Initiative de réappropriation climatique

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Les cultures bioénergétiques pourraient refroidir le climat mondial

🌿🌳 Le développement massif des cultures de plantes pérennes permettrait de refroidir sensiblement le climat mondial 🌦️🌧️

L’étude Global cooling induced by biophysical effects of bioenergy crop cultivation, parue en 2021, évalue l’impact climatique des cultures bioénergétiques (ou “Bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone”). Elle a été réalisée par une équipe de dix chercheurs issus d’universités prestigieuses, dont le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement de Paris Saclay, l’Institut Pierre-Simon Laplace et des universités chinoises.

Précisions que la généralisation de cultures dédiées aux biocarburants ne nous paraît pas souhaitable, tant ceux-ci s’inscrivent dans la fuite en avant qui caractérise certains acteurs pour faire face à la profonde crise écologique. Tout l’intérêt de l’étude réside dans l’analyse de l’impact de l’extension de cultures de plantes pérennes, dont les racines sont préservées.

Les chercheurs ont produit cinq scénarios, sur 50 ans, pour des cultures étendues sur 466 millions d’hectares (sur environ 5 milliards d’hectares agricoles dans le monde) répartis entre 38 ° S et 60 ° N. Les effets du développement de quatre types de culture ont été simulés. Les cultures ligneuses (eucalyptus et peuplier/saule) ont un effet rafraîchissant plus fort que les cultures herbacées (miscanthus et switchgrass, ou millet vivace), car elles libèrent plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère et ont une résistance aérodynamique plus faible.

Selon les scénarios, les impacts sur la température varient de -0,08 °C à +0,05 °C (ce chiffre résulterait du remplacement de forêts par du millet vivace). En plus d’affecter la température locale, les cultures bioénergétiques pourraient également influencer la température dans des zones éloignées grâce à la circulation atmosphérique. Ainsi, les effets pourraient être localement contrastés. Les chercheurs appellent à de nouvelles études pour estimer les effets biophysiques du développement de telles cultures.

Malgré la grande qualité de l’étude, il nous semble qu’un élément décisif n’est pas modélisé : l’impact de racines pérennes pour la situation hydrique et leurs répercussions climatiques. En effet, l’étude se base sur un modèle physique atmosphère-terre-océan-glace de mer (avec l’impact du cycle du carbone et de la chimie stratosphérique). Les interactions entre plantes et climat sont nombreuses et les bénéfices d’un redéploiement massif des plantes pérennes pourraient excéder ceux envisagés ici. 

L’autoroute de la pluie s’attelle à la fois à favoriser le déploiement de corridors d’humidité par le secteur agricole et à rendre désirable la généralisation de cultures de plantes pérennes, partout, tout le temps. Pour ce faire, l’agroécologie et l’agroforesterie sont des vecteurs cruciaux. En plus d’avoir des impacts bénéfiques sur le climat, la biodiversité et la résilience des exploitations agricoles, ils ont le mérite d’embellir grandement nos paysages.

Le rôle des forêts comme source d’humidité face aux vagues de chaleur

🌳🌲Les forêts permettent-elles d’atténuer les épisodes caniculaires en Europe ? ☀️🌦️ Alors que paraît aujourd’hui un rapport sur la déforestation dans le monde qui démontre que cette dynamique n’est pas enrayée, il est utile de souligner les bienfaits des écosystèmes naturels.

De plus en plus de scientifiques objectivent les services écosystémiques fournis par la végétation et les proposent comme stratégies concrètes d’adaptation. C’est le cas de l’étude Moisture recycling and the potential role of forests as moisture source during European heatwaves, publiée en 2021 par Agnès Pranindita, Lan Wang-Erlandsson, Ingo Fetzer, chercheurs au Stockholm Resilience Center, et Adriaan J.Teuling, hydrologue au Wageningen University & Research.

Le modèle de suivi de l’humidité atmosphérique WAM-2layers a été utilisé. Il permet de déterminer d’où les précipitations se sont initialement évaporées et où cette humidité finit par aboutir. Les données de vagues de chaleur datant de 1979 à 2018 ont été analysées.

Plusieurs faits saillants ressortent de l’étude :

🔸Les vagues de chaleur peuvent s’auto-amplifier à cause d’une rétroaction climatique interne qui réduit les précipitations locales.

