Initiative de réappropriation climatique

Étiquette : zones humides

A propos de la perte de la mangrove en Guyane

Faire avec la géographie.

En 1948, Boris Choubert, géologue à l’Office de la Recherche Scientifique Outre-Mer, remarque dans son étude intitulée “sur des phénomènes actuels de sédimentation le long des côtes guyanaises” le caractère extrêmement mouvant de la côte guyanaise.

En effet, la forme du littoral Guyanais dépend essentiellement d’un banc de vase déposé par les eaux de l’Amazone. Comme l’explique cet article d’Antoine GARDEL du Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences, les 1500 km de côte entre les embouchures de l’Amazone et de l’Orénoque constituent la plus grande côte vasière du monde, en recevant tous les ans entre 150 et 200 million de tonnes de sédiments.

Ces sédiments forment des bancs de vase d’une vingtaine de kilomètres qui se déplacent selon la direction de la houle, c’est-à-dire essentiellement celle des alizés, à une vitesse allant de 0,5 à 5 km/h. En touchant la côte, ils forment des vasières de plusieurs kilomètres. Sur ces vasières pousse alors de la mangrove.

Ainsi en 1964, lorsque l’Etat décide de construire une cité spatiale pour remplacer le précédent centre situé en Algérie, des criques sont bouchées et des zones humides sont asséchées et comblées. La mangrove est bordée de quelques rangs de cocotiers et d’une route, puis des maisons sont construites (voir cette étude). Tout ça, sous le regard médusé des créoles.

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Évidemment, ce qui devait arriver, arriva. Le banc de vase a disparu et les maisons en bord de route sont désormais en bord de mer. Pour les gens qui vivent là, la situation est dramatique. Même s’il est probable que la vase finisse par se réinstaller (cf cet article), le trait de côte a irrémédiablement bougé et les habitations, désormais exposées aux tempêtes, sont condamnées. La mer, qui était pourtant à plusieurs kilomètres, est désormais à leurs portes. Les sacs de sable posés par la commune ne sont pas grand chose face aux éléments.

Par ailleurs, on constate que si certains peuples autochtones ont l’habitude de s’installer sur le littoral, c’est parce qu’ils sont capables de partir rapidement pour changer de lieu d’habitation. Il y a donc d’un côté une force de la nature capable d’arracher en peu de temps des kilomètres de forêt littorale et de l’autre une stratégie de souplesse et d’adaptation qui a l’air de mieux fonctionner que les tentatives de domination des éléments.

C’est aussi le message de l’Autoroute de la Pluie : faire avec plutôt que contre.

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#mangrove #climateaction #océan

La mare, l’oubliée de la simplification des paysages

🏞️Nous entendons à juste titre beaucoup parler de la perte des haies et du bocage. Toutefois, réalise-t-on l’importance du déclin des mares qui ont longtemps maillé nos territoires agricoles ? 🐸

Car c’est un fait : les mares sont en voie de disparition. Ainsi, “de nombreux pays industrialisés ont perdu de 50 à 90 % de leurs mares, directement en relation avec l’aménagement du territoire”. En France, “entre 30 et 40 % des mares ont disparu depuis 1950 en France et leur effectif est dix fois moins élevé qu’au début du siècle dernier. De plus, l’immense majorité des mares restantes est abandonnée” [étude de 2013]. En outre, “on estime qu’il y aurait sur Terre 3 milliards de mares de 100 à 1000 m², soit une surface de 0.8 milliards de km² ou 20 mares par km² […]. Les mares agricoles, à elles seules, représenteraient 77.000 km² à l’échelle mondiale” (selon cette étude).

Peu de sources récentes sont aisément accessibles pour évaluer la tendance depuis 2013. Et ce sujet est oublié des rares médias qui accordent encore une place aux questions de climat, de biodiversité et d’agroécologie.

Pourtant, les bénéfices des mares et milieux apparentés sont énormes :

🟢 Ce milieu présente les meilleures capacités de stockage de CO2. En volume, les zones humides stockent plus de CO2 que les sédiments océaniques pour une surface bien plus restreinte. Et les petites zones humides stockent davantage que les grandes par unité de surface [2].

🟢Ce milieu facilite grandement la gestion du trop plein et du manque d’eau

▶️une mare retient l’eau et recharge les aquifères

▶️ elle constitue également une réserve pour le bétail, les maraîchers, voir les céréaliers

🟢Une mare filtre l’eau grâce aux plantes qu’elle abrite

🟢Une mare a un rôle pivot pour la biodiversité, et renforce les corridors existants

🟢L’importance économique des mares n’est pas quantifiée à notre connaissance, mais elle est énorme tant ces services écosystémiques sont essentiels.

