où considérations locales et globales sont en étroite dépendance.

L’Autoroute de la Pluie s’affaire à médiatiser ce sujet, à marteler l’importance de la photosynthèse pour éviter les sécheresses. Nous souhaitons participer à déployer des corridors végétaux à large échelle pour renforcer les réseaux de recyclage de l’humidité atmosphérique.

Pour cela, nous avons besoin de toutes les forces vives. Pensez-vous qu’une telle approche, profondément proactive et positive, peut voir le jour rapidement ?

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