🔸 En Europe du Nord et de l’Ouest, l’apport d’humidité de l’Atlantique Nord est réduit pendant les vagues de chaleur, tandis que l’apport d’humidité terrestre augmente. Environ 10% de l’approvisionnement en humidité des sources océaniques serait remplacé par des sources terrestres (de l’est du continent euro-asiatique et de l’intérieur des régions en question).

🔸En Europe du Sud, les sources locales d’humidité sont limitées, ce qui entraîne “une diminution spectaculaire du recyclage de l’humidité”. Ceci souligne l’urgence de la situation du pourtour méditerrannéen, que nous explorons dans plusieurs posts ([3], [4] et [5]).

🔸 Surtout, les forêts fournissent uniformément une humidité supplémentaire à toutes les régions pendant les vagues de chaleur et contribuent ainsi à amortir les impacts locaux.

Ce n’est pas un scoop, mais sans l’importante couverture forestière de l’Europe ces vagues de chaleur auraient un impact bien plus ravageur. Cela doit inciter à envisager l’aménagement du territoire de manière systémique.

On le voit, les solutions fondées sur la nature sont vitales pour l’adaptation de nos territoires. Grâce à l’agroforesterie, le développement de corridors d’humidité pourrait soulager la fonction de réservoirs d’humidité des forêts “naturelles” (voir le concept de Targeted rainfall enhancement ). Maillons la France et l’Europe d’autoroutes de la pluie !

En plus de soutenir les forêts existantes, il serait judicieux de repenser la gestion des zones humides, mais aussi de recréer un maillage dense de mares à travers le territoire, pour  multiplier les réserves d’humidité. Cela permettrait également d’atténuer les risques d’érosion et d’inondation.

Pour une hydrologie régénérative

🌧️Connaissez-vous l’hydrologie régénérative qui vise à hydrater nos territoires ?🏞️

Le collectif de l’Autoroute de la Pluie adhère pleinement à cette approche qui vise à : 


🌧️🏞️ Ralentir, répartir, infiltrer et stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement 

🌱🌳 Densifier la végétation multifonctionnelle, cultivée ou non

L’énoncé de ces principes provient du site de l’association française Pour une Hydrologie Régénérative, créée en 2022.

Pour comprendre ces enjeux, Ananda Fitzsimmons revient dans son livre “Hydrater la terre” (commande disponible sur le site des éditions La Butineuse) sur le rôle oublié de l’eau dans la crise climatique. L’environnementaliste et promotrice de pratiques agroécologiques canadienne revient sur les risques liés à la désertification des territoires et les possibilités de régénérer le cycle de l’eau. Elle évoque plusieurs exemples d’application de l’hydrologie régénérative. Ainsi, en Arabie Saoudite des bédouins travaillent à contrer la désertification au moyen d’ingénieux dispositifs visant à ralentir le flux des rares précipitations, relançant ainsi l’activité photosynthétique [voir ce post très instructif].

En Australie, l’ingénieur et agriculteur PA Yeomans [version électronique du livre “The Keyline plan” de PA Yeoman] a dans les années 1950 inventé et appliqué le keyline design [définition du keyline design sur le site de Neayi – triple performance], un des piliers de l’hydrologie régénérative. Cette technique d’aménagement vise à maximiser les ressources en eau. En étudiant la topographie du territoire, il est possible d’y intégrer des keylines, qui suivent les courbes de niveau, pour y stocker et infiltrer les pluies. Les résultats en milieu semi aride ayant été probants, ces principes ont commencé à essaimer.

En France, Simon Ricard est un des praticiens de l’hydrologie régénérative (avec Perma Lab). Il accompagne des agriculteurs pour renforcer la résilience, hydrique notamment, de leurs exploitations. Alain Malard aide plus spécifiquement les viticulteurs. Tous deux partagent régulièrement sur LinkedIn des informations sur leurs activités.

Citons également Samuel Bonvoisin, conférencier et consultant en agroécologie, qui contribue à diffuser ces bonnes pratiques. Enfin, Charlène Descollonges, hydrologue de formation, auteure et conférencière, a acquis une notoriété qui permet de diffuser largement ces idées novatrices et porteuses d’espoir. La liste n’est pas exhaustive, cette association rassemblant de nombreux praticiens soucieux d’hydrater durablement les territoires.