Le sujet de la mare, entendu comme un système de stockage des excès de pluie en période hivernale, se pose avec une acuité grandissante. Selon les projections climatiques, en France les périodes de sécheresses seront plus fréquentes et plus longues. Il sera alors opportun de disposer de stockages. Stocker l’eau ne doit pas être un tabou, à condition de ne pas multiplier des méga bassines privatisant la ressource.

En plus de réhabiliter les mares abandonnées, une voie médiane et réaliste serait donc de favoriser l’implantation d’un maillage important de noues et keylines et de fermer certains fossés.

En outre, toujours selon les projections, le Nord de la France sera particulièrement arrosé. Il faudra alors faire face à des cumuls de précipitations très importants, la période octobre 2023-octobre 2024 étant un avant-goût.

Avant de restaurer toutes les zones humides drainées frénétiquement, la réinstallation de mares apparaît comme un horizon atteignable à moyen terme.

#CO2 #biodiversité #zoneshumides

Les zones humides littorales, un enjeu pour l’eau, la biodiversité et le climat

Au cours du dernier siècle, le niveau moyen de la mer 🌊 a déjà augmenté de 20 cm. En 2050, ce sera au moins 15 cm de plus (scénario intermédiaire du GIEC à +2°).

Par ailleurs, il n’aura échappé à personne que le régime hydrologique 🚿 habituel, en grande partie basé sur des stocks montagne (neige ❄️, glace 🧊), se dérégule et s’effondre. 

Dans ce contexte, plusieurs facteurs favorisent les précipitations :

🌡️ L’élimination des points chauds 

🟩  La continuité végétale 

🟦 L’aménagement des cours d’eau

🏖️ L’aménagement des côtes

Les zones humides littorales (voir l’étude Revue géographique des pays méditerranéens n° 215 de 2015 : Dynamiques des zones humides littorales et enjeux de gestion en Méditerranée et un Guide de l’Observatoire du littoral) constituent donc un enjeux essentiel, car elles sont un tampon entre la terre et la mer. Elles agissent comme une protection 🚧 contre l’entrée de l’eau salée dans les terres mais également comme récupérateur du ruissellement des plaines côtières. Ce sont également des zones de production économiques importantes pour des activités traditionnelles (pisciculture 🐟 🦐, marais salant 🧂, pré salés 🐑, conchyliculture 🦪, production d’algues et de salicorne 🥗), auxquelles s’ajoutent désormais la production d’énergie ⚡ et d’eau douce 🍸. Enfin, ce sont également des espaces privilégiés pour la biodiversité, et en particulier les espèces migratrices qui y trouvent des aires de passage.

En Europe, les formes les plus courantes sont l’étang, le marais et le pré salé. En zone tropicale, on trouve également les mangroves (voir le Guide pratique de production et de plantation des espèces de mangrove au Bénin et se l’ouvrage Mangrove ; une forêt dans la mer, 2018) dans lesquelles poussent des palétuviers.

Les palétuviers (ce nom vernaculaire désigne près de 25 arbres différents) sont des plantes halophytes et hydrophiles. Cela veut dire qu’ils supportent le sel et l’immersion. A ce titre, ils n’ont pas d’équivalent en zone tempérée, où les quelques arbustes halophytes (comme le tamaris) sont plutôt des plantes frustres. Outre le fait qu’une forêt de palétuviers est un obstacle aux fureurs de l’océan, un hectare de ces arbres transpire jusqu’à 30m3 d’eau par jour, ce qui est plus qu’une forêt de feuillus.

Ainsi, la zone humide littorale devient un moyen de dessaler l’eau de mer pour l’injecter dans l’atmosphère à proximité des côtes. Certains ont même envisagé de  la récupérer sous forme liquide. A titre de comparaison, l’usine de dessalement d’El Prat del Llobregat près de Barcelone, qui fournit 60000 m3 d’eau par ans pour seulement 180 MWh, a couté, en 2007, 230 M d’euros.

Pour toutes ces raisons, nous estimons que la recherche sur les plantes halophytes et le réaménagement des littoraux devrait être une priorité.

L’image d’illustration est « Ilôt de palétuviers au Philippines après le passage du typhon RaI en 2021 » (wikimédia)

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