Cette association travaille actuellement à mettre en place des “Plans territoriaux de régénération des cycles de l’eau “ afin que l’hydrologie régénérative passe à l’échelle en France. On le voit, hydrologie et pratiques agricoles et forestières sont étroitement imbriquées. Les convergences avec l’autoroute de la pluie sont évidentes.

Il est plus que jamais nécessaire de revoir notre manière de penser le territoire et d’y intégrer les notions d’hydrologie régénérative, d’agroforesterie à grande échelle et d’agroécologie. Cela ne pourra que renforcer les territoires et contribuer à atténuer la crise climatique.

La forêt méditerranéenne originelle n’est pas une garrigue

🌳 La garrigue, les pins et les chênes verts ne constituent pas la végétation méditerranéenne originelle. 🌳

L’image provient de: https://provence-alpes-cotedazur.com/que-faire/circuits/visite-massif-de-la-sainte-baume/

L’état de la forêt méditerranéenne fait débat. Ainsi, les historiens ne s’accordent pas pour quantifier l’impact de l’exploitation forestière durant l’antiquité.

L’excellent épisode “La terre s’est tue”, de l’émission LSD sur @France Culture, diffusée le 4 mars 2023, permet d’y voir plus clair grâce à deux des intervenants : Claire Delhon, archéobotaniste, et Jean-Paul Demoule, archéologue. En préambule, la notion “d’amnésie environnementale” est développée, signalant que les paysages européens qui nous semblent naturels ont tous été anthropisés.

On y apprend ensuite que des humains maîtrisant l’agriculture ont progressivement colonisé le sud de l’Europe, leurs pratiques agricoles transformant radicalement les paysages. Ils ont amené des ovins, domestiqués en territoires steppiques et consommé du bois. L’introduction de ces pratiques a transformé des forêts de feuillus en garrigues. En effet, les feuillus ne repoussaient pas assez vite après les coupes et le passage de troupeaux, laissant le champ libre à des espèces végétales plus appétentes pour le bétail, associées aux garrigues et aux chênes verts, qui eux font rapidement des rejets.

Les archéologues documentent cela via l’analyse de charbons de bois (anthracologie) trouvés sur les premiers sites d’installation néolithique. La prépondérance des feuillus est attestée pour tout le pourtour nord méditerranéen avant que la transition vers une végétation de garrigue se fasse au milieu du Néolithique.

Claire Delhon présente ensuite l’exemple de la forêt de la Sainte-Baume, à une trentaine de km de Marseille. On y trouve des feuillus, dont des hêtres dès 500 mètres d’altitude, alors qu’ils ne sont censés pousser qu’en haute montagne à cette latitude. Cet écosystème bénéficie avec le massif de la Sainte-Baume d’un barrage aux influences méditerranéennes. L’état de cette forêt s’explique aussi  par son caractère sacré, conservé à travers les siècles. Elle est d’ailleurs actuellement en réserve dirigée. Cette forêt bénéficie d’une litière épaisse et d’humus, le sol reste donc frais et humide. Elle garde ainsi son micro-climat forestier.

Néanmoins, cette forêt constitue un écosystème de feuillus fonctionnel, avec de nombreuses  jeunes pousses, notamment de hêtres, pourtant menacés par le changement climatique.Et cette forêt bénéficie d’une pluviométrie annuelle moyenne de 1.000 mm quand Marseille en reçoit la moitié. Ceci invite à repenser profondément l’aménagement du territoire.

Il n’est donc ni vain ni illusoire d’espérer inverser la tendance à l’aridification de la Méditerranée. Mais cela nécessite des efforts massifs, coordonnés et transfrontaliers. Nul doute que les citoyens seraient particulièrement enthousiasmés par la perspective d’un retour de forêts méditerranéennes denses et fonctionnelles. Des pistes complémentaires existent (voir notre article sur Jean Pain).

Déployer la pompe biotique

🌿🌦️ Comment mettre en œuvre la pompe biotique à l’échelle territoriale pour augmenter la pluviométrie de votre région ?🌳🌧️

Dans la leçon inaugurale de Nathalie De Noblet à l’Ecole supérieure des agricultures, la bioclimatologiste décrypte les rétroactions entre occupation des sols et climat. La chercheuse française montre comment ensemencer la pluie grâce à la végétation, afin qu’elle précipite plus loin et génère un système vertueux.

Elle cite un exemple documenté en Californie. L’objectif était de reverdir une colline en plantant des arbres irrigués dans une vallée. Les vents dominants allant de la vallée vers la colline, l’évapotranspiration accrue de ces nouveaux arbres s’est alors dirigée vers la colline avant de s’y condenser et de précipiter. Cela a permis à la végétation de croître sur la colline. Une partie de cette pluie supplémentaire a ruisselé vers la vallée, diminuant ainsi l’irrigation.

Les conditions pour utiliser cette approche de manière méthodique sont :

☁️ la première zone végétalisée est située à côté de flux d’humidité conséquents

🌬️ la seconde zone, où l’on souhaite améliorer les flux d’humidité, doit se trouver sous le vent de la première

🌧️ ainsi, les vents dominants se chargent d’humidité dans la première zone et les précipitations augmentent dans la seconde

Nathalie De Noblet, co-auteure du rapport sur l’état des sols du GIEC de 2019, insiste sur le caractère non local de cette action. Un projet déployé dans un lieu donné bénéficie à un territoire plus vaste. Notre projet s’inscrit dans la même démarche : mailler les territoires d’autoroutes de la pluie. L’aménagement du territoire pensé de manière systémique permet d’en améliorer la résilience à plusieurs échelles.

Ces considérations font écho à l’approche décrite dans notre post sur l’amélioration ciblée des précipitations (“targeted rainfall enhancement”, TRE), qui devrait guider la réflexion de tous projets de reforestation, et plus généralement de toute évolution sensible de l’usage des sols.

On le voit, il n’est pas nécessaire de disposer d’un potentiel d’évapotranspiration tel que celui de l’Amazonie pour impacter positivement le climat. Déployer ce type de démarche permettrait d’atténuer la tendance à la désertification du pourtour méditerannéen,. A condition de miser sur des solutions fondées sur la nature plutôt que sur le techno-solutionnisme (voir notre post sur les services rendus par les zones humides littorales et leur coût comparé à celui du dessalement de l’eau de mer).

Le passage sur l’augmentation localisée et volontaire de la pluviométrie est accessible à la 45ème minute de la conférence de Nathalie De Noblet.

Les images illustrant ce post et la vidéo proviennent de l’étude “Induced precipitation recycling (IPR): A proposed concept for increasing precipitation through natural vegetation feedback mechanisms “, publiée en 2016. Cette étude aborde le rôle potentiel des forêts et du couvert végétal comme outil d’adaptation.

Les zones humides littorales, un enjeu pour l’eau, la biodiversité et le climat

Au cours du dernier siècle, le niveau moyen de la mer 🌊 a déjà augmenté de 20 cm. En 2050, ce sera au moins 15 cm de plus (scénario intermédiaire du GIEC à +2°).

Par ailleurs, il n’aura échappé à personne que le régime hydrologique 🚿 habituel, en grande partie basé sur des stocks montagne (neige ❄️, glace 🧊), se dérégule et s’effondre. 

Dans ce contexte, plusieurs facteurs favorisent les précipitations :

🌡️ L’élimination des points chauds 

🟩  La continuité végétale 

🟦 L’aménagement des cours d’eau

🏖️ L’aménagement des côtes

Les zones humides littorales (voir l’étude Revue géographique des pays méditerranéens n° 215 de 2015 : Dynamiques des zones humides littorales et enjeux de gestion en Méditerranée et un Guide de l’Observatoire du littoral) constituent donc un enjeux essentiel, car elles sont un tampon entre la terre et la mer. Elles agissent comme une protection 🚧 contre l’entrée de l’eau salée dans les terres mais également comme récupérateur du ruissellement des plaines côtières. Ce sont également des zones de production économiques importantes pour des activités traditionnelles (pisciculture 🐟 🦐, marais salant 🧂, pré salés 🐑, conchyliculture 🦪, production d’algues et de salicorne 🥗), auxquelles s’ajoutent désormais la production d’énergie ⚡ et d’eau douce 🍸. Enfin, ce sont également des espaces privilégiés pour la biodiversité, et en particulier les espèces migratrices qui y trouvent des aires de passage.

En Europe, les formes les plus courantes sont l’étang, le marais et le pré salé. En zone tropicale, on trouve également les mangroves (voir le Guide pratique de production et de plantation des espèces de mangrove au Bénin et se l’ouvrage Mangrove ; une forêt dans la mer, 2018) dans lesquelles poussent des palétuviers.

Les palétuviers (ce nom vernaculaire désigne près de 25 arbres différents) sont des plantes halophytes et hydrophiles. Cela veut dire qu’ils supportent le sel et l’immersion. A ce titre, ils n’ont pas d’équivalent en zone tempérée, où les quelques arbustes halophytes (comme le tamaris) sont plutôt des plantes frustres. Outre le fait qu’une forêt de palétuviers est un obstacle aux fureurs de l’océan, un hectare de ces arbres transpire jusqu’à 30m3 d’eau par jour, ce qui est plus qu’une forêt de feuillus.

Ainsi, la zone humide littorale devient un moyen de dessaler l’eau de mer pour l’injecter dans l’atmosphère à proximité des côtes. Certains ont même envisagé de  la récupérer sous forme liquide. A titre de comparaison, l’usine de dessalement d’El Prat del Llobregat près de Barcelone, qui fournit 60000 m3 d’eau par ans pour seulement 180 MWh, a couté, en 2007, 230 M d’euros.

Pour toutes ces raisons, nous estimons que la recherche sur les plantes halophytes et le réaménagement des littoraux devrait être une priorité.

L’image d’illustration est « Ilôt de palétuviers au Philippines après le passage du typhon RaI en 2021 » (wikimédia)

L’impact climatique des coupes rases

🌳🌧️ Les coupes rases ont-elles un impact direct sur notre climat ? 🪓☀️

En France, la pratique des coupes rases en sylviculture suscite la polémique, à mesure qu’on comprend l’importance de l’arbre et du sol, grâce notamment à des associations comme @Canopee.

Une vaste étude parue en juin 2023 Expertise collective CRREF “ Coupes Rases et REnouvellement des peuplements Forestiers en contexte de changement climatique ” synthétise les connaissances sur ces pratiques. Le chapitre “Effets sur le milieu physique” évalue les impacts climatiques des coupes rases. Avant d’examiner ceux-ci, voici une liste (non-exhaustive) des conséquences des coupes rases :

➡️Les propriétés hydrodynamiques du sol sont perturbées

➡️ Avec la diminution de l’évapotranspiration, la teneur en eau du sol augmente (10 à 66 % en moyenne sur une épaisseur de sol allant de 25 à 50 cm) 

➡️ Le niveau de la nappe phréatique peut remonter sensiblement

➡️ Le ruissellement et l’érosion augmentent de 47% et 700% (d’après l’analyse de 155 bassins versants)

➡️ La fertilité des sols est très perturbée, notamment suite à une “rupture abrupte du cycle biologique et des modifications du pédoclimat”

➡️ Le stock de carbone dans les sols diminue

➡️ La biodiversité est très perturbée

En matière de climat, les coupes rases augmentent le rayonnement solaire diurne, les pertes radiatives nocturnes “ce qui accroît les amplitudes quotidiennes et saisonnières des températures de l’air proche du sol, et du sol en surface.” Selon la taille de la surface concernée, l’impact varie (surtout pour les coupes supérieures à 0,25 ha). 

Les impacts climatiques sont importants : “le microclimat sur les berges d’une rivière proche d’une coupe rase est modifié pendant plusieurs années, même si la lisière nouvellement créée se situe à plusieurs dizaines de mètres du cours d’eau. […] Lorsque la taille d’une trouée est supérieure à deux à trois fois la hauteur de l’arbre, les risques de chablis lors des tempêtes augmentent considérablement, d’un facteur 3 environ.” (voir notamment le post  » Quel est l’impact des forêts d’Europe occidentale sur la formation de la couverture nuageuse ?«

“Les coupes rases de très grandes tailles (> 10 000 ha) (des coupes sanitaires après des tempêtes extrêmes dans le contexte français) peuvent modifier également le climat régional du fait d’une modification brutale d’indice foliaire, d’albédo et de rugosité, dont la combinaison peut induire une augmentation ou une baisse d’ennuagement et de précipitations selon la disponibilité en eau.” 

Les études sur l’Amazonie documentent ces impacts aux échelles régionales et mondiales. Si, en France, il n’y a pas de coupes rases de cette taille sans raison sanitaire, la multiplication de coupes rases de taille moyenne a forcément un effet délétère et immédiat sur notre climat.

Il est donc critique que ces pratiques soient proscrites. Et l’arbre agricole permettrait de compléter la production sylvicole et de protéger un climat bien fragile en France. 

La végétalisation provoque l’effet inverse de celui des coupes rases, il est temps de s’y mettre !

La pluie ne connait pas les frontières politiques

🌧️🇨🇳 La pluie en Chine dépend-elle de la façade Atlantique française ? 🇫🇷🌳


Les écosystèmes sont interdépendants. La pluie n’a que faire de nos frontières politiques.

Ainsi, l’étude “Origin and fate of atmospheric moisture”, de Rudi J. van der Ent et al., parue en 2010, examine les dynamiques de l’humidité atmosphérique afin de comprendre dans quelle mesure les précipitations continentales dépendent du recyclage de l’humidité.

Ainsi, “l’humidité qui s’évapore du continent eurasien est responsable de 80 % des ressources en eau de la Chine. En Amérique du Sud, le bassin du Río de la Plata dépend de l’évaporation de la forêt amazonienne pour 70 % de ses ressources en eau. La principale source de précipitations dans le bassin du Congo est l’humidité évaporée sur l’Afrique de l’Est, en particulier dans la région des Grands Lacs. Le bassin du Congo, à son tour, constitue une source majeure d’humidité pour les précipitations au Sahel.

On le voit, les interdépendances sont multiples à l’échelle globale et le cycle de l’eau dépend étroitement du recyclage des précipitations continentales. Compte-tenu de l’importance de la végétation dans le processus de recyclage des précipitations, on comprend aisément que les projets de boisement et de restauration écologique dans une région donnée vont impacter directement la pluviométrie de zones plus ou moins proches. Et a contrario, modifier massivement l’usage du sol (c-a-d raser des forêts, retourner des prairies permanentes ou drainer des zones humides) aura des impacts critiques dans des zones situées sous le vent.

La carte illustrant ce post, issue de l’étude, démontre ce caractère critique pour une grande partie de l’Amérique du Sud, mais surtout pour l’est de l’Eurasie. Ainsi, la Mongolie, pays fortement enclavé, dépend presque entièrement du recyclage des précipitations.

Peut-être serait-il temps que les États se saisissent de ce sujet de manière transnationale. Plusieurs grandes agences de l’ONU sont déjà sensibilisées à ces interdépendances, mais il est souhaitable qu’une agence dédiée soit créée pour gérer cette thématique, où considérations locales et globales sont en étroite dépendance.

L’Autoroute de la Pluie s’affaire à médiatiser ce sujet, à marteler l’importance de la photosynthèse pour éviter les sécheresses. Nous souhaitons participer à déployer des corridors végétaux à large échelle pour renforcer les réseaux de recyclage de l’humidité atmosphérique.

Pour cela, nous avons besoin de toutes les forces vives. Pensez-vous qu’une telle approche, profondément proactive et positive, peut voir le jour rapidement ?

Amélioration de la disponibilité en eau grâce au boisement

📖🌳 Une étude parue en janvier 2024 s’intéresse à la manière dont le boisement permettrait de soutenir la dynamique des pluies. 🌳🌧️

Les scientifiques prennent de plus en plus en compte l’impact de la végétation sur la disponibilité en eau et l’étude “Targeted rainfall enhancement as an objective of forestation” dresse un panorama de ces recherches.

Les auteurs, Arie Staa, Jolanda Theeuwen, @Nico Wunderling, @Lan Wang-Erlandsson et Stefan Dekker, sont pour la plupart en poste aux Pays-Bas, un pays en pointe dans la compréhension des interactions entre végétation et précipitations. Ces capacités néerlandaises en génie écologique s’expliquent probablement par l’histoire de ce pays qui s’est construit largement sur la mer.

Les chercheurs développent le concept prometteur de “TRE” pour “targeted rainfall enhancement” (“amélioration ciblée des précipitations”), précisant qu’ils vont “plus loin que la littérature existante en arguant que – en plus d’autres considérations telles que les effets sur la biodiversité – il commence à devenir possible de prendre délibérément en compte les effets non locaux, spatialement explicites, du reboisement sur les précipitations dans la priorisation holistique du reboisement. et les évaluations de la vulnérabilité au changement climatique à l’échelle mondiale.”

Cette position fait écho à notre approche. Nous espérons d’ailleurs faire caisse de résonance sur ce sujet, pour que décideurs politiques et économiques prennent en compte la biosphère et cessent de penser qu’on peut compenser à court terme en plantant ici ce qu’on rase par là.

Plusieurs grands enseignements ressortent de cette étude exhaustive.

🌧️ Un suivi des réseaux de recyclage de l’humidité est nécessaire pour comprendre la complexité du cycle de l’eau, notamment la condensation. Il est rendu possible par les améliorations récentes du suivi de l’humidité atmosphérique à des échelles fines.

🌳 La plantation d’arbres peut être utilisée pour améliorer les précipitations locales, en plus de son impact à l’échelle non locale

🌿 Des corrélations positives ont été mises en lumière entre l’indice de surface foliaire cumulé (LAI) et précipitations

🌍 Le verdissement récent constaté sur la surface terrestre a déjà entraîné une légère augmentation annuelle de l’apport en eau (voir l’étude)

🏞️ L’augmentation massive des forêts ne doit pas se faire au détriment des écosystèmes indigènes qui fonctionnent, tels que les prairies naturelles et les zones humides

Enfin, et surtout, un ciblage des régions du globe les plus propices à ce type de projet est proposé : le sud et l’ouest de l’Amazonie, le Mexique, l’est de la Chine et l’Europe méditerranéenne.

La zone que cible prioritairement l’Autoroute de la Pluie se situe à la confluence de deux réservoirs importants d’humidité, l’océan Atlantique et la mer Méditerranée. Elle offre donc un potentiel important pour renforcer les réseaux de recyclage de l’humidité atmosphérique. Cela constitue donc une base stratégique avant d’étendre lesdits réseaux en Europe et sur la rive Sud de la Méditerranée.

Comment le boisement génère des nuages

🌲🌳 L’augmentation du boisement augmenterait sensiblement la couverture nuageuse de basse altitude, ce qui pourrait aider à refroidir la planète.☁️🌧️

Selon les résultats d’une étude, “pour 67 % des zones échantillonnées à travers le monde, le reboisement augmenterait la couverture nuageuse de basse altitude”, ce qui aurait des conséquences positives sur le cycle hydrologique et le climat.

Parue en 2021, l’étude “Revealing the widespread potential of forests to increase low level cloud cover” menée par Grégory Duveiller, Federico Filipponi, Andrej Ceglar et al. se base sur des observations de télédétection par satellite. Cette méthode vient compléter utilement les modèles climatiques, qui ne parviennent pas toujours à restituer la complexité des interactions terre-atmosphère, notamment pour comprendre la formation des nuages.

Selon les chercheurs, “les recherches suggèrent que, grâce à une rétroaction entre la génération des nuages ​​et son effet ultérieur sur le rayonnement entrant, les forêts ont tendance à favoriser l’établissement d’un équilibre entre les tendances de la température et de l’humidité, garantissant ainsi la pérennité de ces conditions de formation des nuages.” 

Dit autrement, les espaces forestiers créent et auto-entretiennent les conditions favorables à un ennuagement conséquent (voir notamment pour le lien entre climat et nuage notre post sur la répartition des nuages sur terre).
D’autres résultats de l’étude sont particulièrement instructifs :

➡️Les boisements ont tendance à augmenter davantage la couverture nuageuse d’une région durant sa période la plus chaude. Compte tenu des conditions extrêmes que nous vivons désormais l’été, ceci doit retenir l’attention de tous.

➡️ Moins intuitif: certains types de forêts de conifères auraient des effets plus importants sur la formation de nuage de basse altitude, ce qui viendrait contrebalancer une évapotranspiration plus faible que celle des feuillus. Les recherches sur ce sujet continuent et promettent des résultats passionnants.

Adoptant une attitude volontariste, les chercheurs appellent à ce que ces résultats soient utilisés par les décideurs politiques afin de concevoir et déployer d’ambitieuses politiques d’atténuation grâce à des solutions fondées sur la nature.

Ce dernier point fait tout particulièrement écho au projet de l’Autoroute de la Pluie. En effet, il est urgent de déployer partout où cela est possible des projets basés sur les services écosystémiques. Et comme il est nécessaire de conserver des terres cultivées, le déploiement à grande échelle de l’agroforesterie est vital pour protéger les sols et atténuer les extrêmes climatiques.

On a coutume de dire que le climat fait la plante mais ne devons-nous pas prendre l’habitude de dire que la plante fait le climat?

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